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Intervention de Annick Girardin

Réunion du 6 novembre 2007 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2008 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Girardin :

L'outre-mer, on a trop souvent tendance à l'oublier, n'est pas de la compétence exclusive de notre interlocuteur privilégié, le secrétariat d'État à l'outre-mer. L'outre-mer, dans toute sa diversité, est une partie intégrante de la France, et relève à ce titre de l'ensemble des ministères et des administrations.

Son développement passe par un véritable travail de concertation, de coordination et de bonne entente qui transcende les clivages traditionnels. L'importance et l'urgence des enjeux de l'outre-mer, leur diversité aussi, rendent ce travail encore plus impératif qu'ailleurs.

En effet, ce qu'il conviendrait mieux d'appeler « les outre-mers » font face à de vrais problèmes de fond, qui imposent à tous, élus locaux et nationaux, administrations et, surtout, les populations elles-mêmes, de travailler ensemble, dans la coopération, avec le secrétariat d'État comme interface nécessaire et privilégiée. Il doit être notre partenaire, notre allié, et non l'adversaire qu'il fut pour moi lors de l'application à Saint-Pierre-et-Miquelon de la loi « Travail, emploi et pouvoir d'achat ».

L'existence même de la mission « Outre-mer » constitue une première reconnaissance et un atout, même si elle n'a jamais véritablement été à la hauteur des enjeux : ce ne sont clairement pas les enveloppes prévues pour 2008 qui permettront de répondre aux défis et besoins tant économiques que sociaux et environnementaux de l'outre-mer. Comme mes collègues, je m'inquiète du transfert des crédits de l'emploi et de la formation, des dettes laissées par l'État, du taux de chômage élevé ou des difficultés structurelles des collectivités. Mais je me suis largement exprimée ces derniers jours, et j'ai été entendue.

Pour illustrer le décalage entre les objectifs et ambitions affichés et les moyens qui leur sont consacrés, je ne prendrai qu'un seul exemple, car il est frappant, et je le connais bien : celui du transport à Saint-Pierre-et-Miquelon. Son état constitue le principal frein au développement économique de notre archipel, sinistré depuis la fin de la grande pêche, après notre échec devant le tribunal arbitral franco-canadien de 1992. Depuis trop longtemps, l'impossibilité de mettre en place un transport fiable, viable et à un coût acceptable est à l'origine des faibles résultats qu'ont connus les différents efforts de diversification et de relance économique entrepris localement. Les efforts financiers de l'État ont donc été bien trop souvent gaspillés, faute de vision d'ensemble des défis économiques que doit relever notre archipel.

N'aurait-il pas été plus judicieux de corriger le handicap majeur de l'enclavement des personnes et des marchandises avant de chercher à mettre en oeuvre une nouvelle dynamique économique reposant sur le tourisme et les exportations ? Ne serait-il pas nécessaire, notamment à l'occasion de la prochaine loi d'orientation pour l'outre-mer, de mettre en place un régime d'aides à l'importation et à l'exportation afin de compenser les entraves au développement que l'Europe reconnaît sous le terme baroque d'« ultra-périphéricité » ?

Dans le cas de Saint-Pierre-et-Miquelon, ces entraves tout aussi réelles ne trouvent aucune réponse, puisque nous ne sommes, du fait de notre statut, pas une région ultra-périphérique de l'Europe, mais seulement de la France.

Il est donc impératif de travailler toujours en coopération, jamais dans l'affrontement. C'est à cette condition seulement que l'on pourra développer de véritables schémas de développement, dont Saint-Pierre-et-Miquelon a un besoin urgent. Les montants prévus au contrat de projets 2007-2013 sont en effet manifestement insuffisants, notamment pour ce qui est du projet essentiel qu'est l'aménagement d'un grand port de Saint-Pierre-et-Miquelon, port français d'Amérique du Nord, port avancé de l'Europe, élément clé du développement de notre archipel. Cela passe par la mise aux normes des éléments existants et la mise en place d'infrastructures permettant de développer les multiples activités possibles, à Saint-Pierre comme à Miquelon : pêche, aquaculture, transbordement, ravitaillement, tourisme de croisiéristes, activités liées aux hydrocarbures, carénage ou travaux de cale sèche. Ce n'est qu'à cette condition que l'archipel prendra toute sa place dans son environnement régional.

L'accompagnement technique et scientifique des projets est tout aussi essentiel que l'accompagnement financier pour assurer la réussite des projets de développement. Là encore, l'exemple de Saint-Pierre-et-Miquelon est frappant. Du fait de sa petite taille, elle manque de structures publiques d'accompagnement, que ce soit au niveau administratif – il n'y a pas de direction de l'environnement, du tourisme ou encore des affaires culturelles – ou au niveau scientifique, avec une présence insuffisante de l'IFREMER. Cet accompagnement défaillant met aujourd'hui en péril la préservation de notre patrimoine tant culturel que naturel et ajoute une difficulté de taille à des projets de développement économique qui doivent déjà surmonter trop d'obstacles. Saint-Pierre-et-Miquelon, comme bien d'autres collectivités ultramarines, connaît enfin une « fracture numérique » qui entrave le développement dans notre archipel du secteur prometteur des technologies de l'information et de la communication.

Ces enjeux essentiels sont malheureusement absents de la mission « Outre-mer », alors même qu'ils conditionnent la réussite et la cohérence globale des autres mesures utiles et nécessaires prises par le Gouvernement. Il faut espérer que la loi d'orientation pour l'outre-mer, actuellement en cours de préparation, sera l'occasion de corriger enfin cette situation et de résoudre tant d'autres problèmes dont souffre l'outre-mer : tous nos efforts et toute notre vigilance vont dans ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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