Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la représentation nationale est aujourd'hui appelée à examiner les crédits de la mission « Outre-mer ». C'est une tâche plus que délicate compte tenu des modifications de périmètre, des redéploiements de crédits entre actions, sans parler de l'étrange ballet des chiffres – plus 3 % d'un côté, moins 6,8 % de l'autre – auxquels se livrent le secrétariat d'État chargé de l'outre-mer et le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Le moins que l'on puisse dire est que l'étrange opacité qui en résulte suscite l'interrogation, voire la suspicion.
Comme l'indique la présentation du secrétariat d'État, ce projet de budget traduit les priorités du Président de la République et du Gouvernement. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir qu'il exprime – hélas ! – une nouvelle philosophie gouvernementale à l'égard de l'outre-mer : il ne s'agit plus, comme l'indique une récente note ministérielle, d'un quelconque rattrapage avec la métropole. Ainsi, à l'espoir un instant suscité par l'annonce d'une nouvelle loi de programme pour l'outre-mer – qui n'en aura peut-être, pardonnez-moi de le dire, que le nom – succède la dure réalité budgétaire.
En effet, comment pouvez-vous prétendre résoudre le problème de l'emploi alors que l'action publique reste passive, se contentant de mesures destinées aux entreprises et dont les indicateurs de performance eux-mêmes mettent en doute l'efficacité ?
Comment pouvez-vous affirmer la continuité territoriale alors que les crédits qui y sont alloués sont dérisoires au regard des besoins et que l'effort financier consenti par l'État pour atteindre cet impératif de solidarité nationale est, par habitant, soixante fois moins élevé à la Réunion qu'en Corse ?
Comment pouvez-vous affirmer prendre à bras-le-corps la question du logement social en vous glorifiant d'une augmentation de 25 millions d'euros en crédits de paiement alors que les services ministériels eux-mêmes estiment à quelque 500 millions le stock des dettes antérieures de l'État en la matière ? Nous sommes, dans ce domaine plus qu'ailleurs, face à un défi considérable : sur la seule île de la Réunion, ce sont près de 6 000 logements sociaux par an, pendant vingt ans, qu'il faudrait construire pour faire face à la croissance démographique et aux besoins de la population. Or, chaque année, nous en livrons péniblement le tiers. Ce que nous sommes en droit d'attendre de l'État, c'est un effort colossal, à la hauteur du défi à relever.
Un budget, monsieur le secrétaire d'État, est l'expression d'une volonté politique. Mais celui que vous nous présentez se contente, hélas ! de traduire en chiffres le discours gouvernemental actuel, un discours où il n'est question, à propos de l'outre-mer, que de franchises, de défiscalisations et d'exonérations. Ces outils économiques peuvent certes être utiles, mais ils ne sauraient être l'unique moyen d'action de l'État, car le risque est grand de voir celui-ci s'en remettre passivement au bon vouloir des investisseurs privés, auxquels il aurait transféré toutes les commandes. Si c'est le choix politique qui dicte l'action du Gouvernement, c'est tout le contraire d'une politique volontariste !
Chaque semaine, monsieur le secrétaire d'État, dans ma circonscription, ce n'est pas d'exonérations ni de zones franches que me parlent les Réunionnais, mais de leurs difficultés à trouver un emploi, à se loger. Ils me parlent surtout de l'augmentation vertigineuse des prix qui ampute gravement, chaque jour un peu plus, un pouvoir d'achat déjà très faible.
Voilà quelles sont les préoccupations essentielles de nos compatriotes d'outre-mer. C'est dire à quel point ce projet de budget se trompe de cible. Il ne tient compte ni des enjeux et des défis de l'outre-mer, ni des attentes et des besoins de sa population. Voilà pourquoi je ne le voterai pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)