Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Gérard Cherpion

Réunion du 7 novembre 2007 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2008 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Cherpion, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, bien que les mesures du projet de loi de finances concernant l'emploi soient cette année, comme l'ont indiqué les précédents orateurs, très importantes, je n'y reviendrai pas, sauf pour rappeler l'adoption par la commission des affaires culturelles de deux amendements identiques tendant à la suppression de l'article 53, qui a trait à l'application des contrats de professionnalisation. Je souhaite qu'une solution soit trouvée avec le Gouvernement sur ce problème important sur le plan social.

J'évoquerai un point particulier développé dans mon rapport écrit : le contrat de transition professionnelle. Ce dispositif a certes une incidence budgétaire modeste, avec 8,5 millions d'euros pour 2008, mais en présenter les éléments de bilan disponibles m'est apparu opportun dans le contexte actuel.

Je rappellerai que le contrat de transition professionnelle, établi par une ordonnance du 13 avril 2006, est une disposition expérimentale applicable pour une durée de deux ans dans sept bassins d'emploi : Charleville-Mézières, Montbéliard, Morlaix, Saint-Dié, Toulon, Valenciennes et Vitré. Dans ces bassins, il se substitue à la convention de reclassement personnalisé, mesure nationale prévue depuis 2005 pour favoriser le reclassement des salariés des entreprises de moins de mille salariés menacés par un licenciement économique.

D'autres mesures, comme les congés de reclassement ou de mobilité, existent en effet pour les salariés des entreprises ou groupes de mille salariés et plus, tous ces dispositifs ayant en commun de s'adresser aux salariés qui, sans eux, perdraient leur emploi dans le cadre d'un licenciement économique. Il s'agit de remplacer ce licenciement par de nouvelles modalités de rupture aménagée offrant plus de sécurité, plus d'accompagnement et plus d'indemnisation que le droit commun du licenciement et de l'assurance chômage.

Le développement de ce type de mesures s'inscrit dans la recherche d'une meilleure sécurisation des parcours professionnels, question qui est devenue un sujet de préoccupation très important des pouvoirs publics comme des partenaires sociaux, et qui se trouve désormais au coeur du dialogue social. La convention de reclassement personnalisé est ainsi issue de ce dialogue et la question des parcours professionnels sera nécessairement à nouveau traitée dans la négociation interprofessionnelle engagée cet automne sur la modernisation du marché du travail et la sécurisation des parcours professionnels. La remise à plat de l'assurance chômage et la réforme du service public de l'emploi obligeront de toute façon à revoir la convention de reclassement personnalisé mise en oeuvre dans le cadre de l'UNEDIC.

L'expérimentation du contrat de transition professionnelle doit s'achever en mars 2009, soit exactement un an après l'entrée dans la mesure des derniers bénéficiaires. Il est prévu que le Gouvernement remette un rapport d'évaluation avant le 1er juin 2008. Cependant, au regard des perspectives de réformes rapides que je viens de rappeler, j'ai cru bon d'anticiper cette échéance pour que les leçons que l'on peut d'ores et déjà tirer du contrat de transition professionnelle puissent être valorisées dans le cadre de ces réformes.

Je présente de manière détaillée, dans mon rapport écrit, les différences entre les régimes destinés aux licenciés économiques : régime de droit commun, convention de reclassement personnalisé et contrat de transition professionnelle. Pour aller vite, on peut dire que, du point de vue des salariés, la convention de reclassement personnalisé présente par rapport au droit commun plusieurs avantages : une indemnisation plus généreuse bien que dégressive pendant huit mois ; un statut favorable pour la conservation des droits sociaux, celui de stagiaire de la formation professionnelle ; des mesures d'accompagnement en principe renforcées.

Le contrat de transition professionnelle obéit globalement aux mêmes règles que la convention. Il s'en distingue cependant sur plusieurs points. Tout d'abord, il est ouvert à tous les salariés dont le licenciement économique est envisagé, même ceux qui ne pourraient bénéficier des allocations de l'assurance chômage faute d'une durée d'affiliation préalable suffisante. Par ailleurs, le délai de réflexion pour l'acceptation est plus long : vingt et un jours au lieu de quatorze. La durée maximale d'accompagnement est également plus longue : douze mois au lieu de huit. Dans le cadre de cet accompagnement, il est permis d'insérer des périodes de travail rémunéré dans des entreprises pour s'essayer à de nouveaux postes et de nouveaux emplois. Enfin, l'indemnisation est plus élevée et non dégressive, et comporte une possibilité de « capitalisation » en cas de reprise d'emploi avant le terme du contrat, c'est-à-dire de versement d'une prime à hauteur de 50 % des indemnités dues pour les mois restant à courir, dans une limite de trois mois. En contrepartie de ces avantages, le bénéficiaire d'un contrat de transition professionnelle doit prendre et tenir l'engagement de suivre les actions qui seront proposées et de donner suite à toute offre d'emploi correspondant aux orientations du projet professionnel défini avec lui.

Tel qu'il est appliqué – sinon dans les textes –, le contrat de transition professionnelle offre aussi un accompagnement beaucoup plus intensif, avec notamment un taux d'encadrement d'un référent pour trente bénéficiaires, contre environ un référent pour cent dix bénéficiaires pour la convention de reclassement personnalisé.

Grâce à un excellent suivi quantitatif et qualitatif, nous disposons déjà d'éléments de bilan substantiels du contrat de transition professionnelle. L'Inspection générale des affaires sociales a rendu deux rapports d'évaluation à mi-parcours. Pour ce qui concerne les chiffres, les données au 30 septembre 2007 font apparaître que 2 533 personnes sont entrées dans le système depuis mai 2006. À la même date, les cinq premières cohortes mensuelles de bénéficiaires, entrés jusqu'en septembre 2006, étaient par construction sorties intégralement du dispositif puisqu'il dure au plus un an. Cela représente 573 personnes, soit un échantillon encore restreint, mais suffisant pour dégager certains enseignements.

Dans son second rapport, mis en ligne il y a quelques jours, l'IGAS relève un « fonctionnement global satisfaisant » du dispositif, avec des résultats « du niveau d'une bonne cellule de reclassement, mais avec des incertitudes et des difficultés d'interprétation ». Les auditions que j'ai pu mener et les données qui m'ont été communiquées confirment ce jugement.

En premier lieu, il apparaît que le contrat de transition professionnelle est très attrayant pour ses bénéficiaires potentiels puisque le taux d'adhésion de ceux auquel il est proposé est proche de 80 %, contre 40 % seulement pour d'autres mesures optionnelles telles que la convention de reclassement personnalisé ou l'accompagnement renforcé, effectué par des prestataires privés et offert par l'UNEDIC à certains chômeurs indemnisés.

Quant aux résultats en termes de retour à l'emploi, il est très délicat de comparer l'efficacité de différents régimes d'accompagnement des demandeurs d'emploi, et cela pour plusieurs raisons : d'abord, les notions utilisées pour qualifier le reclassement, le retour à l'emploi, l'emploi durable, l'accès à l'emploi, ne sont pas harmonisées et renvoient à des définitions différentes ; par ailleurs, il est difficile de comparer un dispositif expérimental couvrant quelques milliers de personnes avec des mesures valables au plan national, comme la convention de reclassement personnalisé, qui concerne un peu plus de 100 000 personnes depuis deux ans. Enfin, dans ce type de comparaisons, il faudrait prendre en compte et quantifier des facteurs tels que le taux de chômage des bassins d'emploi en cause, l'âge moyen et la qualification des demandeurs d'emploi, ces données étant déterminantes pour apprécier les chances de retour à l'emploi.

Sous ces réserves, les résultats du contrat de transition professionnelle sont très au-dessus de la moyenne des dispositifs de reclassement. En intégrant toutes les périodes travaillées de plus d'un mois, le taux de retour à l'emploi s'élève à plus de 70 %, au terme des douze mois de contrat de transition professionnelle. En s'en tenant aux sorties vers un emploi durable – soit en contrat à durée indéterminée, contrat à durée déterminée ou mission d'intérim de plus de six mois – le taux est de 60 %.

S'agissant de l'ensemble des chômeurs, une enquête de l'ANPE sur le devenir d'un échantillon de demandeurs d'emploi ayant eu leur premier entretien en mai 2004 montre que, sur ceux qui s'étaient inscrits suite à un licenciement économique, 39 % travaillaient douze mois plus tard et 53 %, au total, travaillaient ou avaient travaillé au cours de ces douze mois.

Pour ce qui concerne la convention de reclassement personnalisé, les données de l'ANPE montrent que 55 % des allocataires, douze mois après leur entrée, ne sont pas inscrits à l'agence, ce qui correspond en général à un reclassement dans l'emploi. Enfin, s'agissant des cellules de reclassement dans le cadre des plans de sauvegarde de l'emploi, une analyse conduite a posteriori sur 230 plans entre 2002 et 2004 fait état de 35 % environ de sorties en emploi durable, un an après leur licenciement, des salariés ayant besoin d'un reclassement externe et dont la situation est connue.

L'analyse des emplois occupés par les anciens bénéficiaires d'un contrat de transition professionnelle est également intéressante : plus de 42 % ont changé de métier – ce qui traduit un mouvement significatif de reconversion –, près d'un tiers ont amélioré leur salaire, et 8 % ont créé une entreprise.

La plupart des personnes que j'ai auditionnées s'accordent à reconnaître quelques points forts au contrat de transition professionnelle, ce qui explique ses résultats encourageants.

Il y a d'abord l'aspect institutionnel, particulièrement intéressant, alors que nous allons prochainement débattre de la nouvelle organisation du service public de l'emploi. Le dispositif est géré par une filiale ad hoc de l'AFPA, qui associe des personnels issus de cet organisme et de l'ANPE. Les cellules, qui ont un fonctionnement entrepreneurial, sont dirigées par des chefs de projet détachés de l'AFPA et très impliqués. L'intérêt du regroupement dans une même structure des compétences des personnels de l'ANPE et de l'AFPA a été souligné par la plupart de mes interlocuteurs. Les uns amènent leur expérience du placement en emploi, les autres leurs compétences dans la construction de parcours de reconversion professionnelle, la prescription de formations adaptées ou la recherche de stages.

Le délai de trois semaines laissé aux salariés pour opter – il est de deux semaines dans la convention de reclassement personnalisé – est lui aussi très positif, tout comme la durée de douze mois du contrat de transition professionnelle. Dans les statistiques de retour à l'emploi durable, le taux passe de 33 % à 60 % entre huit et douze mois d'ancienneté dans le dispositif. Quelques bénéficiaires attendent sans doute la fin du contrat pour reprendre un emploi, mais ce type de comportement ne saurait expliquer une telle différence. Même si une durée fixe n'est pas adaptée à tous les cas, le choix de la durée de douze mois est plutôt bien calibré et mieux adapté pour mener un projet de reconversion professionnelle que les huit mois prévus pour la convention de reclassement personnalisé.

L'accès à la formation constitue une autre réussite du dispositif puisque le taux d'accès atteint presque 67 %, contre 25 % pour la convention de reclassement personnalisé et 10 à 20 % pour l'ensemble des demandeurs d'emploi. Nous devons cependant être conscients que ces résultats sont liés à l'implication d'un organisme paritaire collecteur des fonds de formation, l'AGEFOS-PME, qui a financé 53 % des formations. L'implication des conseils régionaux, compétents pour la formation professionnelle, est en revanche inégale et reste globalement limitée.

Un dernier élément très positif de la démarche de conversion propre au contrat de transition professionnelle doit être signalé : il s'agit des périodes travaillées qui peuvent s'intercaler dans le contrat de transition sans l'interrompre. Ce mécanisme permet de s'essayer à un nouvel emploi, voire à un nouveau métier, sans risque statutaire.

En revanche, d'autres aspects du dispositif font débat, comme la question du coût et du financement. Le financement de l'expérimentation, initiée par les pouvoirs publics, repose sur une contribution importante de l'État, qui serait, selon les prévisions, proche du tiers des dépenses totales, à la différence de ce qui se passe pour la convention de reclassement personnalisé, mécanisme dans lequel cette contribution est marginale. Cela s'explique par le niveau d'indemnisation plus élevé, les mesures d'accompagnement plus importantes, mais aussi et surtout par un engagement moindre de l'assurance chômage, à laquelle le contrat de transition professionnelle a été en quelque sorte imposé et qui a obtenu en conséquence de n'y contribuer que dans de strictes limites.

Si l'on regarde le coût unitaire du contrat de transition professionnelle, il n'est pas certain a posteriori qu'il soit très différent de celui de la convention de reclassement personnalisé, dans la mesure où les surcoûts qu'il induit peuvent être compensés par les économies d'indemnisation réalisées si les personnes retrouvent plus vite un emploi. De plus, pendant les périodes travaillées qui s'intercalent dans le contrat, ces personnes sont rémunérées par leur employeur temporaire, et non par le système. Selon des évaluations de la DGEFP, la différence de coût unitaire final entre les deux mesures pourrait être de seulement 5 %.

Il faut également prendre en compte les marges d'ajustement des coûts. D'une part, il n'est pas certain qu'un taux d'encadrement d'un pour trente soit nécessaire – selon certaines sources, un pour quarante ou cinquante pourrait suffire ; d'autre part, le niveau d'indemnisation des bénéficiaires pourrait être réexaminé, car, à ce niveau, certaines indemnités peuvent excéder l'ancien salaire net. Si l'on y ajoute le système de prime en cas de retour rapide à l'emploi, le contrat de transition professionnelle est tellement attractif qu'il peut sans doute entraîner des effets d'aubaine, dans la mesure où peuvent en bénéficier des salariés qui, compte tenu de leur métier, pourraient retrouver rapidement un emploi sans aide particulière.

Le critère d'entrée dans le dispositif par le licenciement économique est une règle également discutée. Certes, comme on l'a vu, proposer le dispositif à toutes les personnes dont le licenciement pour motif économique est envisagé peut entraîner des effets d'aubaine. En outre, l'IGAS fait observer que cela n'a peut-être guère de sens pour des salariés proches de la retraite, qui ont plus besoin d'une solution d'attente que d'une reconversion, ou des personnes dont les graves problèmes personnels, de santé notamment, exigent d'autres formes d'accompagnement qu'une aide centrée sur le retour à l'emploi.

Parfois trop systématique, la définition des bénéficiaires potentiels du contrat de transition professionnelle par le licenciement économique paraît parfois trop restrictive. Les licenciements économiques enregistrent un recul constant et sont devenus un motif très minoritaire d'entrée en chômage, avec moins de 5 % des inscriptions à l'ANPE. Dès lors, certaines organisations syndicales, que j'ai rencontrées, souhaitent une couverture plus large des ruptures pour des raisons économiques, notamment les salariés temporaires non reconduits des entreprises procédant à des licenciements économiques. Une réflexion en cours porte sur une éventuelle distinction entre les droits à indemnisation et les droits à accompagnement. L'IGAS considère ainsi que, dans le cadre d'un licenciement collectif, il est délicat de justifier de conditions d'indemnisation différentes, alors que des modalités d'accompagnement variables, adaptées à chacun, seraient utiles et pourraient être acceptées.

Une dernière question, souvent posée, porte sur l'articulation du contrat de transition professionnelle avec les autres mesures de reclassement existantes, en particulier les plans de sauvegarde de l'emploi que doivent mettre en oeuvre les entreprises. Certains craignent un appauvrissement du contenu de ces plans dans les bassins d'emploi couverts par le contrat de transition professionnelle. Si l'expérience devait être poursuivie ou élargie, l'hypothèse d'une exclusion des entreprises tenues de proposer un plan de sauvegarde ou d'une contribution obligatoire de ces entreprises au financement du contrat devrait être étudiée.

Cela nous amène à la conclusion : que faire du contrat de transition professionnelle, dont l'expérimentation va s'achever en mars prochain ? De mon point de vue, une généralisation à tout le territoire, qui en ferait le régime de droit commun pour tous les salariés concernés par une restructuration, voire pour tous les demandeurs d'emploi, paraît difficilement envisageable avec les paramètres actuels du dispositif, qu'il s'agisse de la clé de financement ou du niveau d'indemnisation.

Pour autant, il est clair qu'il y a dans ce dispositif des éléments très positifs, qui devraient inspirer la configuration future de tous les dispositifs d'accompagnement des demandeurs d'emploi. Comment valoriser ces éléments ? Dans le contexte actuel de remise à plat de tout le système d'accompagnement et d'indemnisation du chômage, je pense que c'est dans ce cadre de réforme d'ensemble qu'il faut tirer les enseignements du contrat de transition professionnelle, soit pour inspirer un dispositif de prise en charge des licenciés économiques qui prendrait la suite de la convention de reclassement personnalisé, soit pour inspirer un nouveau système global d'indemnisation du chômage.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion