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Intervention de Rachida Dati

Réunion du 9 juillet 2008 à 21h30
Modernisation des institutions de la ve république — Article 28, amendement 294

Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice :

Avec l'article 28, le Gouvernement souhaite à la fois renforcer l'indépendance de la magistrature et la mettre à l'abri des critiques de corporatisme, ce qui justifie les trois apports principaux du texte. D'abord, le CSM ne sera plus présidé par le Président de la République, ce qui protège cette institution de toute pression politique. Ensuite, toutes les nominations de magistrats du parquet, y compris celles des procureurs généraux, seront soumises à l'avis du CSM. Enfin, sa composition sera plus ouverte aux non-magistrats.

Tout au long des débats, notamment en première lecture, le Gouvernement a été attentif aux propositions des parlementaires. Ainsi le texte a-t-il été enrichi, votre assemblée ayant consacré l'existence de la formation plénière du CSM et reconnu le droit pour les justiciables de saisir directement le Conseil – proposition qui émanait de la commission dite d'Outreau. De même, au Sénat, le Gouvernement a accepté que les formations disciplinaires soient composées à parité de magistrats et de non-magistrats, ce qui n'avait pas été le cas en première lecture à l'Assemblée. Nous sommes désormais parvenus à un équilibre satisfaisant, qui devrait permettre l'adoption de cet article dans les mêmes termes par les deux assemblées. Le Gouvernement est donc défavorable aux modifications que vous proposez, et qui ont déjà été largement défendues.

S'agissant tout d'abord de la parité au sein des formations compétentes pour se prononcer sur les nominations de magistrats, elle ne permettra pas de couper court aux critiques de corporatisme ou d'immobilisme. L'indépendance de la justice doit aller de pair avec son ouverture. Dois-je rappeler que le projet porté par Élisabeth Guiguou en 1998 rendait les magistrats minoritaires au sein du CSM ? Dans plusieurs pays d'Europe dont le système judiciaire est comparable, l'instance compétente pour les nominations est composée majoritairement de non-magistrats, et même de parlementaires dans certains Länder allemands. On ne peut pas dire que la composition du CSM soit une exception en Europe, c'est faux ; il existe seulement trois instances équivalentes dans lesquelles les magistrats sont majoritaires : en Espagne, en Italie et aux Pays-Bas. En outre, la nomination des magistrats ne s'effectue pas partout de la même manière, puisqu'ils sont nommés par l'exécutif dans certains États de l'Union européenne, ce qui n'est pas le cas en France.

S'agissant de la présidence du CSM, le Gouvernement est attaché à ce qu'elle soit confiée aux deux plus hauts magistrats de France, le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près cette cour, dont l'autorité incontestable permettra de garantir l'indépendance du Conseil.

S'agissant des magistrats du parquet, il n'est pas souhaitable qu'ils soient nommés sur avis conforme du CSM, ni que celui-ci statue à leur égard comme conseil de discipline. Les magistrats du parquet ne sont pas dans la même situation que ceux du siège, puisque l'article 5 du statut de la magistrature dispose qu'ils sont placés sous l'autorité du garde des sceaux : le Gouvernement doit pouvoir conserver une marge d'appréciation sur les décisions qui les concernent, car elles sont essentielles à la conduite de sa politique d'action publique. Cette politique est légitime, et les Français, qui ont élu une majorité, attendent qu'elle soit mise en oeuvre de manière cohérente. Le Gouvernement doit donc impérativement avoir les moyens de le faire. Si un procureur de la République a reçu des instructions afin de lutter contre la récidive, il est important – il a d'ailleurs été nommé pour cela – qu'il mette en oeuvre la politique du Président et du Gouvernement, non qu'il soit indépendant et agisse à sa guise.

S'agissant de la « caporalisation » des magistrats, des convocations et des limogeages, je rappelle en premier lieu que les procureurs généraux sont nommés en conseil des ministres et qu'ils ne peuvent statutairement pas rester en poste plus de sept ans. Le Gouvernement détient donc une responsabilité en la matière et, s'il souhaite déplacer un procureur général, il en a la possibilité. Quant aux magistrats du siège, oui, j'ai reçu la grande majorité des juges d'application des peines à la Chancellerie, et c'était une première. Je vous rappelle qu'une politique d'aménagement des peines est actuellement menée grâce aux magistrats du siège, en toute indépendance, et fort bien – les résultats le prouvent. Je peux vous assurer qu'ils n'ont pas le sentiment d'être caporalisés !

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