Cet amendement a beaucoup d'importance à mes yeux. Il apporterait en effet une réponse à ce que l'on a pu appeler, en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion, une crise sociétale. J'ai d'ailleurs volontairement été bref sur la défense de mes précédents amendements pour m'étendre un peu plus longuement sur celui-ci.
Le 22 mai 2008, l'Assemblée a voté un amendement à la Constitution selon lequel « les langues régionales appartiennent au patrimoine » de la nation. Ce fut pour nous une étape très importante ; beaucoup de députés s'étaient alors exprimés pour regretter que la France accuse, au regard des autres États de l'Union européenne, un retard gigantesque dans la défense de la diversité linguistique et culturelle. Notre pays n'a en effet pas ratifié la Charte européenne des langues régionales signée le 7 novembre 1992, même si elle en a retenu trente-neuf engagements. Cette situation résulte de ce que l'amendement adopté le 22 mai 2008 semblait lever les obstacles exposés dans une décision du Conseil constitutionnel du 15 juin 1999, laquelle soulignait la nécessité d'une modification préalable de la Constitution.
Il faut donner une vraie place à la langue créole. Lors des manifestations récentes, la plupart des gens s'exprimaient dans cette langue, y compris à la télévision – il m'a même semblé entendre M. le secrétaire d'État le faire. Il convient de favoriser l'audience du créole sur les ondes et de mieux l'intégrer dans l'éducation et les programmes scolaires ; cette exigence doit, de notre point de vue, répondre aux enjeux de la pluralité linguistique et culturelle, de façon que la France accède enfin à la modernité, s'ouvre à la complexité et à la diversité du monde contemporain, et reconnaisse qu'elle est constituée de différents pays. La langue créole doit en ce sens être reconnue comme une langue régionale.
La perception que l'on en a habituellement témoigne d'une vision centralisée, laquelle méconnaît, à l'époque d'une révolution en la matière, l'idée que, dans le monde actuel, une grande nation est composée de pays, c'est-à-dire d'espaces culturels et linguistiques variés. Dans le concert des cultures et des langues du monde, cette diversité est ce qui constitue une vitalité essentielle de notre nation, tant sur le plan social que culturel.
Aussi proposons-nous un amendement pour affirmer que « les langues créoles font partie du patrimoine national et constituent des langues de la République ». Cette disposition, qui nous permettrait d'aller beaucoup plus loin, s'inscrit dans la dynamique de la Charte européenne des langues régionales. Une telle reconnaissance des langues créoles de la Martinique, de la Guadeloupe, de La Réunion et de la Guyane – il y en a en effet plusieurs, d'où le pluriel dans l'amendement – contribuerait à nous réconcilier avec nous-mêmes.