Mes chers collègues, je vais essayer de vous convaincre le plus rapidement possible que la sécurité juridique est au coeur de ce projet de recodification dont nous sommes de chauds partisans. Il est important de remettre cet exercice, qui paraît un peu technique, voire, selon certains, académique, dans la perspective de donner plus de sécurité juridique car c'est la sécurité juridique qui donne du sens au code du travail. Ce droit est au carrefour de la protection des salariés et du développement économique.
Le droit du travail est né et s'est développé au croisement de l'efficacité économique et des droits des salariés. Il poursuit en effet deux missions essentielles : protéger le salarié placé dans une situation de subordination juridique et contribuer à une organisation efficace de l'activité économique des entreprises. Ces deux principes ne sont contradictoires qu'en apparence. La mobilisation effective de l'énergie et de l'intelligence des salariés au service de l'entreprise suppose que ceux-ci soient équitablement traités et voient leurs droits reconnus. A l'inverse, une réglementation trop détaillée de ces droits nuit au développement de l'activité, et donc à l'emploi des salariés que cette réglementation serait censée protéger.
Pour remplir ses missions, le droit du travail doit donc manifester au plus haut point le sens du compromis et de l'équilibre. C'est un droit qui est face à des situations très hétérogènes. C'est un droit de masse et un droit de la vie quotidienne dont les dispositions concernent des millions de salariés et des centaines de milliers d'entreprises, et qui appréhende des situations de fait extrêmement diverses.
Il s'applique dans les toutes petites entreprises comme dans les grands groupes internationaux. Il envisage aussi bien la situation du salarié en CDI à temps complet sur un site de production que celle du salarié travaillant à domicile ou du saisonnier alternant périodes d'activité et d'inactivité. En outre, chaque innovation, chaque modification doit, pour produire son plein effet, être connue et surtout comprise par ce très grand nombre d'acteurs dont il appelle à modifier les comportements.
De ces constats découle à l'évidence un impératif : il faut rendre ce droit accessible et lisible. La cohérence et la simplicité du droit du travail nécessitent donc un effort collectif, vigilant et opiniâtre. Or, de l'aveu de tous les acteurs, comme l'a démontré tout à l'heure M. le ministre, qu'il s'agisse des salariés, des entreprises, des partenaires sociaux, de l'administration ou des juges, le droit du travail est perçu aujourd'hui comme difficilement compréhensible, ce que d'ailleurs nul ne conteste, …