La dix-huitième chambre de la cour d'appel de Paris a validé vendredi dernier un jugement du conseil des prud'hommes de Longjumeau portant sur un litige entre un employeur et un de ses salariés à propos de la rupture d'un contrat nouvelles embauches.
Au-delà de ce cas d'espèce et des vicissitudes politico-judiciaires qu'a connues cette affaire, il s'agit du premier jugement rendu par une juridiction de ce niveau qui invalide le CNE, institué par l'ordonnance du 4 août 2005 prise par le gouvernement de M. de Villepin et que l'UMP, alors présidée par M. Sarkozy, a totalement soutenu.
Cet arrêt, qui est bien entendu appelé à faire jurisprudence, signifie que la justice de notre pays a rejoint l'avis des millions de personnes qui, pendant des semaines, ont manifesté dans les rues pour exiger et obtenir le retrait du CPE, frère jumeau du CNE.
Je rappelle que, si le premier était réservé aux jeunes pour une première embauche et le second destiné à toutes les embauches dans les entreprises de moins de vingt salariés, ces deux contrats de travail avaient pour particularité commune de permettre, durant deux ans, le licenciement des salariés sans indication de motif.
La cour d'appel de Paris a notamment motivé sa décision en jugeant le CNE non conforme à la convention 158 de l'Organisation internationale du travail, que la France a signée voici plus de vingt ans et qui fait obligation aux employeurs de motiver tous les licenciements de salariés.
En vérité, le régime commun à ces deux contrats avait pour but inavoué de devenir la règle générale à l'embauche des jeunes et de tous les salariés des PME pour supplanter, en définitive, le CDI, qui prévoit, lui, des périodes d'essai légales ou conventionnelles raisonnables. Au fond, il s'agissait de rendre taillables et corvéables à merci des millions de salariés, ce qui n'est pas la meilleure façon, vous l'avouerez, de valoriser le travail.
Ces deux contrats relevaient ensemble d'une seule et même stratégie, à laquelle le MEDEF et la CGPME n'ont cependant toujours pas renoncé. Le but de la manoeuvre était de faire en sorte que CPE et CNE deviennent la nouvelle norme pour l'embauche des salariés, afin d'exercer, par la menace permanente du licenciement, une pression maximale sur les conditions de travail et de salaire.
La période d'essai, qualifiée de période de « consolidation », devait durer deux longues années pendant lesquelles le nouvel embauché pouvait être congédié sous les plus fallacieux prétextes et sans que l'employeur ne soit tenu de motiver le licenciement.
Dans son arrêt, la cour d'appel de Paris a constaté, je cite, que « durant une période de deux années, le CNE prive le salarié de l'essentiel de ses droits en matière de licenciement ».
Elle a estimé qu'il était anormal que le salarié soit obligé de prouver le caractère abusif de son licenciement.
Elle a déclaré dans ses attendus, je cite encore, que « cette régression, qui va à l'encontre des principes fondamentaux du droit du travail dégagés par la jurisprudence et reconnus par la loi, prive les salariés des garanties d'exercice du droit du travail » et que « dans la lutte contre le chômage, la protection des salariés dans leur emploi semble être un moyen au moins aussi pertinent que les facilités données aux employeurs pour licencier ».
La cour d'appel de Paris a ainsi fait litière du principal argument du MEDEF et de la CGPME selon lequel la précarisation extrême des nouveaux embauchés serait favorable à l'emploi.