De l'inquiétude tout d'abord, parce que la composition du Conseil supérieur de la magistrature que vous nous proposez, n'est pas, contrairement à ce que vous affirmez, madame la garde des sceaux, conforme à ce qui se fait dans la plupart des pays européens, où existe la parité, au moins, entre magistrats et non-magistrats. Il serait assez extravagant qu'au moment où la France préside l'Union, elle instaure un système qui reste en deçà des normes fixées par les autres pays européens. Comme le disait à l'instant M. Montebourg, citant les propos de Robert Badinter au Sénat, ce serait une erreur !
Vous avez consacré un long développement à la possibilité pour le Gouvernement de déterminer la politique pénale – ce qui est dans l'ordre des choses – mais vous avez fini par théoriser la pression du Gouvernement sur les magistrats. Vous voulez nous faire croire, en vous fondant sur les seules apparences, que le Conseil supérieur de la magistrature aurait davantage de liberté parce que le Président de la République ne le présiderait plus. Or, il faut le savoir, la nouvelle rédaction de l'article 65 de la Constitution ne précise pas que le Conseil supérieur de la magistrature est le garant de l'indépendance judiciaire ! Par ailleurs, faire présider le Conseil par le procureur général et le président de la Cour de cassation n'est pas une garantie d'indépendance, compte tenu des modalités de désignation de ces hauts magistrats.
Il ne s'agit pas de corporatisme : les magistrats en ont fait la preuve, puisque ce sont eux qui, il y a dix-huit mois, ont proposé la saisine du CSM par les citoyens ; il existe de leur part une réelle volonté d'ouverture et ils ont conscience qu'un contrôle est nécessaire. En réalité, le Gouvernement ménage une fois encore les apparences, en laissant croire que le Conseil aura davantage de pouvoir parce que le Président de la République n'y siègera plus ; mais je rappelle que, pour les affaires disciplinaires, le garde des sceaux est toujours présent,…