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Intervention de Gaëtan Gorce

Réunion du 7 novembre 2007 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2008 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGaëtan Gorce, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan pour l'accompagnement des mutations économiques et le développement de l'emploi :

Si nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins en matière de politiques de l'emploi, il nous faut en tirer les conséquences et savoir opérer – à l'occasion peut-être de cette première discussion budgétaire – une révision de ces différentes politiques, qui ne peuvent se concevoir comme la simple reconduction et l'addition des dispositifs existants, mais qui doivent être, au contraire, constamment recalibrées en fonction de ces priorités.

À cet égard et pour ce qui concerne les crédits que j'étais chargé d'examiner, une politique de l'emploi devrait se fixer des priorités de trois ordres.

La première est l'anticipation. J'indiquais tout à l'heure l'impact qu'allaient avoir sur l'emploi et le marché du travail les mutations économiques, démographiques et technologiques. Ces mutations sont encore insuffisamment étudiées aujourd'hui. Il est surtout manifeste que nous n'en tirons pas encore assez les conséquences.

Le Conseil d'analyse stratégique a montré l'impact que pouvaient avoir ces évolutions sur les métiers et l'emploi au cours des dix à quinze années à venir, rappelant que l'essentiel des créations d'emplois allait se concentrer sur une quinzaine de métiers.

Pourtant, ces données n'inspirent pas de véritables politiques si l'on en juge par la mobilisation relativement modeste des partenaires sociaux dans les branches professionnelles, ou par la faible utilisation des outils prévus pour accompagner ces mouvements. Ainsi les crédits consacrés aux engagements de développement de l'emploi et des compétences ou ceux dédiés à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, représentent des sommes modestes et qui régressent encore dans ce budget.

Cela montre bien la difficulté d'intégrer ces enjeux de l'anticipation dans les politiques de l'emploi. Soulignons que ces dernières ne peuvent être menées ni conçues uniquement au niveau de l'État, mais en y associant les partenaires sociaux, les branches professionnelles et les territoires.

Se pose ensuite la question du pilotage de ces politiques d'anticipation, d'accompagnement des mutations et des restructurations. Certaines instances comme le pôle interministériel de prospective et l'anticipation des mutations économiques, le PIPAME, ont au moins le mérite d'exister. Le but de ce dispositif est d'essayer d'anticiper et d'accompagner les principaux mouvements susceptibles d'affecter certains secteurs économiques.

Pour l'essentiel, ces instances sont pilotées à un niveau administratif – avec les compétences naturellement requises – mais sans véritable vision stratégique et sans intégrer les différents aspects des politiques qui pourraient être conduites tant d'un point de vue industriel que sous l'angle de l'emploi.

L'anticipation des mutations économiques me paraît fondamentale pour l'avenir et j'espère que notre assemblée aura l'occasion d'approfondir ses réflexions sur le sujet, en dehors des débats budgétaires.

Deuxième grande priorité : adapter les outils des politiques de l'emploi à ces préoccupations. Là encore, nous sommes à la croisée des chemins et j'espère que nous saurons franchir quelques étapes.

L'exemple de la formation professionnelle illustre bien cette problématique. Si l'on considère que l'adaptation des salariés – et des demandeurs d'emplois – à l'évolution des métiers est essentielle, la réforme de la formation professionnelle apparaît comme un enjeu déterminant pour l'avenir. Cette réforme doit être conçue dans l'idée de redonner un véritable droit à l'avenir à tous les salariés. Ils doivent pouvoir se projeter dans un futur professionnel qui puisse être synonyme de compétences supplémentaires, d'emploi mieux garanti et aussi de progression de salaire et de pouvoir d'achat.

L'évolution des compétences, des formations et de la productivité doit aller de pair avec à celle des salaires. Au slogan « travailler plus pour gagner plus », je préfère la formule : « se former plus pour gagner plus ».

Cet effort d'adaptation devrait également se retrouver en matière de politique d'emploi des seniors. Je voudrais attirer votre attention sur les difficultés à bien calibrer des décisions qui visent à remettre en question – ce qui n'est pas illégitime d'un point de vue théorique – les dispositifs de départs anticipés en retraite comme l'allocation équivalent retraite, alors que les politiques qui tentent de maintenir en activité les salariés de plus de cinquante ans ne produisent pas encore de résultat.

Il existe un plan pour l'activité des seniors, des accords professionnels et des dispositions législatives récentes. Or, nous n'observons pas – loin s'en faut ! – d'amélioration de la situation. Il me paraît extrêmement dangereux d'accélérer la disparition des dispositifs de départs anticipés en retraite tant que nous n'avons pas réussi à améliorer réellement le taux d'emploi des seniors, par une politique qui doit évidemment associer les partenaires sociaux et tenir compte de l'évolution de la pénibilité des métiers et des conditions de travail.

Après l'anticipation et l'adaptation, je voudrais insister sur un troisième élément : l'évaluation des politiques menées. Avec Frédéric Lefebvre, rapporteur spécial sur les politiques du travail et de l'emploi, nous sommes d'accord pour considérer qu'il est anormal, compte tenu des enjeux évoqués précédemment, de ne pas disposer d'outils susceptibles de mesurer de façon fiable et incontestée l'efficacité des moyens mobilisés au service des politiques de l'emploi. En cumulant tous crédits, y compris les indemnisations chômage, on obtient une somme comprise entre 78 et 80 milliards d'euros. Or, nous ne pouvons pas en évaluer l'efficacité de ces moyens !

C'est pourquoi nous présenterons, mon collègue Frédéric Lefebvre et moi-même, un amendement visant à souligner cette faiblesse mais surtout à attirer l'attention du Gouvernement sur le sujet. Le Parlement, notamment la commission des finances de l'Assemblée nationale, a l'intention de s'en saisir également. La création d'un véritable dispositif d'évaluation des politiques de l'emploi. permettrait à nos débats de s'engager sur des bases plus communes que polémiques, avec un souci d'efficacité plutôt que d'opposition idéologique ou de principe entre nous.

Dernier point qui me tient à coeur et qui retient aussi l'attention du Gouvernement : la revitalisation des bassins d'emploi. Nous avons déposé un amendement qui tend à corriger les principales carences des dispositifs de soutien à la recréation d'activités et d'emplois dans les bassins qui sont frappés par des sinistres économiques.

Aujourd'hui, des dispositifs juridiques et financiers existent pour les bassins touchés par des sinistres économiques relativement importants, mais ils ne sont pas vraiment adaptés aux petits territoires ou aux zones rurales. Je veux attirer l'attention du Gouvernement et de l'Assemblée sur la nécessité de compenser cette carence : ces territoires doivent, eux aussi, retrouver un droit à l'avenir.

En matière d'emploi, il faut que tous nos concitoyens envisagent l'avenir avec optimisme et confiance. Nous pouvons partager cet objectif sur l'ensemble de ces bancs, même si nos points de vue peuvent diverger quant aux moyens d'y parvenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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