Mes chers collègues, nous arrivons ici à un moment de vérité. Ce moment est crucial parce qu'il va nous éclairer, nous élus mais aussi tous nos concitoyens, sur la volonté réelle de ce gouvernement de favoriser le développement économique de nos régions.
Il s'agit de modifier la situation juridique actuelle qui fait que le prix du kilowattheure produit à partir de la bagasse est nettement moins valorisé que celui produit à partir du charbon ou à partir d'autres biomasses.
Il s'agit donc de faire sauter un verrou juridique, qui est aussi une véritable injustice. Comme vous le savez, l'article 10 de la loi 2000-108 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité prévoit qu'EDF est tenue de conclure, si les producteurs en font la demande, un contrat pour l'achat de l'électricité produite par les installations qui utilisent des énergies renouvelables. Cet article précise aussi que cette obligation d'achat ne peut bénéficier aux installations dont la puissance est supérieure à 12 mégawatts ou qui font appel aux techniques telles que la cogénération.
Cette limite constitue un obstacle majeur pour les centrales de Bois-Rouge et du Gol à La Réunion et pour celle du Moule en Guadeloupe, qui utilisent la bagasse. Toutes dépassent en effet le plafond de 12 MW fixé par la loi : leur puissance est supérieure ou égale à 100 MW. Elles ne peuvent donc bénéficier aujourd'hui de l'obligation d'achat par EDF et sont pénalisées du fait de leur avance technologique !
Il faut savoir que la bagasse, énergie propre et renouvelable s'il en est, est deux fois moins valorisée que le charbon et que, parmi les autres énergies renouvelables, la bagasse est la moins valorisée : six fois moins que les autres biomasses et treize fois moins que l'énergie photovoltaïque.
Cette situation n'est pas due à l'insularité, à l'éloignement ou, comme on a pris l'habitude de le dire, à tout autre handicap structurel. Non, cette situation est le résultat d'une loi, une loi votée en 2000. Et ce qu'une loi a fait – et en ce qui nous concerne mal fait –, une autre loi peut et doit le défaire.
Il nous revient donc, à nous parlementaires, de supprimer cet obstacle d'origine législative, qui contredit les politiques et les efforts en faveur des énergies renouvelables et donc de l'un des secteurs prioritaires des zones franches d'activité. D'ores et déjà, la production électrique obtenue à partir de la bagasse représente près de 12 % de la consommation d'électricité à la Réunion. Elle participe donc pleinement à la politique de développement des énergies renouvelables de l'île et contribue à l'objectif d'autonomie énergétique.
Mes chers collègues, c'est un moment grave. Le vote sur cet article pour une valorisation de la biomasse d'outre-mer à son juste prix engage chacun d'entre nous. Si, après la litanie sur nos innombrables « handicaps », le Parlement français, par le vote de ce soir, en venait, pour de mystérieuses raisons, à nous faire cette fois reproche de nos atouts, de nos efforts et de nos avancées, ce serait le pire signal adressé à nos peuples et, croyez-le bien, le pire des préambules aux états généraux.