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Intervention de Pierre Lasbordes

Réunion du 3 novembre 2008 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2009 — Recherche et enseignement supérieur

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lasbordes, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les grands organismes de recherche :

Ce budget s'engage notamment dans la voie d'une revalorisation des carrières scientifiques puisqu'il vise en priorité à mettre l'accent sur l'attractivité desdites carrières, qu'il s'agisse des améliorations salariales, de l'accélération des promotions – y compris d'ailleurs pour les personnels des administrations et des bibliothèques –, de l'attribution de primes d'excellence scientifique ou de la mise en place du contrat doctoral, autant d'efforts dont le montant important – 252 millions d'euros – s'ajoute aux 750 millions d'euros déjà budgétés afin de prendre en compte la hausse du point de la fonction publique au cours de l'année 2009.

Au-delà de la rationalisation et des perspectives ainsi ouvertes, la volonté que vous manifestez d'instaurer une gestion moderne des ressources humaines dans votre ministère est surtout un signal fort de la reconnaissance que les pouvoirs publics tiennent à manifester à l'égard de la communauté scientifique. Là encore, je crois que nous pouvons tous nous en féliciter, sans ignorer qu'il nous faudra faire oeuvre de pédagogie auprès de la communauté scientifique, qui n'est pas encore réellement convaincue du bien-fondé de ces efforts.

Le choix que vous avez fait, madame la ministre, est aussi l'une des raisons pour lesquelles, en dépit d'une hausse globale de 6,5 % en moyens budgétaires et fiscaux, l'augmentation des crédits des laboratoires dont bénéficient les grands organismes de recherche ne s'élève qu'à 1,27 %, si l'on excepte les crédits alloués par l'ANR.

Dans un contexte de profonde réorganisation pour les uns, qu'il s'agisse du CNRS ou de l'INSERM, de développement de nouvelles missions pour les autres – je pense notamment au financement du retour des post-doctorants par l'ANR, programme lancé pour la première fois en 2009 et pour lequel l'agence devra mobiliser environ 12 millions d'euros – ou de prise en compte de dépenses nouvelles, telles que la participation française au financement de nouveaux programmes spatiaux européens, l'activité poursuivie par les grands organismes de recherche entraîne une forte demande de crédits.

L'une des solutions qui permettrait à coup sûr de dégager davantage de marges de manoeuvre – et j'y suis très favorable – consisterait à maintenir les taux de la réserve de précaution au niveau qui était le leur l'année dernière, à savoir 0,25 % sur la masse salariale et 2,5 % sur l'ensemble des autres crédits de paiement. Il est en effet regrettable de constater que certains programmes ne peuvent être engagés ou doivent être interrompus en raison d'un gel de crédits qui atteint parfois des niveaux extrêmement importants – plus de 35 millions d'euros pour le CNRS ou le CEA. Pouvez-vous, madame la ministre, nous indiquer ce que compte faire le Gouvernement pour remédier à un système unanimement dénoncé par les grands organismes et par la communauté scientifique ?

De plus, on sait que, pour soutenir la recherche, le code des marchés publics a exclu de son champ d'application les contrats relatifs à des activités de recherche et développement. Avez-vous des éléments à nous apporter, madame la ministre, sur l'impact d'un tel dispositif ?

Au-delà des seules augmentations budgétaires, une autre façon de mener à bien des projets d'envergure consiste à développer la collaboration entre organismes. Il en va ainsi des instituts thématiques récemment mis en place par l'INSERM, structures qui, autour de projets communs, fédèrent dans une saine émulation les chercheurs venus non seulement d'établissements différents mais également issus des universités, qui, plus qu'hier encore, sont des partenaires indispensables de la recherche française. Il en va de même pour la collaboration entre le CNRS et l'INSERM dont je souhaite qu'elle dépasse l'aspect strictement informel qu'elle revêt aujourd'hui et qu'elle soit enfin officialisée afin de la rendre pérenne.

Tel est également le sens de la montée en force de l'ANR qui, en 2009, devrait financer des projets à hauteur de plus de 630 millions d'euros. À ce titre, je précise que l'ANR prévoit notamment de dépenser, au cours de l'exercice 2009, 215 millions pour les seuls « programmes blancs », qui représentent un réel effort en faveur de la recherche fondamentale, puisque l'aide bénéficie à des projets sans thématique précise pour une durée qui, dans les faits, excède très largement trois ans, durée habituelle des financements de l'agence.

Or, dans le cadre de son action, l'ANR souffre, comme nombre d'autres grands organismes, d'une indéniable lourdeur de fonctionnement et d'un manque de moyens. En effet, son budget de fonctionnement annuel n'est que de 9,7 millions d'euros.

Madame la ministre, quelles initiatives comptez-vous prendre pour améliorer les conditions de fonctionnement des organismes, pour simplifier les procédures mises en oeuvre et faire en sorte que, de manière générale, les scientifiques passent plus de temps dans leurs laboratoires qu'à effectuer des tâches de pure gestion administrative ?

Une recherche efficace passe non seulement par des moyens humains et budgétaires importants, mais également par la juste appréciation de son activité et de ses résultats afin de veiller à sa performance dans un contexte international de plus en plus concurrentiel. À cet égard, l'ANR et l'AERES semblent avoir trouvé leur place au sein du paysage scientifique français après un démarrage quelque peu hésitant, pour l'une comme pour l'autre. Pourriez-vous nous éclairer sur ce qu'ont pu éprouver les différents acteurs de la recherche à l'égard de ces nouvelles institutions qui, je le rappelle avec force, doivent être davantage perçues comme des appuis que comme des censeurs ? Est-il envisagé de procéder rapidement à l'évaluation de l'activité de ces deux agences, afin d'améliorer encore leur manière de fonctionner et d'optimiser l'aide qu'elles peuvent apporter aux chercheurs ?

Je souhaiterais conclure mon intervention en évoquant un thème qui m'est cher, celui de la politique spatiale. La France s'est fortement engagée, au cours de l'année 2008, pour relancer la politique spatiale en Europe. Avec la visite du Président de la République à Kourou en février dernier ou lorsque vous avez, madame la ministre, réuni en juillet dernier, toujours à Kourou, les ministres européens chargés de l'espace, notre pays a démontré, au plus haut niveau, son volontarisme en ce domaine.

La France est, d'un point de vue global, le premier acteur européen dans le domaine spatial, puisqu'elle y consacre environ 2 milliards d'euros. Néanmoins, des inquiétudes se font jour : l'apurement de la dette contractée par le CNES auprès de l'Agence spatiale européenne semble être repoussé de 2010 à 2015, pour tenir compte de nouveaux projets. En effet, la « ministérielle » qui doit se tenir à La Haye les 25 et 26 novembre prochains va engager les pays membres de l'Agence spatiale européenne dans le financement de nouveaux programmes. Or, dans un souci de saine gestion, le CNES évalue au plus juste les coûts de ces programmes alors que, l'expérience en fait foi, ceux-ci excèdent en général de 20 % le montant initialement prévu. Pouvez-vous nous préciser, madame la ministre, si la France a anticipé les conséquences de cette nouvelle « ministérielle », afin qu'elle puisse prendre toute sa part aux projets décidés sous l'égide de l'Agence spatiale européenne ?

Toutes ces questions ne doivent néanmoins pas masquer les réelles améliorations que comporte ce budget 2009 et qui sont autant d'illustrations de l'action volontariste que vous menez à la tête de votre ministère. Aussi, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter les crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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