Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je crains de pas pouvoir respecter, dans mon temps de parole, la répartition des crédits au sein de la mission, qui relèvent pour 93 % du secrétariat d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur, et seulement pour 7 % de mon propre ministère.
Deux programmes relèvent directement de ma responsabilité de ministre du travail. Le premier, « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail », marque trois priorités, affirmées récemment au cours de la conférence relative aux conditions de travail et dans le plan « Santé au travail ». Il s'agit d'abord de diversifier les financements consacrés aux risques professionnels, ensuite de soutenir la négociation collective, enfin d'organiser les élections prud'homales, en décembre 2008. Nous y consacrerons un montant total de 89 millions d'euros étalés sur trois ans, dont près de 60 millions d'euros figurent au budget pour 2008.
Le second programme « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » rassemble les moyens de fonctionnement des services dédiés à ces deux politiques ministérielles. Ses crédits progresseront au même rythme que l'inflation. Autant dire qu'il sera nécessaire de dégager des gains de productivité en cours de gestion.
Trois éléments me semblent devoir être rappelés.
La répartition des politiques du travail et de l'emploi entre deux ministères ne nous empêche pas de travailler en réseau, avec un interlocuteur unique au niveau local – les directions régionales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle –, donc un budget unique, dont j'ai la responsabilité, et qui permet d'entretenir des synergies très fortes au niveau local.
D'autre part, nous voulons mieux garantir l'effectivité du droit du travail, en donnant davantage de moyens à l'inspection du travail. C'est tout l'objet du plan de développement et de modernisation de l'inspection du travail, qui va poursuivre sa montée en puissance en 2008. Nous pourrons ainsi constituer de nouvelles sections de contrôle sur le terrain, grâce au recrutement de 170 agents supplémentaires. Ce renforcement trouvera sa contrepartie dans des suppressions d'effectifs équivalentes, supportées par l'ensemble des services, mais situées plus souvent dans les administrations centrales que dans les services déconcentrés.
Je répondrai brièvement à M. Gorce, à M. Lefebvre et à M. Joyandet, qui ont tous trois abordé le problème de l'évaluation. Celle de l'efficacité des politiques de l'emploi est évidemment nécessaire au regard des sommes investies. Outre l'INSEE, plusieurs services du ministère en sont chargés : la DARES, les directions régionales, le CEREQ et, pour ce qui est des évaluations de fond, le Centre d'études de l'emploi, le CEE.
Les crédits globalement attribués aux services du ministère s'élèvent à 17,7 millions d'euros, montant stable depuis plusieurs années. Leur accroissement allant dans le bon sens, je suis favorable par principe à tout amendement qui a cet objet. Cependant, s'il s'agit de lancer des études lourdes, qui se déroulent sur plusieurs années, il est souhaitable que l'augmentation des crédits ne soit pas brutale, mais progressive, et qu'elle s'inscrive dans la durée. Une hausse brusque et non anticipée risquerait de ne pas être suivie d'effets immédiats et pourrait induire à terme une sous-consommation de crédits, ce que je n'aime guère et ce que vous détestez. Aussi, la proposition d'accroître les crédits de la DARES de 3,4 millions d'euros me semble-t-elle prématurée. En revanche, l'amendement de M. Lefebvre reposant sur les mêmes bases mais proposant de transférer 200 000 euros au CEE répond aux critères que j'ai évoqués et me paraît tout à fait pertinent. Le Gouvernement émettra à son sujet un avis favorable. Je le répète qu'il va dans le bon sens.
Je tiens à rassurer M. Gosnat : nous privilégions la négociation sur la réglementation. À mon sens, celle-ci doit être réservée aux principes essentiels qui définissent l'ordre public social. Le reste relève de la négociation, qu'elle soit de branche ou d'entreprise. S'agissant de l'inspection du travail, l'État a consenti, par le biais du plan de modernisation que je viens d'évoquer, lancé par mon prédécesseur M. Larcher, un effort sans précédent, non seulement quantitatif mais qualitatif. En quatre ans, il prévoit la création de près de 700 emplois de contrôleur et d'inspecteur, dont 170 en 2008. Il n'était que temps, pourrez-vous dire. Je suis de cet avis. L'effort doit être poursuivi dans la durée. Mais cela ne signifie pas pour autant que l'application du droit du travail procède du seul contrôle ou relève de la seule sanction. La négociation, à mon sens, est le principal garant d'un droit du travail adapté. C'est aussi le gage de son application.
M. Vercamer et M. Candelier ont évoqué les moyens de l'AFSSET, l'Agence française de sécurité sanitaire, de l'environnement et du travail. Ceux-ci se sont accrus très vite depuis sa création, ce qui répondait à un souci partagé. La subvention versée par le ministère est passée de 5,7 millions d'euros en 2005, à près de 9,6 en 2008. Cette hausse de 68 % en trois ans a permis d'accroître le rôle de tête de réseau de l'Agence, par l'effet des expertises qu'elle confie à des prestataires. Elle lui a également permis de se doter de moyens d'expertise propres, en recrutant dix scientifiques supplémentaires par an – ce sera le cas en 2008 –, soit un total de cinquante recrutements en cinq ans.
Un contrat d'objectifs et de moyens conclu le 17 avril entre l'Agence et ses ministères de tutelle a formalisé et consolidé ces deux objectifs. Cette montée en puissance permettra de poursuivre dans la direction que vous avez évoquée et de lutter contre les effets de l'amiante. Parmi les travaux menés récemment figure une étude sur l'effet des fibres courtes d'amiante. J'espère que cette information rassurera M. Candelier, qui s'est inquiété de nos efforts en matière de santé au travail. Ceux-ci profiteront de ces moyens et seront en outre relayés par les perspectives intéressantes, qualifiées d'avancées tant par les syndicats que par le patronat, ouvertes par la conférence sur les conditions de travail.
M. Vercamer a souhaité une meilleure prise en compte de la représentativité des partenaires sociaux. J'ai évoqué plusieurs fois le sujet dans votre hémicycle, notamment au cours d'une séance de questions au Gouvernement, en réponse à un député du Nouveau Centre. C'est un des thèmes de la campagne électorale, cher au Président de la République. Le Premier ministre François Fillon s'est exprimé lui aussi sur le sujet à cette même tribune. Les partenaires sociaux l'ont évoqué en juin. Le débat est à présent devant nous, et je souhaite qu'il ne soit pas trop éloigné. En effet, poser la question de la représentativité, c'est soulever toutes les questions : celle de l'audience des syndicats, de la validité des accords conclus dans les entreprises et celle du financement des syndicats. J'en ai déjà posé certaines. Qui doit assurer ce financement ? L'État ? Les entreprises ? Les cotisations des adhérents ? Vous savez ce qu'il en est aujourd'hui : au titre de la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, c'est aux partenaires sociaux, en premier lieu, d'apporter les réponses. Telle est la règle qui a été posée. Non seulement je suis favorable à des avancées en matière de représentativité, mais je souhaite que nous puissions vous soumettre un texte, non en 2010 ou en 2009, mais dès 2008. Dans ce domaine, le plus tôt sera le mieux.
J'espère avoir répondu aux différentes questions des rapporteurs, sachant que M. Cherpion est surtout intervenu sur l'autre volet.
Laurent Hénart a évoqué, de façon subtile, la négociation sur le contrat de travail. Il y a deux manières de la conduire et je sais que, dans ce domaine, M. Jacquat partage nos préoccupations, qui ne sont pas uniquement régionales. La première méthode est unilatérale. Elle tend à instituer des procédures complexes, qui insécurisent tant les entreprises que les salariés. Ce fut le cas, par exemple, en 2002, avec la loi de modernisation sociale. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La seconde manière de procéder consiste à demander aux partenaires sociaux de négocier, à charge pour eux de trouver de nouveaux équilibres entre la nécessaire mobilité des salariés et leur sécurité – ce qu'on appelle en Europe la flexisécurité. Ce n'est pas un membre du Gouvernement qui a eu l'initiative d'en parler : ceux qui l'ont mentionnée le plus ont été, au sein de la Conférence européenne des syndicats, à Séville, les syndicats eux-mêmes. À la suite de leurs propositions, j'ai moi-même proposé, au nom des ministres du travail européens, la mise en place d'un groupe de haut niveau européen pour que l'on puisse avancer sur le sujet et continuer à faire preuve de pédagogie.
Un équilibre doit également être trouvé au niveau du droit du travail. On ne doit pas repousser à ses marges des salariés en situation précaire, sachant les difficultés que connaissent en France les salariés les plus jeunes et les plus âgés. C'est pourquoi nous travaillons, notamment avec Christine Lagarde, afin de proposer, dans le cadre du rendez-vous que nous avons pris pour les retraites, de nouvelles actions peut-être plus imaginatives en matière d'emploi des seniors.
À mon sens, la flexisécurité, dont j'ai le sentiment qu'elle est à portée de main, ne sera possible que si chacun comprend bien qu'elle ne signifie pas flexibilité pour les uns et sécurité pour les autres. Il faut en effet l'une et l'autre pour chacun des partenaires. La flexibilité est indispensable à l'entreprise comme au salarié, dans un marché du travail, qui – on doit le reconnaître en présence de députés particulièrement au fait de ces questions – ne manquera pas de se retourner dans les années qui viennent. Dans ce cas, la flexibilité pourra aussi être recherchée par les salariés. La sécurité, quant à elle, vaut non seulement pour l'entreprise, qui la recherche évidemment, mais aussi pour le salarié. Si le projet ne la garantissait pas, je me refuserais à le cautionner. Nous voulons vivre dans une société de confiance et de dialogue, comme l'a souligné M. Novelli, et, sur ces sujets, il n'y aura pas d'accord entre les partenaires s'ils ne trouvent pas d'avancées intéressantes pour les uns comme pour les autres.