M. Mallié, qui avait eu la sagesse de retirer son amendement en commission, le remet maintenant en débat. Sans doute a-t-il anticipé, en fait, les désirs du Président de la République. En effet, on a appris hier soir que, si vous faites une version encore un peu encadrée de l'ouverture des magasins le dimanche, le Président de la République, lui, veut généraliser cette ouverture de tous les magasins le dimanche.
Je voudrais répondre point par point à plusieurs arguments que vous avancez. Sur le fond, j'ai lu dans la presse que l'élection présidentielle a marqué une rupture, un changement. Jusqu'à présent, la droite accusait souvent la gauche d'être excessivement matérialiste. On voit qu'aujourd'hui vous allez, mesure après mesure, sans doute liquider les dernières digues qui subsistaient en la matière. C'est bien dommage qu'on aille dans cette voie-là.
Je voudrais faire une première remarque sur la question des zones agglomérées. Je ne vois pas pourquoi vous voulez introduire cette notion. Pourquoi y aurait-il une différence à faire ? Vous introduiriez une distorsion de concurrence – il n'y a pas d'autre qualification – entre les zones urbaines et les zones rurales.
Deuxième remarque : vous dites que les amendes sont très faibles en cas de non-respect de la loi. Mais peut-être pourrions-nous proposer un amendement pour que ces pénalités soient renforcées et pour que la loi soit bien appliquée ?
Cela m'amène à relever, dans votre exposé des motifs, une phrase un peu choquante : « Il est temps de favoriser le retour à un État de droit. » Si je comprends bien, il faut donc que les pratiques des zones de non-droit, de tous ceux qui se mettent hors la loi, soient légalisées. Nous mettons là le doigt dans un engrenage qui me paraît particulièrement dangereux. Je pense que nous aurons l'occasion d'en reparler, car ce serait un bel encouragement pour tous ceux qui se mettent hors la loi. On leur dit : « Ce n'est pas grave, on légalisera ensuite ! »
Autre argument que vous avancez : la vente par Internet. On a beaucoup entendu ça pour justifier le commerce le dimanche. Mais la vente par Internet, ce n'est jamais qu'une nouvelle version de la vente par correspondance, qui a toujours existé. La différence entre les achats par Internet et ceux effectués dans les commerces ouverts le dimanche, c'est que celui qui achète par Internet n'oblige personne à être présent dans un magasin. Les demandes sont traitées le lundi et le reste de la semaine. Il n'y a aucun problème de travail le dimanche en l'occurrence.
Dernier point concernant le chiffre d'affaires : vous nous faites valoir que les commerces réalisent ce jour-là un chiffre d'affaires qu'ils ne font pas les autres jours. M. Ayrault en a parlé tout à l'heure pour la ville de Nantes et l'agglomération nantaise. Étant moi-même élu nantais, je peux témoigner que, lorsque nous avons eu le débat, des directeurs de grandes surfaces commerciales nous ont expliqué qu'ils ne faisaient aucun chiffre d'affaires supplémentaire s'ils globalisaient les ventes sur l'année. Tout simplement parce que le pouvoir d'achat des consommateurs reste le même, quoi que vous fassiez. Simplement, ces directeurs nous ont dit : « Si d'autres ouvrent, nous allons être obligés de le faire, parce que, sinon, nous serions soumis à une concurrence déloyale. »
Donc, nous restons attachés au maintien du repos dominical, non pas pour des raisons religieuses – qui regardent chacun –, mais parce qu'il nous paraît nécessaire de conserver un moment pour que les familles et les amis puissent se retrouver. Vous savez très bien que, si l'on commence à généraliser le travail le dimanche, notamment dans les commerces, cette possibilité n'existera plus. Alors, qu'il y ait quelques autorisations par an, pourquoi pas ? Mais aller au-delà serait très dangereux.
Ces derniers temps, on a beaucoup parlé de la responsabilité des parents vis-à-vis de leurs enfants. Franchement, je vous le dis : il ne faudra pas se plaindre que des enfants restent livrés à eux-mêmes des journées entières, des samedis et des dimanches, si vous obligez – car ce sera ça – leurs parents à travailler le dimanche.