Avouez qu'il s'agit là d'une description peu ordinaire !
Dans un article publié par La Semaine Juridique, en mars 2007, Bernard Teyssié, professeur à l'université Panthéon-Assas évoque « un code dont les articles ont été souvent l'objet de réécriture ou ont explosé en plusieurs morceaux à la manière de l'article L.122-14-4, pièce majeure du droit du licenciement, d'où six articles jaillissent, éparpillés dans des chapitres ou sections distincts, exposés à une lecture parfois fort différente de celle jusqu'alors admise. Outre le peu d'attention prêtée aux prescriptions de la loi, l'indifférence des pouvoirs publics à l'impératif de sécurité juridique est déjà perceptible. Elle est manifeste lorsque la quasi-totalité des articles d'un code d'une pareille importance dans la vie de la cité sont offerts au jeu d'interprétations nouvelles au gré de leur réécriture, dislocation ou déplacement. Mais il y a mieux encore : de nouvelles dispositions sont induites de solutions jurisprudentielles, la transmutation est opérée en normes de caractère législatif. Contestable en soi, cette transmutation l'est d'autant plus qu'elle s'exerce de manière fort arbitraire au gré des préférences personnelles des rédacteurs du code ». Voilà une appréciation qui montre l'ampleur du débat !
Dans un article publié par la Revue de droit du travail, Alexandre Fabre, docteur en droit, et Manuela Grevy, maître de conférences à l'université Paris I, écrivent notamment : « La volonté des recodificateurs de rendre les textes davantage accessibles et intelligibles, guère contestable a priori, justifie certains choix discutables du point de vue de la cohérence juridique des règles. Plus encore, cette exigence masque parfois une finalité inavouée. Les réagencements pourraient être l'occasion de figer certaines questions, à tout le moins de rendre difficilement révisables certaines interprétations jurisprudentielles ou évaluations législatives récentes. »
Toutes ces critiques sévères – très sévères – émanent de spécialistes reconnus et révèlent que, sous couvert de recodification, nous sommes confrontés à une opération de démantèlement du code du travail et, dans tous les cas, à une démarche qui ne répond en rien aux objectifs d'une codification à droit constant. Pourquoi avoir déplacé des centaines d'articles vers le code rural pour les salariés agricoles, le code minier pour les mineurs, le code des transports pour les entreprises de transport, le code de l'énergie pour les salariés d'EDF-GDF, pourquoi avoir renvoyé les dockers au code des ports maritimes et certains enseignants du privé au code de l'éducation ?
Aucune habilitation, aucune règle ne peuvent légitimer une telle démarche. Comment parler d'accessibilité du droit quand on passe de règles communes rassemblées dans un seul code à des règles éparpillées dans neuf codes différents ? Outre que ce choix est un retour en arrière par rapport à l'histoire du droit du travail, chacun comprend que l'objectif réel est de diviser les salariés, d'atomiser les règles de droit social.