Monsieur le président, madame la ministre de l'intérieur, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, mes chers collègues, avant d'aborder ce budget, je voudrais formuler une remarque de forme, qui tient aux relations de travail qui ont pu se nouer entre vos services, monsieur le secrétaire d'État, et le Parlement. Si je me permets de commencer par ce sujet-là, c'est naturellement parce que je forme le voeu ardent que les choses s'améliorent, leur dégradation ne me paraissant pas possible. En effet, à la date à laquelle je devais disposer de la totalité des réponses aux questionnaires budgétaires, je n'en disposais que de 60 %, et au moment où le rapport à dû être mis sous presse, je n'en disposais que de 85 %. C'est un chiffre qui peut être considéré comme satisfaisant, mais que, pour ma part, je juge faible. Je me suis renseigné auprès de mes collègues rapporteurs spéciaux des autres budgets, qui, dans l'ensemble, disposaient de 85 à 100 % des réponses, au moins au moment où leur rapport devait être mis sous presse. Je me permets de vous le dire avec la plus grande courtoisie et la plus grande amabilité possible, nous devrons nous efforcer, par un travail commun, d'améliorer ce résultat dans les années à venir, d'autant que, d'une part, l'on pouvait attacher une certaine importance à quelques-unes des réponses qui manquaient, et d'autre part, certaines des réponses qui ont été fournies étaient, comment dirais-je, difficilement exploitables.
Le budget de l'outre-mer est un peu celui des paradoxes. Alors que l'État intervient, pour des montants très importants, dans les territoires et départements d'outre-mer, à hauteur de 15,6 milliards d'euros, le budget du secrétariat d'État à l'outre-mer n'est que de 1,7 milliard d'euros. À cet égard, on constate, en apparence, une diminution de crédits par rapport à l'année dernière. Cette diminution s'explique en réalité, je souhaite le dire d'emblée, monsieur le secrétaire d'État, par des raisons de périmètre. En effet, le programme relatif à l'intégration et à la valorisation de l'outre-mer n'existe plus au sein du budget de votre secrétariat d'État. De même, autre mesure de périmètre, les financements des contrats aidés ont été transférés au ministère du travail. Je crois que ces mesures de périmètre étaient légitimes, je crois qu'elles sont justes et que, collectivement, nous devons les assumer, même si la conséquence en est que, en apparence, votre budget, monsieur le secrétaire d'État, diminue par rapport à celui de votre prédécesseur l'année dernière.
Restent deux périmètres qui existaient déjà l'année dernière. Et si l'on raisonne à périmètre constant, et pour le coup la chose doit être soulignée, votre budget augmente. Il augmente même dans des proportions que je crois supérieures à celles que vous nous présentez. Nous sommes pour ainsi dire à fronts renversés par rapport au dialogue que nous nous apprêtons à avoir en général sur ce sujet, puisque, cette année, nous estimons que ce budget augmente de 3,4 %, alors que vous estimez, quant à vous, qu'il n'augmente que de 3 %. Vous nous expliquerez pourquoi cette augmentation est moindre, en définitive, que celle à laquelle nous avons abouti après avoir regardé les choses de très près, non seulement dans notre travail avec les administrateurs, mais également dans notre travail au sein de la commission des finances.
Ce budget de 1,7 milliard d'euros peut paraître quelque peu dilué, noyé dans l'ensemble des interventions de l'État outre-mer, puisque l'ensemble des politiques transversales a un budget de 12,6 milliards d'euros, et que par ailleurs les dépenses fiscales consenties par notre pays s'élèvent à 2,7 milliards d'euros. L'ensemble aboutit à ce budget de 15,6 milliards d'euros, au sein duquel le secrétariat d'État n'a, si j'ose dire, que la portion congrue, 1,7 milliard d'euros, que je vais m'efforcer de rapporter de la façon la plus objective qui soit.
Auparavant, et si vous me le permettez, un mot, malgré tout, des dépenses fiscales : 2,7 milliards d'euros, cela vaut la peine, après tout, que l'on s'y arrête un instant. Quelques chiffres. La réduction d'impôt sur le revenu au titre des investissements productifs réalisés outre-mer aura un coût de 550 millions d'euros l'année prochaine, contre 500 millions cette année. Cela peut traduire le succès de cette politique, mais cela peut poser d'autres problèmes, j'y reviendrai.
La réduction d'impôt sur le revenu qui n'est fonction que de critères de résidence aura un coût de 270 millions d'euros, contre 240 millions cette année. Là encore, il y a une augmentation, et cela mérite que l'on s'y arrête.
Même raisonnement pour ce qui est du régime spécial de TVA, qui avait coûté 1 040 millions d'euros cette année, et qui en coûtera, selon les prévisions pour l'année prochaine, 1 070.
On le voit, ces dépenses fiscales sont importantes. C'est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais vous interroger au moins sur un point. Ces augmentations résultent d'une comparaison avec le budget 2007 en exécution, et non avec le budget 2007 prévu. À cet égard, cela fait une grande différence. Car dans ce budget 2007, au seul regard de trois des éléments de la politique fiscale – la réduction des taux de TVA, la réduction de l'impôt sur le revenu au titre des investissements productifs, et la réduction de l'impôt sur le revenu au titre des investissements locatifs –, c'est un écart de 200 millions d'euros que l'on constate entre la dépense fiscale prévue l'année dernière et celle envisagée pour cette même année en exécution.
Il serait bon – car je n'ai pas eu de réponse à cette question – que vous nous expliquiez comment on arrive à un tel écart. De même, s'agissant des 800 millions d'euros de diminution de l'impôt sur le revenu, que ce soit au titre des divers investissements ou selon des critères de résidence, il nous faudrait disposer du nombre des bénéficiaires pour pouvoir estimer le montant de la réduction par personne.
Restent les crédits consacrés aux deux programmes qui vous sont confiés : « Emploi outre-mer » et « Conditions de vie outre-mer ».
S'agissant de l'emploi, je risque d'être quelque peu critique, mais je vais m'efforcer de me montrer compréhensif puisque vous venez de prendre vos fonctions. Cinq objectifs ont été définis par vos propres services pour apprécier l'efficacité des politiques de l'emploi, selon des critères prévus dans la LOLF : nous ne connaissons les résultats de ces critères que pour un seul objectif et nous n'avons pas réussi à savoir si vous en disposiez pour les quatre autres. Il est donc impossible de juger de la pertinence des politiques mises en oeuvre. Ce seul critère concerne le service militaire adapté, pour lequel le taux d'insertion, six mois après la sortie du dispositif, a été de 65 % en 2004, 70 % en 2005 et 75 % en 2006. C'est très satisfaisant et l'on ne peut que se féliciter – vous féliciter, madame la ministre, puisque vous en avez eu la responsabilité pendant longtemps – du rôle que les forces armées jouent en faveur de l'insertion professionnelle et sociale outre-mer.
Pour le reste, il est difficile de porter un jugement. L'objectif 1, par exemple, était relatif à l'évolution de l'emploi dans le secteur marchand aidé, comparativement à l'ensemble du secteur salarié. Nous savons qu'il était fixé à 0,61 % en 2006, mais nous ne disposons d'aucun chiffre, ni pour 2006 ni pour 2007. Cet objectif 1 recoupe l'objectif 4, relatif à l'évolution de l'emploi marchand aidé par rapport à l'emploi marchand non aidé. L'objectif 2 est très intéressant puisqu'il concerne l'emploi des jeunes, notamment en leur permettant de créer leur propre entreprise. Après tout, c'est peut-être la meilleure façon de pérenniser ces emplois. Le but était d'atteindre un taux de pérennisation des entreprises, trois ans après leur création, de 60 % ; nous ignorons ce qu'il en est pour 2006 et 2007. L'objectif 3 est relatif à l'intégration par le travail ou par l'activité économique des publics les plus éloignés de l'emploi. Là encore, la cible était ambitieuse : 60 % du public concerné devait avoir trouvé une solution durable six mois après la sortie du dispositif. J'ignore si le résultat obtenu s'en approche ou non puisque, là encore, monsieur le ministre, nous n'avons pas pu l'obtenir, ni pour 2006 ni pour 2007, même approximativement, l'année n'étant pas terminée.
Sur ces cinq objectifs donc, l'un est bien renseigné, quatre ne le sont pas du tout. Nous ne pouvons que progresser ! J'espère que nous disposerons de ces éléments l'année prochaine, pour pouvoir adapter les politiques mises en oeuvre.
Un dernier mot sur l'emploi, auquel les sommes consacrées dans les territoires d'outre-mer ont donné lieu à un intéressant débat en commission des finances. Sauf erreur de calcul, la dépense fiscale, chaque année et pour chaque emploi créé, est de 896 000 euros. Devant un montant aussi considérable, on est en droit d'attendre une politique de l'emploi plus dynamique et des résultats bien différents de la situation actuelle en matière de chômage et de RMI. L'utilisation de l'argent public dans ce domaine semble pour le moins critiquable.
Le programme « Conditions de vie outre-mer » concerne pour l'essentiel le logement. En la matière, la situation est contrastée, car l'habitat traditionnel diffère selon les collectivités considérées. L'efficacité des politiques menées est donc difficile à mesurer : manifestement très satisfaisante à Mayotte – il est difficile de faire mieux que 90 % –, beaucoup moins en Guadeloupe, où le taux de 20 % ne représente qu'un cinquième des programmes prévus et ne peut pas être considéré comme un succès. L'explication est peut-être que la défiscalisation des investissements dans le secteur libre crée une concurrence préjudiciable au logement social. J'y reviendrai à propos des difficultés que nous pourrions conjointement essayer de résoudre.
Parmi ces difficultés, précisément, la première concerne les dettes que l'État a contractées – et je le crains, continue de contracter – envers différentes institutions des départements et territoires d'outre-mer, notamment en matière de logement. Il y a un peu plus d'un an, à l'occasion de son déplacement, le Premier ministre avait formellement annoncé que l'État rembourserait ses dettes. Cela ne sera pas le cas l'année prochaine : les augmentations de crédits ne serviront qu'à couvrir les dettes de l'année, certainement pas à faire diminuer le stock de la dette, encore moins à le solder. Sachant que cette dette s'élève à près de 500 millions d'euros, on comprend les difficultés que peuvent avoir les bailleurs sociaux à répondre aux objectifs fixés par l'État en matière de réalisation de logement social.
Une autre dette conséquente a été contractée auprès des organismes sociaux. Un effort incontestable a été consenti cette année, mais il ne servira, là encore, qu'à régler les dettes de l'année en cours et pas à diminuer ni à apurer le stock de dettes déjà accumulées. D'ores et déjà, on peut dire qu'à la fin de l'année 2008, la dette de l'État envers les organismes sociaux des départements et territoires d'outre-mer s'élèvera à 1,3 milliard d'euros, ce qui est considérable. Cette situation n'est absolument pas satisfaisante.
Moins conséquente sur le plan budgétaire, mais néanmoins très pénalisante, la troisième dette n'est pas spécifique à l'outre-mer, nombre d'élus locaux en savent quelque chose. Il s'agit de celle qui est contractée par l'État à l'occasion de la réalisation des contrats de plan. Elle s'élève à 90 millions d'euros et rien dans ce budget ne semble de nature à l'apurer si peu que ce soit. Ce sont donc les collectivités d'outre-mer qui se substituent à l'État pour une durée inconnue, et qui font sa trésorerie en payant les entreprises pour que les contrats de plan puissent être réalisés.
Ces dettes à l'égard des bailleurs et des organismes sociaux, ainsi que des collectivités locales ne satisfont donc pas à l'exigence d'un État irréprochable, en métropole comme outre-mer. Un État irréprochable doit d'abord régler ses dettes, surtout s'il demande aux collectivités de se montrer vertueuses !