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Intervention de Rudy Salles

Réunion du 7 novembre 2008 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2009 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRudy Salles, président :

Mes chers collègues je vous demande de bien vouloir désormais respecter scrupuleusement vos temps de parole.

La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances de l'économie générale et du plan, pour le budget opérationnel de la défense, pour dix minutes.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan pour le budget opérationnel de la défense. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de la défense, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le programme 178 « Préparation et emploi des forces », dont je suis le rapporteur, est le plus important des quatre programmes de la mission « Défense ». Il recouvre notamment les aspects humains de nos forces – recrutement, rémunérations et charges sociales –, mais aussi l'entraînement, la projection, la disponibilité et les opérations extérieures.

En 2009, les crédits de ce programme bénéficieront d'une hausse substantielle, puisque les autorisations d'engagement s'élèveront à 22,4 milliards d'euros, en hausse de 6,3 %, les crédits de paiement, d'un montant de 21,8 milliards d'euros, enregistrant, quant à eux, une progression de 2,4 %. Ces augmentations témoignent de la volonté d'améliorer la condition matérielle des militaires, leur entraînement, ainsi que la disponibilité des matériels. Il est vrai que la bonne exécution du budget 2009 dépendra de celle du budget 2008. À ce jour, aucune annulation n'a été décidée et je souhaite, sans doute autant que vous, monsieur le ministre, que ce soit le cas jusqu'à la fin de cette année.

En application du plan de modernisation présenté le 24 juillet dernier par le Premier ministre pour faire suite au Livre blanc sur la défense et la sécurité, des réductions d'effectifs débuteront dès l'année prochaine. D'ici à 2014, 82 unités seront supprimées et 33 autres transférées. Dans le même temps, un renforcement opérationnel de 65 régiments et bases militaires est prévu, afin d'atteindre la masse critique recherchée.

L'armée de terre sera la première concernée. Ses effectifs seront réduits de 26 500 hommes et vingt régiments ou bataillons devront disparaître. L'armée de l'air perdra huit bases aériennes, notamment celles de Colmar, de Reims, de Metz ou de Cambrai. Quant à la marine, elle perdra 6 000 hommes, mais un seul de ses sites d'importance fermera : la base aéronavale de Nîmes-Garons.

En 2014, la défense aérienne de la France reposera sur une flotte de 350 avions de combat, dont 270 en ligne, armée de l'air et forces aéronavales confondues. Ce parc plus homogène sera constitué de Rafale F3 et de Mirage 2000D. Cette rationalisation a une contrepartie positive, puisque 65 unités bénéficieront d'un renforcement opérationnel ; 80 bases de défense, appelées à regrouper plusieurs unités dont les fonctions de soutien seront mutualisées, doivent être en effet être constituées d'ici à 2014. Certains régiments d'artillerie seront dissous, mais d'autres seront renforcés, et certaines unités de fantassins recevront le renfort de compagnies de combat. Ces restructurations, qui seront réalisées entre 2009 et 2014, devraient aboutir à une réduction globale du format des effectifs de 54 000 postes, effort d'autant plus significatif qu'il doit répondre au contrat opérationnel résultant du Livre blanc.

En contrepartie, la défense a obtenu de bénéficier directement du produit de la cession des implantations devenues vacantes. Toutefois, afin de dédommager les collectivités qui perdront des unités militaires, il est probable que nombre de biens immobiliers seront cédés pour un euro symbolique, ce qui réduira les rentrées financières escomptées. Sur cette question – je pense notamment aux cessions de fréquences –, je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, d'éclairer notre assemblée sur les perspectives finales pour 2008 et vos prévisions pour 2009.

Par ailleurs, je souhaite appeler votre attention sur deux sujets de préoccupation majeurs : les OPEX, c'est-à-dire les opérations extérieures menées par la France, et le maintien en condition opérationnelle du matériel, le MCO.

Depuis près de deux décennies, la France doit gérer en permanence non seulement la participation de plus de 10 000 militaires à des OPEX, mais aussi le prépositionnement d'environ 8 000 soldats dans des pays amis. Les effectifs participant aux OPEX fluctuent naturellement en fonction du contexte international. Ainsi, alors que l'évolution de la situation en Bosnie-Herzégovine avait permis le départ de la quasi totalité des troupes françaises, la déclaration d'indépendance du Kosovo a ravivé les tensions et requis un léger renforcement du dispositif dans ce pays.

En outre, la création de l'EUFOR au Tchad et le renforcement des effectifs présents en Afghanistan n'ont pas été entièrement compensés par la réduction de la présence militaire française en Côte d'Ivoire. Il en résulte une hausse de 5,8 % des effectifs déployés en OPEX. Le surcoût de ces opérations a encore vraisemblablement augmenté de 167,3 millions d'euros en 2008. Pouvez-vous nous le confirmer ?

Le projet de budget pour 2009 prévoit 525 millions de crédits pour les OPEX – 510 millions pour la défense et 15 pour la sécurité –, contre 475 millions en 2008 et 375 en 2007. Déjà en hausse de 100 millions en 2008, la budgétisation des OPEX augmentera ainsi encore de 50 millions en 2009. Les appels réitérés du Parlement, en particulier de la commission des finances de l'Assemblée, par la voix de son rapporteur général, à une plus grande sincérité dans ce domaine ont donc été entendus. En effet, les sommes inscrites sont en augmentation constante depuis 2003, où nous étions partis de zéro.

Les dépenses réelles ont toutefois continué à augmenter au cours des dernières armées, passant de 685 millions d'euros en 2007 à 852 millions en 2008. Les crédits inscrits en loi de finances ne correspondent donc qu'à la moitié des dépenses réelles des opérations extérieures. Pour maîtriser davantage cette charge financière, qui pourrait atteindre un milliard d'euros en 2009, j'appelle l'attention du Gouvernement sur la nécessité de faire participer d'autres pays à certaines OPEX auxquelles la France est partie prenante, mais qui sont menées sous mandat international.

En Côte d'Ivoire, où je me suis rendu en compagnie de Jean-Michel Fourgous, il est grand temps d'impliquer davantage les pays de l'Union africaine. Nous devons sensibiliser ceux-ci à leur responsabilité dans la résolution de la crise, qui dépend de l'aboutissement du processus électoral. Des troupes africaines participent déjà à l'ONUCI, l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire, mais l'essentiel de la préparation et de l'organisation des élections est assuré par le dispositif militaire français.

Au Tchad, où une opération européenne est en cours, il est également nécessaire de trouver d'autres relais parmi les pays de l'Union européenne. La France assure aujourd'hui la quasi totalité d'une logistique aérienne particulièrement coûteuse, alors que les opérations menées sur le terrain s'apparentent parfois davantage à une oeuvre humanitaire qu'à une opération militaire nécessitant des moyens importants.

Il faudra, en outre, mieux appréhender les possibilités de remboursement des opérations sous mandat international. Au Liban, par exemple, notre participation donne lieu à un remboursement, mais sous une forme et selon des critères qui nécessitent une véritable culture de la négociation avec les services de l'ONU.

Quant à notre dispositif de forces prépositionnées à l'étranger, il sera profondément remanié pour des raisons d'économies. Ainsi les implantations françaises en Allemagne seront réduites. Le 16e bataillon de chasseurs, actuellement basé à Saarburg, sera transféré à Illkirch dans le Bas-Rhin. Il reste à décider de l'avenir du 110e régiment d'infanterie et du 3e régiment de hussards, qui appartiennent à la brigade franco-allemande. Des discussions sont en cours avec l'Allemagne. À ce propos, je tiens à souligner que le surcoût de nos forces prépositionnées en Allemagne, avec 160 millions d'euros, représente 50 % du total du surcoût des forces prépositionnées.

La présence militaire française en Afrique, qui s'appuie sur quatre bases – au Sénégal, en Côte d'Ivoire, au Gabon et à Djibouti – fait également l'objet d'une importante réorientation, qui concernera notamment le 43e bataillon d'infanterie de marine présent à Abidjan. La France ne conserve, pour l'instant, que deux des trois bases situées sur la façade atlantique de l'Afrique : celles de Dakar et du Gabon. Quant à celle de Djibouti, située sur la côte est du continent, elle se trouve à proximité d'un axe essentiel du commerce maritime mondial et des champs pétrolifères du Moyen-Orient.

Selon les préconisations du Livre blanc, une de ces trois implantations devrait disparaître. Compte tenu du contexte géopolitique, la pérennité de l'implantation française à Djibouti paraît s'imposer, bien qu'il soit question d'installer une nouvelle structure militaire aux Émirats arabes unis. Il faudra prendre en considération les surcoûts de notre présence à Djibouti, notamment le versement de 30 millions d'euros de taxes et redevances.

J'en viens maintenant à la disponibilité du matériel, qui conditionne le caractère opérationnel de nos forces.

La marine est la seule armée qui dispose d'un bon taux de disponibilité, compris entre 70 et 90 %. Toutefois, notre porte-avions est indisponible à 100 %, puisqu'il est actuellement immobilisé pour quinze mois et ne reprendra ses essais en mer que dans quelques semaines.

La situation est plus délicate pour l'armée de terre. Ainsi, le taux de disponibilité du véhicule blindé AMX-10 RC ne dépasse pas 53 % et celui des hélicoptères Puma et Gazelle est compris entre 45 % et 70 %. Plus préoccupants encore sont les problèmes techniques persistants du char Leclerc, qui limitent sa disponibilité au tiers du parc. Cependant, une partie d'entre eux a été volontairement mise « sous cocon ». La quinzaine de chars déployés au Sud Liban démontrent – j'ai pu le constater – la qualité de ce matériel, mais force est de reconnaître que le coût de son MCO, notamment sur ce type de terrain, est élevé.

Un important motif de satisfaction réside dans le fait que la disponibilité du Rafale, en service depuis maintenant deux ans, s'est sensiblement améliorée, passant de 45 % en 2006 à 50 % en 2007 et à 65 % en 2008. Une formule satisfaisante de gestion des pièces détachées a en effet été trouvée avec le fournisseur.

En revanche, la situation devient critique en matière de transport et de ravitaillement, pourtant indispensables au soutien de nos forces sur des théâtres éloignés des voies maritimes, comme l'Afghanistan et le Tchad. Ainsi, les Hercule C130 ne sont disponibles qu'à 60 % et les Transall à 52 %. Le nombre de ces appareils se réduit également en raison du vieillissement du parc. Il est donc impératif d'adopter une solution de transition en attendant la livraison retardée de l'A400M.

Avant de conclure, monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation des réserves opérationnelles. Une diminution significative des crédits qui leur sont alloués présenterait un risque majeur, pour deux raisons. À un moment où la réserve opérationnelle ne dispose plus de « réservoir » naturel de recrutement parmi les élèves officiers de réserve, il convient en effet à la fois de fidéliser ceux qui sont engagés dans cette voie et d'accroître l'attractivité pour de nouvelles recrues disposant de formations supérieures ou spécialisées recherchées, conformément au diagnostic du Livre blanc sur la défense et la sécurité.

En conclusion, le projet de budget pour 2009 devrait permettre de relever trois défis majeurs : la mise en oeuvre de la première annuité du plan de modernisation de la défense ; l'amélioration de l'entraînement de nos forces, dont l'actualité nous a cruellement rappelé à quel point elle était nécessaire, malgré les problèmes de disponibilité des matériels et la volatilité des prix des carburants ; enfin, l'amélioration du maintien en condition opérationnelle du matériel. Sur ce dernier point, les problèmes liés à la jeunesse de certains matériels commencent à s'estomper, mais les retards des programmes d'hélicoptères de transport NH90 et d'avions A400M conduiront à maintenir en activité plus longtemps que prévu des Puma et des Transall, dont certains ont déjà plus de trente-cinq ans de service.

Sous réserve des précisions que vous voudrez bien nous apporter, monsieur le ministre, j'émets donc un avis favorable au budget opérationnel des forces pour 2009 et j'invite notre assemblée à l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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