Aujourd'hui, il m'est fort agréable d'aborder le sujet du parc de Camargue. Le projet de loi qui nous est soumis est un peu particulier. Non seulement parce qu'il permet à des accents provençaux et languedociens de s'exprimer au sein de l'hémicycle, mais parce qu'il entend régler un cas d'espèce : le statut juridique de l'organisme gestionnaire du parc naturel de Camargue.
Ce texte est justifié par le contexte juridique excessivement complexe qui fait planer, à très court terme, une menace réelle sur la survie institutionnelle de ce parc, alors même que son territoire recouvre des espaces naturels d'une très grande diversité biologique, façonnés par la main de l'homme et dépendant des activités qui y sont pratiquées.
La Camargue est une zone humide située entre les deux bras du delta du Rhône. Elle est avant tout « une production sociale de nature ». Elle est, par sa nature et les aménagements que l'homme lui a apportés, un espace inféodé à l'eau. L'agriculture, la saliculture, la viticulture, la riziculture, la chasse, la pêche, l'élevage, l'exploitation du roseau ou le tourisme sont en effet autant d'activités économiques qui se rapportent à l'eau.
Le fonctionnement du système deltaïque réclame une gestion rationnelle et concertée de l'eau. C'est pour cette raison que le parc naturel de Camargue occupe une place centrale. C'est aussi la raison pour laquelle la Camargue est une terre complexe, mêlant logique conflictuelle et cohabitation harmonieuse. De l'avenir du parc dépend ainsi celui de la Camargue tout entière.
Conscient de la fragilité, mais aussi de la richesse de cette zone humide, les pouvoirs publics ont très tôt protégé ce territoire d'exception. Ainsi ne coexistent pas moins de quatorze statuts de protection différents de la Camargue. Parmi eux, on peut citer la réserve nationale de Camargue, classée en 1975, la réserve naturelle volontaire de la Tour du Valat, classée en 1984. La protection des espaces naturels se poursuit également à travers une politique d'acquisition foncière conduite par le département des Bouches-du-Rhône et le Conservatoire du littoral.
Au plan international, la spécificité et la richesse des espaces naturels de Camargue font également l'objet d'une reconnaissance spécifique à travers sept labels et le réseau Natura 2000. La France a ainsi adhéré, en 1986, à la convention de Ramsar en proposant la Camargue, et a également proposé, en 1977, le classement de la Camargue en réserve de biosphère.
Cependant, cette terre d'exception qu'est la Camargue doit aujourd'hui faire face à un contexte juridique et judiciaire à la fois complexe et incertain. Le parc naturel de Camargue est géré par une fondation que le décret du 12 décembre 1972 a reconnue d'utilité publique. Sa structure originale se justifiait par la spécificité du parc, à savoir un territoire caractérisé par la très forte mobilisation des grands propriétaires terriens. Cela a permis de privilégier un mode de gestion favorisant une participation active et majeure des acteurs camarguais, au-delà de l'État et des collectivités territoriales. Étaient ainsi parties prenantes dans la gestion du parc propriétaires, chasseurs, éleveurs, pêcheurs, riziculteurs, au sein d'une structure que d'aucuns appelaient « le Parlement de Camargue ».
Le décret du 18 février 1998 a renouvelé pour dix ans le classement du parc naturel régional et adopté la charte révisée sur la base des statuts de la fondation de 1979. Mais le classement du parc naturel régional de Camargue vient à échéance le 18 février 2008. Pour que le parc soit à nouveau classé, une révision de la charte est nécessaire, en application des dispositions du code de l'environnement. Or le parc naturel connaît une situation juridique très complexe depuis plusieurs années, situation qui porte gravement préjudice à ce territoire emblématique de notre pays.
Comme vous l'avez indiqué, monsieur le rapporteur, il avait été décidé en 2001 de confier à un GIP, un groupement d'intérêt public, la charge de mener à bien les travaux de révision de la charte du parc de Camargue afin, notamment, de permettre aux propriétaires privés de participer à la structure de gestion du parc. Bien que reposant sur une base juridique incertaine, la création du GIP est le résultat d'une concertation aboutie entre les différents acteurs locaux et témoigne de la capacité des Camarguais à trouver des compromis quand cela s'avère nécessaire.
Toutefois, le Conseil d'État, par une décision du 23 juin 2004, a estimé que seul un syndicat mixte, et non un GIP, pouvait gérer le parc. Une seconde annulation est ensuite intervenue ; il est donc indispensable, aujourd'hui, de stabiliser et de conforter la situation juridique du parc. En outre, au-delà du 20 février 2008, les plus graves menaces pèsent sur son existence même. En cas d'annulation de l'arrêté créant le syndicat mixte, celui-ci devra être mis en liquidation, ce qui entraînerait le licenciement des trente-sept salariés employés par le parc. On compte en outre plus de deux cents emplois associés. Un tel coût social ne serait pas acceptable, d'autant que, dans ces conditions juridiques difficiles, le personnel est très attaché au maintien du parc et à son bon fonctionnement.
Compte tenu des enjeux de préservation et de valorisation des espaces naturels de Camargue, de la renommée du parc au niveau international et des enjeux sociaux, il importe de tout faire pour ne pas en arriver là. C'est pourquoi l'adoption d'un projet de loi définissant une solution spécifique pour le parc naturel régional de Camargue s'avère nécessaire. Pour toutes ces raisons, le groupe Nouveau Centre estime que la voie législative est la meilleure des solutions. Il votera donc en faveur de ce projet de loi qui permet de stabiliser la situation juridique du syndicat mixte créé pour gérer le parc et de garantir, dans des conditions satisfaisantes, la représentation des propriétaires fonciers.
La volonté affichée par l'ensemble des parties prenantes est bien d'assurer une continuité entre la gestion de la fondation et celle du syndicat. Au-delà de l'adoption de ce projet de loi, que nous appelons de nos voeux, les pouvoirs publics doivent poursuivre leurs efforts en faveur de ce territoire d'exception, de manière à dynamiser encore davantage la gestion du parc – notamment en matière de patrimoine immobilier – et à faire face aux nouveaux défis de demain pour cette zone humide, tel le phénomène de tassement du delta.
Ainsi, nous souhaitons que soient mises en place un certain nombre de mesures : la rénovation de la police des eaux ; la poldérisation des bassins hydrauliques, notamment celui de Fumemorte ; la mise en place d'une gestion hydraulique globale dont le parc serait l'élément fédérateur ; le renforcement du rôle de l'Agence de l'eau, qui devrait davantage contribuer au financement des moyens mis en oeuvre pour réhabiliter la zone humide ; la lutte contre les inondations, qui, comme le rappelait M. le président de la région PACA, doit être une priorité absolue, notamment par la mise en place de canaux de dérivation.
Nous souhaitons aussi que, dans les mesures adoptées, soit portée une attention particulière – je le dis devant le député-maire du Grau-du-Roi – au littoral camarguais s'étendant du Vidourle du Grau-du-Roi jusqu'à Port-Saint-Louis-du-Rhône, car il subit de façon dramatique les assauts de plus en plus forts de la mer.
La Camargue n'est pas sans conflits : celle de demain n'échappera donc pas à la règle. Mais elle devra trouver un équilibre économiquement viable, sociologiquement harmonieux, écologiquement durable et juridiquement stable. Parce que ce projet de loi est une pierre importante dans la construction de cet équilibre, notre groupe le votera, et souhaite que les pouvoirs publics prennent conscience de l'importance de la préservation d'un territoire doté d'une si grande richesse naturelle et humaine. (Applaudissements sur tous les bancs.)