Je vous rassure, ma chère collègue : cette précision vaut pour tout le monde.
Vous avez la parole, monsieur Boucheron.
M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si j'avais à qualifier ce budget, je dirais que c'est celui du retour au monde réel. Nous commençons en effet à construire l'armée réelle, après avoir trop longtemps couru derrière l'armée rêvée. Cela traumatisera quelques stratèges ou certains bureaux d'études qui se nourrissent d'illusions budgétaires.
Ce budget est marqué par les trois incertitudes majeures de la période : les conséquences de la crise financière, élément de déstabilisation stratégique ; l'évolution de la situation afghane et la mutation nécessaire de la stratégie de la coalition ; la nouvelle politique américaine et les espérances qu'elle fait naître d'un rapport moins arrogant de l'Amérique au reste du monde.
Monsieur le ministre, votre politique budgétaire devait relever cinq défis : le dynamitage de la bosse financière, la gestion sociale de la RGPP, l'inflation otanesque et la relance européenne, l'adaptation de l'outil aux vraies menaces opérationnelles et la nécessité pour l'État de revoir son rapport à nos industriels, dont certains traversent des difficultés qu'il ne faudrait surtout pas sous-estimer.
Le monde réel, c'est d'abord celui de nos finances. Ainsi, vous tentez de sortir des modèles virtuels d'armée inadaptés à nos finances et aux menaces et vous freinez les commandes de programmes coûteux, hérités de la guerre froide et consommatrices de masses financières aussi insurmontables que paralysantes.
Le monde réel, c'est aussi la réalité des alliances, avec une PESD totalement en panne, malgré la priorité affichée par la présidence française de l'Union, et une OTAN affaiblie conceptuellement par des élargissements inconsidérés et son utilisation au service exclusif des intérêts stratégiques de l'équipe Bush.
Le monde réel, c'est la réalité des OPEX, qui sont de moins en moins des actions d'observation, d'interposition ou de protection, et de plus en plus des actions de guerre confrontées aux menaces asymétriques, aux attaques suicides et à la criminalité transnationale. Je cite pour mémoire les nouveaux défis que sont la piraterie, la cybercriminalité et la protection de nos flux de communication spatiaux.
Le monde réel, c'est également la synergie des crises d'un occident en difficulté, perçu comme matérialiste, arrogant, peu respectueux des ressources naturelles et vivant dans une totale irresponsabilité financière, un occident aujourd'hui coincé entre les pays qui refusent son système et le combattent par le terrorisme et ceux qui l'adoptent jusqu'à la caricature par des enrichissements illégitimes et des développements incontrôlés. La France est très loin d'être la première responsable de cette situation, mais elle n'en est pas moins associée, amalgamée à cette vision du monde occidental. À nous de démontrer qu'entre l'intégrisme et le poker financier, il existe d'autres perspectives pour la jeunesse du monde.
Votre budget s'élève à 32 milliards d'euros, en augmentation de 5,4 %. C'est un bon budget, même s'il compte 1,6 milliard de recettes exceptionnelles, peau de l'ours mille fois vendue.