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Intervention de Serge Blisko

Réunion du 15 mai 2008 à 15h00
Protection du secret des sources des journalistes — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Blisko :

Vous qui êtes un bon juriste, monsieur Blanc, vous ne semblez pas avoir saisi ce qu'a dit Mme Filippetti : lorsque nous évoquons une régression, ce n'est pas par rapport à la loi de 1881 – qui, nous sommes tous d'accord sur ce point, est la loi princeps d'organisation de la liberté de la presse –, mais par rapport à la Cour européenne des droits de l'homme. D'où notre déception : nous espérions atteindre le standard européen en la matière !

Les notions d'« intérêt impérieux », de crimes ou de délits « à la particulière gravité », par leur caractère subjectif pouvant donner lieu à des interprétations très extensives, entraînent ipso facto un risque d'arbitraire. Il ne saurait y avoir de protection des sources si ce sont les humeurs du moment ou l'émotion publique qui en délimitent les contours.

À la lecture du texte, d'autres inquiétudes étaient nées, par exemple, de la définition très restrictive de la notion du métier de journaliste. Quelques-unes de ces réserves sont aujourd'hui levées. Devant la commission des lois, plusieurs des amendements présentés par M. le rapporteur ont permis de préciser et de clarifier certaines dispositions du texte qui paraissaient obscures. Toutefois, le point d'équilibre recherché ne nous semble pas encore atteint : la moitié du travail reste à faire, et nous comptons beaucoup, pour cela, sur la discussion parlementaire. Malheureusement, avec les nouvelles attaques contre l'AFP de la part de Frédéric Lefebvre, cela commence plutôt mal. En agissant de la sorte, vous ne tirez pas le texte vers le haut, cher collègue ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ce projet de loi, même utilement amendé, n'en reste pas moins sur bien des aspects très en deçà de ce que nous étions en droit d'espérer. Il nous semble ainsi regrettable de lier la protection du secret des sources à l'information du public « sur des questions d'intérêt général ». Une telle formulation est particulièrement malheureuse, car elle permettra à la puissance publique d'interpréter de manière subjective la teneur de ces questions. Je le répète : rester dans le vague laisse la porte ouverte à tous les arbitraires. Vous réduisez du même coup l'ambition de ce texte en exposant les journalistes et leurs collaborateurs à une insécurité juridique très proche, en fin de compte, de celle qui prévaut aujourd'hui – même si telle n'était pas votre intention initiale.

En dépit d'un certain nombre d'avancées, nous considérons que ce texte mérite d'être revu. La loi belge du 7 avril 2005, accordant aux journalistes le droit de taire leurs sources d'information, a beaucoup été citée en exemple. En comparaison de ce qui se fait dans ce pays démocratique voisin, où la presse est libre et vigoureuse, force est de reconnaître, objectivement, que le texte qui nous est soumis fait figure de pâle copie, sans ambition, sans relief, mais, hélas, non sans ambiguïté.

C'est pourquoi, au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, j'invite mes collègues à voter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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