Alors, arrêtez tout de suite !
Mme Patricia Adam. C'est avec raison que nous avions dénoncé la cavalerie budgétaire pratiquée au temps de votre prédécesseur. Vous êtes même allés plus loin que nous, en chiffrant le volume d'engagements non financés à 40 % du budget d'équipement par an. Il est seulement dommage que cette opération vérité n'ait pas été menée plus tôt. Cela aurait peut-être permis d'éviter la suppression brutale, dès 2009, de milliers d'emplois, dans un contexte rendu plus difficile par une crise qui va aller en s'accentuant.
Pour tout dire, nous restons quelque peu dubitatifs devant ce projet de budget pour 2009. Il est le premier jalon de la mise en oeuvre du livre blanc, de la RGPP et de la loi de programmation militaire, dont nous avons pris connaissance il y a une semaine. Nous aurions aimé examiner ce projet au préalable ; cela a été souligné sur tous les bancs. De plus, nous sommes plus que surpris, et inquiets, d'y voir figurer un article 10 qui fait craindre une privatisation « par appartements » de DCNS. Mme Olivier-Coupeau y reviendra.
Il est vrai qu'en ces temps de disette budgétaire – je pense à la recherche, à l'éducation – la mission « Défense » apparaît bien portante, et sauvegardée, il faut le reconnaître. Hors pensions, ses ressources totales progresseront de 5,4 % et, en matière d'équipement, l'effort est réel et important, puisque c'est le premier budget d'investissement de l'État, avec une augmentation prévue de 10 %. Nous espérons tous qu'il sera respecté, car nous savons l'urgence des besoins pour l'ensemble des forces.
Pourtant, monsieur le ministre, derrière ces bons chiffres, il faut rappeler aussi qu'il y a des territoires touchés, des emplois perdus, des programmes annulés ou étalés, de l'activité en moins, donc de profondes inquiétudes chez les personnels civils et militaires ainsi que de lourdes conséquences sur le plan industriel.
Vous nous dites, en quelque sorte, que c'est le prix à payer, pour tenir le cap fixé par le chef de l'Etat.
Sur le papier, tout semble en effet se tenir. Les objectifs en matière d'équipement sont plus réalistes. Les contrats opérationnels sont revus, même si nous savons tous qu'on ne les atteint jamais. La réorganisation de la carte militaire et la baisse importante des effectifs devraient permettre, dans un premier temps, de maintenir puis d'augmenter les crédits d'équipement, de soutenir le plan d'accompagnement des restructurations et des départs, d'améliorer la situation des personnels.
Bref, monsieur le ministre, vous nous présentez une sorte de cercle vertueux d'une logique implacable, une matrice, semble-t-il, parfaite. Nous aimerions y croire, mais nous sommes obligés de constater que l'édifice est fragile. Il reste beaucoup trop d'interrogations et d'incertitudes, de réponses qui se veulent rassurantes mais qui peinent à convaincre.
Dans le contexte économique actuel – Mme Lagarde envisageait hier une croissance de 0,2 % à 0,5 % et d'autres prévisions sont plus pessimistes – la défense sera touchée comme tous les autres budgets. Il faudra en tenir compte pour l'exécution du budget 2009 et de la LPM. Nous partageons complètement les craintes exprimées par le chef d'état-major des armées devant la commission de la défense : en effet le solde 2008 pèse d'entrée sur le budget 2009 et seule une exécution budgétaire équilibrée pour 2008 peut garantir la cohérence de la programmation. Nous attendons d'avoir les éléments chiffrés qui permettront d'en juger.
Quant aux recettes exceptionnelles pour 2009, ces 1 367 millions qui proviendraient de cessions de fréquences et d'emprises immobilières, lorsque nous demandons des précisions, nous restons sur notre faim. Comment garantir qu'on parviendra à un tel montant, alors que le marché immobilier est victime de la crise économique ?
Pour ce qui est de l'affectation aux équipements des économies réalisées sur les crédits de personnel et de fonctionnement, comme le préconise le Livre blanc, elle ne sera pas effective sur l'exercice 2009. Nous y reviendrons à propos des amendements qui en précisent l'exécution.
En définitive, vous regrettez d'avoir hérité d'une équation insoluble, mais vous nous livrez aujourd'hui une équation à multiples inconnues, qui repose sur des hypothèses bien trop incertaines. Nous ne souhaitons pas vous blâmer, mais c'est la réalité ; autant l'assumer. Nous devrons le faire, vous également.
Enfin, monsieur le ministre, en tant qu'élue d'un grand port militaire dont les chantiers ont construits des bâtiments symboliques, le Charles de Gaulle, les BPC, la Jeanne d'Arc dont la vie se termine, je me dois de vous interroger sur son avenir.
Nous sommes très inquiets. DCNS Brest connaît un creux dans son plan de charge. En 2006, un millier de personnels de sous-traitants travaillaient pour DCNS, aujourd'hui ils sont moins de soixante.
Vous avez également décidé de fermer le groupe d'études sous-marines de l'Atlantique, qui représente certes peu d'emplois mais est un acteur essentiel d'un pôle d'excellence breton autour de la mer ; je remercie d'ailleurs votre cabinet de nous avoir reçu à ce propos. Un tel pôle est très important pour des projets nouveaux d'industrialisation et la diversification, notamment dans le secteur de l'écologie.
Monsieur le ministre, ayant lu dans un certain nombre de rapports des éléments qui m'ont inquiétée, je vous pose la question : quelles sont les perspectives pour Brest au niveau industriel, en matière de recherche et de développement ?
Enfin, quel est l'avenir du port militaire ? Je pose la question, car j'imagine que vous savez quel rapport j'ai à l'esprit.