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Intervention de Michel Bouvard

Réunion du 4 février 2009 à 15h00
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Bouvard, vice-président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le premier président, chers collègues, suppléant le rapporteur général, qui est en déplacement en dehors de métropole et qui n'a pu reporter ce voyage programmé avant que soit fixé l'ordre du jour de cette séance, je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée de m'exprimer à l'occasion de la remise solennelle du rapport public annuel de la Cour des comptes.

Je tiens à souligner, comme vient de le faire le président de la commission des finances, l'importance que l'Assemblée nationale, et plus particulièrement notre commission, attachent à l'assistance que la Cour leur apporte dans leurs fonctions essentielles de contrôle du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques.

En mentionnant explicitement cette mission d'assistance dans un nouvel article 47-2 de la Constitution, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République l'a consacrée. Réjouissons-nous qu'elle permette de garantir une association plus étroite de la Cour au travail parlementaire.

Les thèmes choisis, cette année encore, dans le rapport annuel – citons par exemple « les enjeux de la participation des employeurs à l'effort de construction », « la prise en compte de la demande d'asile », « la gestion des risques naturels », « la gestion de leur patrimoine immobilier par les universités », « les autorités de contrôle et de régulation du secteur financier » ou encore « l'AFITF » – ne manqueront pas d'intéresser notre Assemblée et, plus largement, nos concitoyens.

Vous le savez, monsieur le premier président, nos commissions, nos rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis de chacune des commissions sont très attentifs à ces rapports qu'ils exploitent dans leur travail d'investigation.

Je regrette toutefois qu'il n'ait pas été encore fait usage du dernier alinéa de l'article 58 de la LOLF, aux termes duquel : « Le rapport annuel de la Cour des comptes peut faire l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat ». La faculté d'organiser un débat sur le rapport public annuel de la Cour des comptes n'était pas prévue dans le texte initial de la LOLF. Elle a été introduite par la loi organique du 12 juillet 2005, à mon initiative et avec le soutien de mes collègues de la MILOLF, que je remercie, et du président de la commission. Comme le soulignait M. Carrez, qui rapportait au nom de la commission spéciale mise en place pour l'examen de ce texte, la tenue d'un véritable débat sur les rapports publics annuels de la Cour serait de nature à leur conférer davantage de portée, au sein de notre Assemblée comme à l'extérieur, et permettrait d'assurer un meilleur suivi des observations émises dans ces rapports.

Ce débat pourrait en effet constituer une occasion de faire le point sur la mise en oeuvre des recommandations formulées par la Cour des comptes au cours des exercices précédents. Cela nous permettrait, monsieur le premier président, de faire converger les efforts avec ceux accomplis par la Cour depuis votre prise de fonction afin d'assurer elle-même le suivi de ses propres observations, comme vous l'avez rappelé il y a quelques instants. Ainsi, les 118 observations qui n'ont pas eu de réponse précise et les 16 sur lesquelles ont porté un refus pourraient voir leur nombre diminuer.

Je souhaite donc, pour l'avenir, la tenue de ce débat, et je ne doute pas que nous saisirons l'occasion de la réforme de notre règlement pour faire progresser cette affaire. (Sourires.) Un tel débat sera de nature, j'en suis sûr, à développer encore le mouvement de coopération entre la Cour et le Parlement. Cette coopération paraît d'autant plus nécessaire que de très grands défis sont aujourd'hui posés à nos finances publiques et, plus largement, à notre modèle de gestion publique.

Ces défis pourraient être résumés sous la forme d'une seule question : comment passer le cap de la crise économique actuelle sans relâcher notre effort de modernisation de la gestion publique ? Sans prétendre répondre de façon exhaustive à une aussi vaste question, je me contenterai aujourd'hui d'en évoquer l'une des facettes, qui tient particulièrement à coeur aux membres de la commission : celle de la mise en oeuvre de la LOLF.

Nous bénéficions désormais, depuis 2006, d'un recul de trois années complètes d'application de la loi organique, adoptée en 2001. Il est donc temps de s'essayer, non pas à établir un bilan définitif, mais à inventorier les principaux défis qui restent à relever.

La plus grande responsabilisation des gestionnaires – responsables de programme, mais aussi services déconcentrés – demeure un enjeu essentiel. L'adoption, jeudi dernier, par le Parlement, d'une programmation triennale des dépenses de l'État – 2009-2011 –, intégrée à la nouvelle loi de programmation des finances publiques, devrait permettre de progresser vers davantage de liberté dans la gestion des crédits. L'un des critères témoins des marges de manoeuvre laissées aux gestionnaires sera le degré d'utilisation de la fongibilité asymétrique, technique qui reste à ce jour largement virtuelle.

La gestion par la performance demeure, elle aussi, encore embryonnaire. Afin de renforcer le suivi parlementaire de cette question, les rapporteurs spéciaux de la commission des finances procéderont, comme vient de l'indiquer le président, dans les semaines qui viennent, à l'audition des différents responsables de programme ; il s'agira de faire le point sur le dispositif de suivi de la performance, afin de faire vivre cet aspect fondamental de la loi organique.

Dans le même ordre d'idées, en dépit de progrès incontestables, la réforme du pilotage de la masse salariale et des emplois publics, la déconcentration de la gestion des ressources humaines – la GRH – et la progression vers une logique de métiers au sein de la fonction publique sont des défis qui demeurent d'actualité. La réforme de la gestion des ressources humaines est d'ailleurs l'un des enjeux transversaux de la révision générale des politiques publiques.

Autre chantier essentiel : en matière financière et comptable, l'État doit se doter de systèmes d'information fiables, efficaces, aussi simples d'utilisation que possible et permettant d'exploiter toutes les potentialités que recèle la LOLF en matière de modernisation de la gestion publique.

Voici un exemple supplémentaire de collaboration entre le Parlement et la Cour des comptes, et un point de convergence entre notre discours et celui du Premier président : à la demande de notre commission des finances, la Cour a remis, à la fin de l'année dernière, un rapport sur le système d'information financière de l'État - en particulier sur l'application Chorus –, rapport dont s'est récemment fait l'écho notre mission d'information relative à la mise en oeuvre de la LOLF, qui poursuit ses propres travaux sur ce thème.

Tous ces défis pourraient paraître, en la période actuelle, totalement déconnectés des urgences liées à la crise économique. Ce serait méconnaître le fait que la loi organique constitue un outil supplémentaire face à cette crise. En effet, à l'heure où les États injectent des fonds publics dans l'économie, en se finançant massivement sur les marchés, à l'heure où la puissance publique multiplie les engagements à l'égard des agents économiques, sous forme, notamment, d'octroi de garanties, la loi organique permet de mieux appréhender de tels phénomènes financiers, qui dépassent très largement la vision budgétaire traditionnelle, faite d'encaissement de recettes et de paiement de dépenses. J'en donnerai deux exemples.

Premièrement, en conférant aux lois de finances le monopole de l'octroi de la garantie de l'État, la LOLF évite que le législateur financier ne soit mis devant le fait accompli, comme cela a pu être le cas dans le passé. On a pu constater, en octobre dernier, qu'une telle exigence n'empêchait pas la réactivité, puisque la loi de finances rectificative autorisant les garanties au profit du secteur bancaire a été adoptée par le Parlement en deux jours. Il faut désormais aller plus loin dans l'analyse des engagements de l'État liés aux garanties qu'il a accordées : si le Compte général de l'État annexé au projet de loi de règlement énumère l'ensemble des garanties, il conviendrait de mieux connaître les encours concernés et, surtout, les risques qui y sont associés. Peut-être la Cour des comptes pourrait-elle nous prêter assistance dans cette tâche.

Deuxièmement, en mettant en place une comptabilité générale, établie en droits constatés, la loi organique permet d'offrir une vision bilancielle de la situation financière de l'État. Concrètement, cette approche patrimoniale doit permettre de vérifier si, au passif qu'entraîne un recours accru à l'endettement public, correspondent des actifs constitués en contrepartie. C'est un outil indispensable pour apprécier justement la situation de nos finances publiques. Très concrètement, cela constitue l'un des moyens de démontrer la « qualité » de la dette française à des investisseurs de plus en plus exigeants, ainsi qu'en témoignent les écarts croissants des conditions de financement des différents États au sein de la zone euro.

La nécessité de cette approche bilancielle – actif-passif – renforce d'autant l'intérêt des états financiers joints au projet de loi de règlement et certifiés par la Cour des comptes. Elle plaide également pour une progression vers une plus grande consolidation des comptes des entités publiques, en raison de la diversité des intervenants dans la mise en oeuvre des politiques publiques ; je songe, bien sûr, aux opérateurs de l'État, mais aussi à tous les véhicules ad hoc créés ces dernières semaines : la Société de prise de participation de l'État, la Société de financement de l'économie française, le Fonds stratégique d'investissement, etc.

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