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Intervention de Didier Migaud

Réunion du 4 février 2009 à 15h00
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan :

Ce jour-là, la Cour a rendez-vous avec le Parlement et, à travers lui, avec nos concitoyens ; la presse, d'ailleurs, ne s'y trompe pas.

Il est bon que l'opinion publique soit prise à témoin de cette rencontre consacrée au contrôle des finances publiques, après, monsieur le premier président, que vous avez remis votre rapport au chef de l'État. Cela étant, je rappelle que notre séance de ce jour est préparée par un dialogue poursuivi de manière continue tout au long de l'année. L'assistance apportée par la Cour des comptes au Parlement se traduit par des échanges nombreux et généralement beaucoup plus discrets, afin de respecter les procédures de la Cour.

Le rapport public lui-même est au carrefour de ce réseau d'échanges, comme le montrent les thèmes traités cette année.

Certaines insertions au rapport font suite à des enquêtes demandées par notre commission des finances ; je pense ici aux dispositifs de formation à l'initiative des salariés.

D'autres thèmes rejoignent directement nos préoccupations du moment, et viendront fort à propos alimenter notre réflexion, qu'il s'agisse par exemple des autorités de contrôle et de régulation du secteur financier – nous recevons tout à l'heure le nouveau président de l'Autorité des marchés financiers – ou de la gestion de la trésorerie de l'État – dont vous avez dit un mot, monsieur le premier président – ou encore des risques pris par les collectivités territoriales en matière d'emprunt.

Quant aux autres sujets, je sais qu'ils intéresseront particulièrement les rapporteurs spéciaux concernés et plusieurs autres membres de la commission. Il suffira, pour que les intéressés se reconnaissent, de citer l'agence de financement des infrastructures de transport – l'AFITF – ou la prise en compte de la demande d'asile.

Je ne veux pas revenir ici sur les multiples occasions de rencontre entre députés et magistrats de la Cour des comptes. Je me bornerai à remercier ces derniers pour leur disponibilité et leur esprit de coopération, en toute indépendance, naturellement. Je ne donnerai qu'une illustration de la qualité du dialogue qui s'est instauré entre nous.

Dans la dernière loi de règlement, un amendement adopté à l'initiative de notre rapporteur général, M. Carrez, a complété l'article L. 135-5 du code des juridictions financières pour nous permettre de demander des rapports autres que ceux qui nous sont obligatoirement transmis. Cette procédure a une réelle utilité car, à la faveur de leurs rencontres informelles, nos rapporteurs sont informés de l'existence de rapports de la Cour sur les sujets qui les concernent. C'est ainsi, monsieur le premier président, que je vous ai adressé hier une demande destinée à l'information de la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances sur le musée du Louvre.

Je l'ai dit : le rapport public ne résume pas à lui seul les échanges entre la Cour et le Parlement. Afin d'alimenter ce dialogue, j'aimerais, pour terminer, vous faire part de réflexions que m'inspirent certaines des remarques que vous avez formulées, monsieur le premier président, et que vous aviez déjà formulées lors de la séance solennelle de rentrée de la Cour des comptes, le 27 janvier dernier.

Je tiens avant tout à saluer la conception, que vous avez défendue, du rôle de la Cour devant la situation actuelle de nos finances publiques. Vous avez tracé deux orientations : veiller à faire la lumière sur le plan de relance et ses conséquences financières dans le cadre du suivi de son exécution ; et continuer à alerter sur les dangers de la croissance de la dette publique. Vous observez en effet dans votre rapport que « la France a abordé la récession avec des finances publiques sensiblement plus dégradées que celle de ses pays voisins ». Je crois pouvoir dire que vous avez, sur ces deux points, l'entier soutien de notre commission des finances.

Votre réflexion en cours sur l'évolution de l'organisation des juridictions financières – vous en avez dit un mot – me semble également constituer une initiative intéressante, même s'il convient de rester attentif aux modalités de cette nouvelle organisation. Vous avez d'ailleurs observé que des obstacles pouvaient entraver le travail commun à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes, qui sont autant de handicaps pour l'évaluation des politiques publiques que nous souhaitons, au niveau tant du Parlement que du Gouvernement. Dès lors, il est utile de lever ces obstacles.

Vous avez ensuite à très juste titre souhaité que la crise, loin d'interrompre la réflexion sur ce que l'on appelle la réforme de l'État, vienne au contraire l'activer. Comme on pouvait s'y attendre, vous avez ouvert le débat par des prises de position parfois iconoclastes, toujours stimulantes, donc utiles au débat.

À titre personnel, votre constat m'a semblé quelque peu pessimiste. Personne, je crois, ne s'attendait, avec la LOLF, à l'avènement rapide et idyllique d'une nouvelle gestion publique sans peur et sans reproche. Ainsi, en 2005 et 2006, les rapports que nous avions remis avec M. Alain Lambert au Gouvernement sur la mise en oeuvre de la nouvelle loi organique ne faisaient pas mystère des très nombreux progrès à accomplir, notamment pour responsabiliser davantage les gestionnaires publics. Ceux qui, parmi nous, siègent à la MILOLF – en particulier MM. Bouvard, Carcenac, Brard et de Courson présents aujourd'hui – le savent bien. Nous sommes encore à ce jour dans une situation de transition. Des défauts subsistent ; il est important que la Cour aussi bien que le Parlement puissent contribuer au processus d'amélioration en cours.

Le responsable du programme semble vous avoir profondément déçu, monsieur le premier président. Certains avaient-ils vu en lui, comme vous le dites, une sorte de « super-héros » ? Toujours est-il que les administrations avaient été mises en garde avec insistance contre la survivance d'organisations administratives dépassées. Demain, la réduction du nombre de directions d'administrations centrales peut offrir une chance de modernisation des structures. Je persiste à considérer que l'organisation administrative peut et doit rejoindre l'organisation budgétaire. À cet égard, il me semble essentiel que la Cour des comptes et le Parlement, qui a voulu cette réforme, puissent jouer non seulement leur rôle d'aiguillon, mais aussi celui d'une force de proposition auprès du Gouvernement.

S'agissant de la performance, la transition est également inachevée et la situation demeure insatisfaisante. Comme l'a montré une enquête réalisée par la Cour des comptes en 2008 à la demande de notre commission, les systèmes d'information de l'État sont encore loin d'être opérationnels. Chorus, en particulier, qui est en quelque sorte le « coeur du réacteur », n'entrera pas en fonction avant deux ans. Il ne faut donc pas s'attendre à ce que le système atteigne dès à présent son régime de croisière. Pour autant, cela ne prive en rien la gestion par la performance de ses justifications. Je reste persuadé qu'il convient de poursuivre la simplification des objectifs et des indicateurs. Nos collègues nous font observer que les documents budgétaires laissent encore une impression d'inachevé en matière d'indicateurs et de performance. C'est dire le travail qui reste à faire.

J'en profite pour rappeler que la LOLF est un outil qui sert à rendre l'action publique plus efficace et plus utile, mais elle dépend des arbitrages politiques décidés par un gouvernement. Il est donc important de rechercher le point d'équilibre entre simplification et approfondissement de la démarche. C'est pourquoi, avec le rapporteur général M. Carrez, nous avons demandé aux rapporteurs spéciaux de conduire un dialogue avec les responsables de programme sur le suivi de la performance trois ans après sa mise en oeuvre.

Le Parlement a voulu cette réforme. Il lui incombe d'agir de tout son poids pour qu'elle soit menée à son terme. Dans cet effort de longue haleine, nous avons toujours été aidés par la Cour des comptes. Nous savons pouvoir compter sur elle. Je puis une fois de plus vous garantir, monsieur le premier président, que nous nous efforçons d'utiliser au mieux les rapports que vous nous remettez car, comme vous, nous souhaitons apporter une attention toute particulière au suivi tant de vos recommandations que des nôtres. Un contrôle n'a de sens que s'il est durable.

Permettez-moi de vous remercier encore une fois pour la qualité des relations entre la Cour des comptes et l'Assemblée nationale – particulièrement sa commission des finances. (Applaudissements sur tous les bancs.)

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