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Intervention de Henri Nayrou

Réunion du 30 avril 2008 à 15h00
Lutte contre le trafic de produits dopants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenri Nayrou :

Depuis la conférence de Madrid, en novembre 2007, le code mondial anti-dopage a beaucoup évolué en matière de sanctions, de contrôles inopinés et d'autorisations à usage thérapeutique et il est clair que les pays signataires de la convention de l'Unesco se trouvent dans l'obligation d'adapter leurs réglementations.

Mais je ne sais toujours pas à quelle sauce il convient d'accommoder le terme «urgence » ? La seule urgence qui vaille pour moi est celle de se doter de moyens : tout d'abord, des moyens à la mesure des enjeux que représentent le développement sportif durable et l'éthique, ou toute autre exigence analogue, porteuse de beaux sentiments ; ensuite, des moyens financiers pour la recherche fondamentale et pour la recherche des délits et des délinquants, car ils ne sont toujours pas au rendez-vous – je l'avais dénoncé à cette tribune, le 7 novembre 2007, comme je le fais de manière répétée depuis 2002 ; enfin, des moyens pour organiser des forces de prévention, de dissuasion et de sanction.

Je ne fais pas partie des âmes sensibles qui s'attendrissent devant le sort des sportifs, champions ou pas, considérés comme les pauvres victimes du système alors qu'ils sont également coupables et, à double titre : coupables de tricherie devant la morale sportive et témoins transis de leur propre déchéance physique et psychologique. Qu'on leur tende la main, c'est nécessaire quand le délit est isolé et qu'il renvoie à la misère humaine et à la rédemption, mais qu'on les recherche et qu'on les punisse s'ils agissent en bande organisée dans un esprit de lucre caractérisé, il n'y a rien à redire.

Dans ces conditions, l'alternative est simple : soit l'on supprime les références pénales dans le code du sport et l'on considère que le sujet doit être traité dans le cadre du droit commun ; soit on améliore l'arsenal pénal au sein du code du sport. Vous avez choisi la deuxième solution, et je m'en félicite. Je préfère, en effet, que le dossier d'un sportif dopé soit traité dans sa globalité : par les fédérations pour ce qui concerne les sanctions sportives et par les juges qui, grâce aux dispositions que nous voterons ici, pourront apprécier les diverses situations à leur juste mesure, dans un contexte juridico-sportif. Il n'entre pas dans nos intentions d'envoyer en prison tous les sportifs convaincus de dopage – comme en Italie –, mais bien de traquer les filières qui sont organisées par des gens sans scrupules, parfois même au sein des populations sportives.

Si, dans son approche globale, votre projet de loi nous paraît convenable, il suscite des réserves de notre part sur plusieurs points. D'abord, le texte a manifestement été rédigé à la hâte, comme en attestent les quinze amendements rédactionnels qu'a dû déposer notre rapporteur. Ensuite, il ne fait pas la distinction entre les divers niveaux des substances prohibées et ne fait pas preuve d'un zèle démesuré s'agissant des autorisations à usage thérapeutique, les célèbres AUT. En la matière, les exceptions semblent devenues la règle : comme chacun sait, il y a beaucoup de rugbymen asthmatiques dans l'hémisphère sud, sans doute du fait de l'air des hauts plateaux ! Il en va de même pour ce qui est de la crédibilité des contrôles complémentaires, pourtant prévus à l'article L. 332-2 du code du sport, et de l'appréciation que pourront porter les juges sur les AUT délivrées à l'étranger. En outre, à peine rédigé, ce texte risque de subir des modifications en raison de la suppression annoncée des AUT abrégées avant les jeux Olympiques de Pékin.

Enfin, même si cela ne relève pas directement du texte, il convient de rappeler que le programme de contrôle du dopage de l'Agence mondiale anti-dopage est l'un des éléments-clés de la promotion et de la coordination de la lutte contre le dopage dans le sport au niveau international. Aussi convient-il d'être particulièrement attentif aux différentes avancées proposées en termes de coopération internationale.

Autre instance de poids dans le cadre de la coopération internationale, l'Union européenne doit prendre toute sa place dans ce combat. Il faut se rappeler que le Livre blanc sur le sport, rendu public par la Commission européenne en juillet 2007, a abordé les questions de coopération européenne en matière de lutte contre le dopage. En tant que rapporteur spécial du budget de la jeunesse, des sports et de la vie associative, j'ai déjà eu de multiples occasions d'exprimer mon souhait de voir la présidence française de l'Union européenne faire de cette lutte une de ses priorités en matière sociétale. Et nous vous invitons, monsieur le secrétaire d'État, à faire avancer cette cause.

Il y avait urgence à traiter efficacement le problème du dopage des sportifs et des animaux, mais, à la lecture de ce texte, on peut dire qu'il est parfois préférable de se hâter lentement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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