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Intervention de Yves Cochet

Réunion du 8 juillet 2009 à 15h00
Motion de censure — Discussion et vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Cochet :

Dont acte, monsieur le président : je vous remercie de cette mise au point.

Face à une demande mondiale croissante, disais-je, le pétrole supplémentaire ne provient plus que de l'extraction des réserves non conventionnelles, extraction coûteuse qui entraîne la chute du premier domino : la hausse des cours du baril et des prix des produits pétroliers. Le second domino – la bulle immobilière, laquelle implose d'ailleurs plus qu'elle n'explose – se dédouble, puisqu'il entraîne, d'une part, la crise de remboursement des crédits hypothécaires risqués puis la baisse des prix de l'immobilier et, d'autre part, les difficultés des compagnies aériennes et des industries automobiles. Ainsi, le plus grand pays libéral du monde a nationalisé General Motors : fait stupéfiant pour les tenants du libéralisme ! En France, l'État a injecté quelque 10 milliards d'euros dans les entreprises Renault et Peugeot, moyennant quoi celles-ci ont instantanément licencié environ 11 000 salariés. J'ai vu, d'ailleurs, que Peugeot avait lancé un nouveau « crossover » – c'est ainsi qu'on les appelle désormais, le terme « 4x4 » étant devenu écologiquement incorrect. Quant à Renault, il a lancé le modèle Koleos l'an dernier, sans aucune étude de marché : autre exemple de marketing irresponsable.

J'ai évoqué les compagnies aériennes : on sous-estime les difficultés de Lufthansa, British Airways ou Air France. On verra dans quelques années – M. Christian Blanc le sait sans doute mieux que d'autres – que même une compagnie comme Air France sera durement touchée par le prix du kérosène, indexé sur le cours du baril qui ne tardera pas à augmenter, pour des raison objectives indépendantes de tout volontarisme politique.

Les deux facteurs que j'évoquais provoquent la crise bancaire, puis le resserrement du crédit et enfin la récession. D'autres dominos tombent alors : affaissement du marché des produits dérivés sur le marché pétrolier, diminution de la demande mondiale de pétrole, laquelle diminution provoque la baisse des prix du pétrole et la réduction de la production. Évidemment, l'OPEP tente de faire remonter le cours du baril en fermant un peu les robinets, mais cela ne marche pas. Il s'ensuit un ralentissement général des investissements dans l'exploration et la production pétrolières visant à compenser la déplétion géologique : extraire un baril pour 80 dollars pour le vendre 60 dollars, autrement dit à perte, n'offre évidemment aucun intérêt. C'est pourquoi la production mondiale de pétrole décroît et continuera à décroître, pour conduire bientôt à quelques pénuries et à un deuxième choc sur les prix après celui de 2008. La boucle sera alors bouclée, après la hausse rapprochée des prix des produits pétroliers et de toutes les énergies, dont on sait, quoi qu'en disent Mme la ministre de l'économie et M. le Premier ministre, qu'il n'ont rien à voir avec des prix de marché : ce sont, depuis 1947, des prix soviétiques, administrés ; bref, des prix politiques.

Cette croissance des prix de l'énergie reviendra heurter à la baisse les prix de l'immobilier hors agglomération, à la hausse le coût des transports et de l'alimentation – comme en 2007 et en 2008 –, et à la baisse la santé déjà défaillante des compagnies aériennes et des industries automobiles. La récession deviendra dépression par quelques événements économiques et sociaux importants, tels que des faillites de grands États : M. Schwarzenegger a ainsi annoncé il y a quelques jours que la Californie, neuvième économie du monde, était au bord de la faillite, et que les fonctionnaires n'y seraient plus payés pendant trois jours par mois. Quant à la situation en Hongrie, en Espagne ou, plus grave encore, en Grande-Bretagne, nous en reparlerons peut-être dans quelques mois : on peut certes débloquer quelques milliards pour l'Islande, mais pour la Grande-Bretagne, madame la ministre de l'économie, c'est tout autre chose.

Outre la probable faillite d'un grand pays, on assistera à une dislocation du système financier mondial qui dépassera celle que nous avons connue, et à une très forte augmentation du chômage – c'est malheureusement une quasi-certitude. Quand ? Bientôt. Autrement dit, il n'y aura plus de « reprise », comme le prétendent M. le Premier ministre et les commentateurs aveugles qui l'annoncent éventuellement pour 2010. La croissance du PIB est terminée ; la décroissance n'est même plus un objet de débat mais une réalité : elle est notre destin. Je l'avais déjà dit en octobre 2008, et je le répète aujourd'hui. Pour le moment, l'histoire me donne raison.

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