Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Madame la garde des sceaux, puisque vous allez bientôt quitter vos fonctions, l'occasion m'est donnée de revenir sur l'exercice de votre ministère, pour mesurer la portée réelle de votre politique.
La première mesure annoncée fut la réforme de la carte judiciaire. À grand renfort de communiqués, vous disiez vouloir lancer une grande concertation avec le monde judiciaire et les élus. À cette concertation annoncée, vous avez substitué une mise en place autoritaire de la réforme, par décret.
Contesté par nombre d'associations de justiciables et d'élus, ce décret a été soumis à la censure du Conseil d'État. Face au risque d'annulation pour non-respect des consultations préalables, vous avez abrogé ce premier décret pour en promulguer un autre. Celui-ci étant à nouveau soumis à la censure, nous attendons encore que votre ministère conclue.
Et pendant ce temps, la réforme se met en place dans les faits : les dossiers s'entassent dans les cartons, les fonctionnaires sont appelés à demander leur mutation, voire à se réorienter vers d'autres secteurs de la fonction publique, les tribunaux se vident et les citoyens attendent qu'on leur rende justice.
Mais bien d'autres questions restent sans réponses. Madame la ministre, votre action au ministère de la justice restera marquée d'un sceau, celui des chantiers inachevés. Vous laisserez dans vos tiroirs des rapports aux conclusions toujours sans lendemain : les rapports Guinchard, Lamanda, Varinard et Léger.
Comment allez-vous permettre à votre successeur de répondre aux attentes de l'opinion publique, alors même qu'un texte comme le projet sur la rétention de sûreté a été sanctionné par le Conseil Constitutionnel ?
Comment allez-vous permettre à votre successeur de réduire la population carcérale, alors même que vous n'avez pas élaboré de véritable politique pénale pour gérer le flux de condamnés et organiser la réinsertion, ce qui a obligé les surveillants de prison à descendre dans la rue ?
Comment pourra-t-il organiser le rapprochement des professions d'avoué et d'avocat, décidé sans concertation, et répondre aux 1 800 salariés laissés sans avenir ?
Enfin, comment expliquer que vous n'ayez pas mis en oeuvre une réforme aussi essentielle que celle relative à la condition pénitentiaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)