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Intervention de Hervé Morin

Réunion du 7 novembre 2008 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2009 — Défense

Hervé Morin, ministre de la défense :

Pour les réinvestir !

M. Jean-Jacques Candelier. Mutualisation, externalisation ou recentrage sur leur coeur de métier : comme dans le secteur privé, les personnels du ministère de la défense ont désormais le malheur de devoir se soumettre à ces mots barbares qui fondent toute politique de coupes dans les coûts.

Le risque est que la logique comptable ait des conséquences désastreuses et irrémédiables en matière de cohérence et d'efficacité. C'est pourquoi certains estiment que les gains espérés à terme pourraient se transformer en surcoûts. En outre, on nous dit que la diminution des effectifs devrait s'accompagner d'une revalorisation de la condition des personnels de défense, qu'ils soient civils ou militaires d'ailleurs. En fait, à défaut de revalorisation de leur traitement, les suppressions de postes sont, à ce jour, la seule récompense qu'entrevoient les personnels.

Par ailleurs, au-delà des mesures financières, il n'existe aucune mesure de reclassement cohérent de ces personnels. Là encore, une véritable modernisation aurait dû se traduire par la mise en place d'une politique de gestion des emplois et des compétences. Ce n'est pas le cas.

Ce budget entérine la fermeture des sites : 83 seront supprimés d'ici à 2015. La nouvelle carte militaire a été présentée sans concertation ni avec les organisations syndicales ni avec les agents. Les personnels civils des sites transférés ou dissous vont connaître un véritable bouleversement de leur vie familiale et professionnelle. En cas de refus de mobilité, ils connaîtront les pires difficultés pour retrouver du travail dans leur bassin d'emploi, car la RGPP est appliquée à toutes les fonctions publiques.

Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2009 remet à l'ordre du jour l'interdiction d'embaucher des ouvriers d'État, ce qui n'est pas satisfaisant. Il est regrettable que l'action du ministre ne se place pas, de ce point de vue, dans la continuité de celle de son prédécesseur.

Il faut le dire : toutes ces évolutions sont en partie liées à notre intégration complète dans l'OTAN. Ce projet de budget contribue à la perte de notre indépendance militaire. La vraie question qu'il faut se poser est la suivante : sommes-nous prêts à sacrifier notre souveraineté, et donc notre défense nationale, aux visées hégémoniques des États-Unis ? Ce sont celles-ci qui conduisent à notre enlisement en Afghanistan. Aujourd'hui, ce sont les armes qui parlent au détriment des solutions politiques. Le nouveau Président des États-Unis, lui-même, a déclaré vouloir intensifier la guerre dans ce pays.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. Comme la Corée !

M. Jean-Jacques Candelier. Cet enlisement a un coût humain. Nous le déplorons tous, mais il a également un coût très important au budget : chaque année, on observe un surcoût par rapport au budget prévisionnel pour les opérations extérieures. Ainsi, en 2008, les OPEX devraient coûter quelque 833 millions d'euros, soit quasiment le double des 460 millions prévus ! Dans le projet de loi de finances pour 2009, elles sont provisionnées à hauteur de 510 millions d'euros. Cela paraît un minimum compte tenu de la prolongation de notre engagement en Afghanistan. Notre alignement sur l'OTAN a également des incidences budgétaires directes. Ainsi, notre contribution financière en faveur de cette organisation augmente de près de 10 %, pour atteindre 115 millions d'euros. On ne peut que le déplorer, car cette organisation met gravement en péril le maintien et la recherche de la paix et le besoin de coexistence pacifique et d'amitié entre les peuples. En lieu et place des choix actuels, la France s'honorerait à agir pour la dissolution de l'OTAN, vestige de la guerre froide, et à développer au contraire une culture de paix.

Cela étant dit, cette mission « Défense » consent également un effort important en matière de renouvellement des équipements. C'est appréciable car, je le dis comme je le pense, on peut être radicalement opposé aux logiques de guerre tout en pensant que nos forces doivent avoir des moyens convenables pour effectuer leurs missions.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial. Tout le monde est opposé aux logiques de guerre !

M. Jean-Jacques Candelier. La télévision l'a rappelé : nombreux sont, parmi nos soldats, ceux qui achètent par leurs propres moyens une partie de leur matériel eux-mêmes. Nul besoin d'avoir fait Saint-Cyr pour comprendre que cela pose un énorme problème. D'ailleurs, l'opinion a été sensibilisée à l'importance de consentir un effort, après avoir vu, cet été, à la télévision, nos victimes en Afghanistan.

Toutefois, je m'interroge sur le financement de ce renouvellement. Le budget étant resserré à cause de certains cadeaux fiscaux, pourquoi Nicolas Sarkozy s'est-il déclaré favorable à la cession d'immobiliers aux communes pour un euro symbolique ? Combien de casernes faudra-t-il fermer pour financer ce budget ?

De même, les orientations du Livre blanc sont confirmées, ce qui semble annoncer une augmentation des crédits pour la dissuasion nucléaire. Or, pour 2009, celle-ci représente 3,9 milliards d'euros, soit plus de 10 millions d'euros par jour. Mieux vaudrait ouvrir la voie à un désarmement nucléaire multilatéral, puisque, dans ce domaine, la dissuasion n'est aucunement une assurance-vie : on sait bien que ce n'est pas l'arme nucléaire qui protégera nos soldats engagés en OPEX. Mettre un couvercle sur ce tonneau des Danaïdes permettrait d'effectuer d'importantes d'économies, par exemple pour moderniser nos forces conventionnelles, qui doivent être adaptées aux réalités des conflits modernes.

Ce budget défense s'inscrit dans la loi de programmation militaire pour 2009-2014, que nous n'avons pas encore eu le temps d'étudier en détail. Outre les privatisations industrielles, je veux dénoncer la logique qui préside à la création des nouvelles organisations institutionnelles. Qu'il s'agisse de la création du Conseil de défense et de sécurité nationale, enceinte dans laquelle le Président de la République décidera de la politique de sécurité, ou de la présidence, par le chef de l'État, du nouveau Conseil national du renseignement, on ne peut que déplorer une concentration exorbitante des pouvoirs, au détriment des ministères de tutelle. L'américanophilie du Président l'incite à copier les structures qui existent aux États-Unis !

L'hostilité des personnels à ce budget est réelle. Nous l'avons mesurée lors les manifestations du 11 octobre dans les rues de Paris, après celles qui s'étaient déroulées en région, le 18 juin. Plusieurs milliers de salariés du ministère et des sociétés nationales ont tenu à dire « non » au plan Morin et à la casse de notre outil de défense.

Les salariés rejettent les 54 000 suppressions d'emplois motivées par une logique comptable, ainsi que la nouvelle carte militaire et les externalisations. Depuis le 30 septembre, la CGT les a consultés sur les évolutions. Soixante référendums ont déjà eu lieu, dans autant de sites, qui réunissent environ 24 000 personnes. À ce jour, plus de 90 % d'entre elles ont dit leur hostilité aux évolutions en cours. C'est dire si les personnels rejettent ce massacre.

En guise de conclusion, je veux réaffirmer que la défense de la nation et le maintien de la paix sont l'affaire du peuple. C'est pourquoi je regrette que les évolutions libérales, technocratiques et autoritaires actuelles éloignent de plus en plus nos concitoyens de leur armée. Ce budget risque de creuser davantage le gouffre qui sépare la Grande Muette de nos concitoyens. C'est pourquoi, nous ne le voterons pas.

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