L'amendement n° 143 vise à supprimer l'article L. 212-6-1 du code du travail, qui a introduit dans notre législation sociale le concept des heures choisies – concept singulier qui laisse croire lui aussi qu'il existerait un nouveau monde où les rapports au sein de l'entreprise, entre l'employeur et ses salariés, seraient de parfaite égalité, offrant à ces derniers la possibilité de négocier l'aménagement et l'organisation de leur temps de travail. Nous le redisons : cette liberté n'est qu'une fiction juridique créée par la loi de mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, texte initié par les députés UMP Patrick Ollier, Hervé Novelli et Pierre Morange.
Ces heures choisies présentent pour les employeurs le fabuleux avantage d'échapper au régime de droit commun applicable aux heures supplémentaires. Ce sont des heures travaillées au-delà du contingent d'heures supplémentaires, élargi de 130 à 180 heures grâce à M. Fillon, contournant les deux autres obstacles que sont l'autorisation de l'inspecteur du travail et le droit à un repos compensateur obligatoire – autant de garanties qui étaient de nature à protéger la santé des salariés, mais aussi à privilégier l'embauche de nouveaux salariés ou le passage à temps complet de ceux qui sont à temps partiel.
Vous objecterez – comme vous l'avez fait tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, en vous trompant de sujet – que ces heures ne peuvent être imposées, la loi prévoyant qu'elles sont subordonnées à l'existence d'un accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement, et à un accord entre l'employeur et le salarié.
Le MEDEF, vous le savez bien, rêvait de cette individualisation des relations de travail, de discussions aussi décentralisées que possible, quasiment de gré à gré, entre l'employeur et le salarié. Il s'est montré très satisfait des innovations et assouplissements permis par le texte de 2005. Il se félicite aujourd'hui encore que l'on aille « à la vitesse de l'entreprise », avec des heures supplémentaires et complémentaires quasiment gratuites pour les patrons, donnant lieu à une majoration de 10 % à 25 % et ouvrant droit, surtout, à d'avantageuses exonérations de cotisations patronales.
Demain, toujours au nom de l'emploi, du travail et du pouvoir d'achat, vous défendrez avec ardeur la liquidation du SMIC, la fin de la durée légale fixée par la loi, et quoi d'autre encore ? On n'arrête pas le progrès ! Modernité, direz-vous ?
Je conclurai en citant ceux un professeur d'économie, M. Olivier Favereau, qui notait en 2005 – mais son propos n'a pas pris une ride – que « regardés de près, ces deux slogans, “Travailler plus pour gagner plus” et “Rétablir la liberté de choix”, sous couvert de modernité et de flexibilité, traduisent une vision de l'économie et de l'entreprise qui fleure bon le xixe siècle ».