Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la lutte contre le dopage est un enjeu majeur de santé publique pour les sportifs de haut niveau mais aussi pour tous les sportifs et en premier lieu pour les enfants. Dès lors, il est bien normal d'adapter, d'améliorer régulièrement la législation.
Nous ne pouvons que souscrire à toute volonté de lutter contre le dopage. Malheureusement, le projet qui nous est soumis ne répond que très partiellement à cet objectif. C'est dommage car nous pourrions nous retrouver, unanimement, sur un texte bien travaillé.
Par ailleurs les conditions dans lesquelles nous sommes amenés à travailler sur ce texte sont déplorables. Pourquoi en effet examiner ce projet en urgence alors qu'il nous faudrait du temps pour échanger avec les différents acteurs concernés que sont le monde médical et le mouvement sportif ?
Par ailleurs, comment se satisfaire de l'examen de ce projet en commission en moins d'une demi-heure ? Certes ce n'est pas le seul texte étudié dans ces conditions, mais voilà une fois de plus un exemple qui montre de quelle manière les projets de loi arrivent en discussion en séance publique.
Sur le fond, je regrette que la lutte contre le dopage ne nous soit présentée que sous l'aspect répressif. En effet, le texte ne prévoit aucune mesure nouvelle en termes d'éducation et de prévention.
À l'image de beaucoup d'autres textes qui nous sont soumis depuis quelques mois, c'est la répression qui est renforcée, sans discernement.
Bien sûr, introduire une infraction pénale de détention de produits dopants peut aider les enquêteurs à remonter et à démanteler une filière. Mais prévoir un an d'emprisonnement pour un sportif détenteur d'un produit quel qu'il soit est anormal et inadapté. Bien sûr, il est nécessaire de compléter la liste des incriminations pénales en matière de trafic concernant la fabrication, la production, l'importation, l'exportation et le transport de produits interdits, bien sûr la sanction est parfois nécessaire, mais les actions de prévention doivent être privilégiées et renforcées.
Alain Néri l'a rappelé tout à l'heure, il n'est pas question d'être laxistes. Il faut, au contraire, faire preuve d'une grande sévérité à l'encontre des tricheurs et des trafiquants. Mais, même le mouvement sportif, qui est favorable à la lutte contre le dopage, est très réservé sur ce texte – et il a raison – parce que l'infraction de détention de produits dopants risque de s'appliquer indifféremment, quel que soit le produit et quelle qu'en soit la quantité.
En quoi la pénalisation d'un sportif possédant à son domicile un médicament vendu en pharmacie traitant des difficultés respiratoires permettra-t-il de remonter une filière ? On voit bien là qu'il y a un risque de stigmatisation des sportifs sans pour autant être plus efficace dans la lutte contre le dopage.
Premier regret donc : un sportif risque d'avoir la même sanction, qu'il possède des produits « lourds » ou un médicament courant dans sa pharmacie familiale.
Deuxième regret : ce projet de loi aurait dû être l'occasion de clarifier les règles d'utilisation des AUT, ces médicaments qui peuvent être pris par les sportifs dès lors qu'il y a prescription médicale. Or il n'en est rien. Pourtant, nous savons tous que ces autorisations à usage thérapeutique sont l'occasion pour certains sportifs de prendre en toute légalité des produits médicaux améliorant la performance, donc de tricher.
J'aurais souhaité que l'utilisation de ces AUT soit beaucoup mieux encadrée. Des solutions existent si nous en avons la volonté.
Bien sûr, un sportif peut être amené, comme tout un chacun, à se soigner. Mais cela doit être limité dans le temps, avec une possibilité de contrôle. Pourquoi ne pas prévoir qu'un usage prolongé etou répété d'un produit soit contrôlé par un service indépendant, sous la responsabilité de l'État ? Quand un salarié bénéficie d'un arrêt maladie, prescrit par son médecin traitant, il est bien rare qu'il soit contrôlé si c'est exceptionnel. Par contre, la sécurité sociale vérifie les arrêts à répétition. Il pourrait, il devrait en être de même pour les AUT, afin de s'assurer que ces autorisations ne sont accordées que dans des cas médicaux indispensables pour la santé et non pour améliorer la performance.
Comme l'a rappelé Alain Néri, il est nécessaire de multiplier les contrôles inopinés. Actuellement, nous sommes dans une situation d'hypocrisie, et il en est de même dans les autres pays. L'enjeu pour les sportifs recourant à des produits dopants est de rester sous le seuil autorisé, d'effacer les traces de dopage avant la compétition, de légaliser la consommation de tel ou tel produit par une autorisation médicale.
Enfin, comment ne pas regretter que le budget de l'État consacré à la lutte contre le dopage diminue d'année en année : 24 millions d'euros en 2002, 15 millions d'euros en 2008, soit en euros constants une enveloppe divisée par deux ? La lutte contre le dopage est un enjeu de santé publique qui nécessite des crédits budgétaires à la hauteur de la lutte qu'on entend mener.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'État, vous nous soumettez un texte imprécis, incomplet, examiné en urgence avant le Tour de France, un texte qui ne répond en rien aux attentes du mouvement sportif. Franchement, le présent projet de loi est à reprendre totalement, tranquillement, en concertation avec tous les acteurs concernés.
L'adopter en l'état serait vraiment manquer une occasion, ce serait uniquement un affichage politique, sans volonté de s'attaquer vraiment au problème auquel nous sommes confrontés, qui est pourtant un enjeu majeur de santé publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)