La parole est à M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l'environnement et la prospective de la politique de la défense, pour cinq minutes.
Je compte sur vous, monsieur Fromion.
M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l'environnement et la prospective de la politique de la défense. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Livre blanc donne une visibilité particulière au programme 144. En effet, celui-ci recouvre le périmètre de la fonction « Connaissance et anticipation » dont le Livre blanc fait une priorité fondatrice de notre politique de défense et de sécurité. Cela vaut tout particulièrement pour le renseignement et la recherche de défense, sur lesquels je vais centrer mon intervention.
S'agissant du renseignement, l'effort budgétaire est réel. Alors qu'en 2008, la progression des dotations était des plus modestes, avec 0,3 % en autorisations d'engagement et 2,5 en crédits de paiement, le projet de loi de finances pour 2009 prévoit une augmentation de 22,5 % pour les autorisations d'engagement et de 7,2 % pour les crédits de paiement.
Ces mouvements permettent la création nette de 51 postes au bénéfice de la DGSE, les créations envisagées au cours de la prochaine loi de programmation s'élevant au total à 690 postes. Il s'agit de recruter les personnels très qualifiés, indispensables au fonctionnement des équipements de recueil du renseignement technique, ainsi qu'à l'analyse des données recueillies. Ils autorisent également une progression de 12,6 % des crédits de fonctionnement de la DGSE, ce qui permettra de faire face aux dépenses induites par les nouveaux équipements, et enfin une hausse de 22,2 % des dépenses d'investissement de la DGSE en crédits de paiement et de 94,5 % en autorisations d'engagement, qui augure bien de la capacité ultérieure du service à faire face à l'augmentation considérable des besoins en matière de renseignement technique. Il faut souligner à cet égard que les flux interceptés ont connu une augmentation exponentielle, d'un rapport de un à mille en dix ans. La DRM et la DGSE vont approfondir leur politique de mutualisation des équipements dans ce domaine.
J'en profite d'ailleurs pour adresser ici remerciements et compliments aux personnels de nos services de renseignement pour leur efficacité et le dévouement dont ils font preuve ; nous pouvons être fiers d'eux.
J'en viens à la recherche de défense, et je dois malheureusement constater que la situation est moins satisfaisante sur ce point. Si le Livre blanc souligne son rôle stratégique, on peut déplorer qu'on n'en ait pas tiré les conséquences en fixant un objectif mobilisateur. Alors que ce document a décrit dans le détail les cibles à atteindre s'agissant des matériels devant être mis à la disposition des forces, il n'a malheureusement déterminé aucun objectif d'engagement financier souhaitable pour la recherche. Une telle démarche aurait pourtant eu le mérite de donner une visibilité politique beaucoup plus forte à l'impératif de renforcement de la recherche de défense, à l'horizon des deux prochaines lois de programmation. Un objectif d'un milliard d'euros pour les études amont s'impose à mon sens, compte tenu de l'effort considérable engagé par certains de nos partenaires et de l'émergence de nouveaux acteurs particulièrement dynamiques et ambitieux.
Or le projet de loi de finances pour 2009 ne prévoit pas de véritable rupture s'agissant des crédits d'études amont, pour lesquelles est prévue une progression modeste de 2,4 %. À l'exception des études amont nucléaire, les autres catégories d'études voient au mieux leurs dotations stabilisées, comme pour l'espace, quand elles ne baissent pas légèrement, ce qui est le cas des « autres études amont ». De fait, la rareté des ressources en matière de R&T va conduire la DGA à davantage séquencer ses projets.
Ce n'est pourtant pas le moment de baisser la garde. Face à la réduction du format des armées et à l'étalement des programmes d'armement, la recherche est l'un des seuls moyens de maintenir les compétences acquises par les industriels français dans un très large spectre de domaines. Elle constitue aussi un véritable outil de dissuasion stratégique en adaptant par anticipation nos équipements aux menaces, permettant ainsi à notre pays de tenir sa place dans ce qu'il convient de nommer la course à la suprématie technologique. Les États-Unis la mènent depuis longtemps avec succès, l'Union soviétique en a fait les frais, mais d'autres acteurs émergents, comme la Chine, ne doivent pas être négligés. Au demeurant, même si une augmentation des moyens est souhaitable, elle ne permettra pas à elle seule de faire face à ce défi ; il est donc nécessaire d'accroître l'efficacité de notre outil de recherche et, pour cela, trois pistes doivent être poursuivies.
Il faut, en premier lieu, intensifier la coopération européenne en la matière ; je pense, monsieur le ministre, que vous nous en direz quelques mots. L'Agence européenne de défense est sur le point de rendre publique sa stratégie de R&T ; elle doit jouer un rôle de pépinière de projets. Il faut cependant être réaliste : compte tenu de l'extrême concentration des budgets de R&T de défense en Europe, l'essentiel des programmes majeurs en coopération continuera longtemps encore de concerner un nombre réduit d'acteurs, d'où l'importance de notre rôle, à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne.
Le deuxième axe d'effort porte sur une optimisation des synergies entre recherche civile et recherche militaire. Cela passe par une meilleure association des différents acteurs ; de ce point de vue, l'équipe Défense installée au sein du CNES a permis des réalisations intéressantes, tout en améliorant les relations entre le ministère de la défense et le CNES. Par ailleurs, une utilisation plus souple des crédits du programme 191 « Recherche duale » permettrait d'en faire une réserve destinée à favoriser de manière réactive la mise en place de projets de recherche duaux intéressant la défense. Une autre voie de progrès en matière de R&T duale consisterait enfin à rendre éligibles aux crédits du programme cadre de recherche et développement de l'Union européenne certains sujets concernant la défense et la sécurité. Les esprits ont beaucoup évolué en la matière, et la Commission pourrait n'y être plus hostile.
Il faut en troisième lieu mettre l'accent sur les technologies et secteurs de souveraineté. Le domaine des composants électroniques est sans doute le plus critique pour l'autonomie européenne, en raison d'une dépendance presque complète à l'égard des fournisseurs extra-européens et de leur soumission à la réglementation américaine ITAR. Limiter les effets d'une telle dépendance doit être l'un de nos axes d'effort prioritaires, et l'AED a certainement vocation à jouer là un rôle moteur.
Un mot enfin du secteur spatial, qui mérite une attention spéciale, car il est également un domaine de souveraineté critique.
La stagnation des crédits d'études amont prévue en 2009 en la matière ne constitue pas un bon signal, et il faudra veiller à ce que les années ultérieures permettent de revenir à un niveau plus compatible avec le degré de performance exigé par les futurs systèmes spatiaux.