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Intervention de Bernard Reynès

Réunion du 4 décembre 2007 à 15h00
Parc naturel régional de camargue

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Reynès, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, chacun, dans cet hémicycle, connaît la Camargue pour la richesse de sa faune et de sa flore, mais aussi pour la force de ses traditions et la qualité de son terroir. On a généralement en mémoire, et c'est très bien, quelques images d'Épinal, comme les flamants roses dans le marais de Vaccarès ou des gardians en train de mener des taureaux. La Camargue a en outre une image reconnue dans le monde entier. C'est aussi la plus grande zone humide d'Europe, bénéficiant d'une biodiversité tout à fait exceptionnelle.

Chacun sait aussi que la Camargue est un espace fragile, qu'il faut protéger contre les menaces de toutes sortes, et elles sont assez nombreuses dans cette région. À l'heure où certains de nos collègues se penchent sur le problème du PCB dans le Rhône, comment ne pas évoquer les pollutions provenant de ce fleuve mais aussi les crues qu'il peut occasionner ? Rappelons, par exemple, qu'à l'occasion des grandes crues de l'automne 2004, de nombreuses digues ont cédé sur le petit Rhône, transformant la Camargue en véritable bassin de déversement, ce qui a occasionné des dégâts très importants. Comment ne pas évoquer enfin des menaces plus globales, comme la montée du niveau de la mer liée au réchauffement climatique ? Espérons, monsieur le secrétaire d'État, que le Grenelle de l'environnement saura apporter les réponses appropriées dans ce domaine.

En général, on connaît moins les dispositifs juridiques de protection de cet espace. Ils sont nombreux : il y a évidemment le parc naturel de Camargue, le site classé et la réserve naturelle de l'étang de Vaccarès, la zone Ramsar de la Tour du Valat et le classement de presque toute la Camargue en zone de protection spéciale au titre de Natura 2000.

Dernier élément, beaucoup moins connu encore et sur lequel j'aimerais vraiment insister en tant que rapporteur : la Camargue est un espace de projets et de développement économique. Les multiples dispositifs de protection du territoire doivent prendre en compte des activités essentielles à la région, qui forment à la fois son âme et son avenir. Je pense en particulier aux activités agricoles, qui représentent dans cette région 18 % des actifs, dans 132 exploitations, soit près de 30 % du territoire du parc.

Là-bas plus qu'ailleurs peut-être, il ne faut pas opposer agriculture et protection de l'environnement, car les deux se sont développés dans une harmonie remarquable depuis un siècle. Prenons par exemple la riziculture camarguaise, qui bénéficie à 95 % d'une « indication géographique de provenance » garantissant sa qualité. Pensons aussi à l'élevage extensif de taureaux et de chevaux, important dans cette région, et qui s'est imposé à lui-même des normes de protection de l'environnement particulièrement exigeantes. Pensons enfin à la saliculture, installée en Camargue depuis près d'un siècle : avec plus de 18 000 hectares, c'est la plus importante d'Europe, répartie sur les deux sites que sont les salins de Giraud et les salins d'Aigues-Mortes, et la dimension mondiale de la Compagnie des Salins du Midi est une fierté pour notre région.

Quant aux activités touristiques, elles constituent une source de revenus importants, dans le respect de la nature camarguaise puisque cette région a été l'une des premières à mettre en oeuvre le concept d'écotourisme.

Cette articulation entre protection, mise en valeur et développement a été excellemment assurée par le parc naturel de Camargue depuis sa création en 1970. Alors que nous fêtons les 40 ans de la création des PNR, il faut rendre hommage à cette structure juridique qui a su fédérer les initiatives locales et les élus autour de la mise en valeur d'un patrimoine naturel, dans le respect des spécificités d'une région. À cet égard, la Camargue est tout à fait exemplaire.

Pourtant, comme vous venez de le rappeler, monsieur le secrétaire d'État, l'avenir du parc est aujourd'hui menacé. Si rien n'est fait avant février 2008, non seulement la structure gérant le parc, c'est-à-dire le syndicat mixte actuel, devra être dissoute, mais le parc perdra également son label. Pis encore, un volet social très grave suivrait cette dissolution, puisque les salariés du parc devraient être mis au chômage, ce qui représenterait un coût social et une perte d'expertise humaine inacceptable pour la région.

Je ne reviendrai pas dans le détail sur l'imbroglio juridique qui a mené à une telle situation de blocage, car je l'ai déjà fait en commission et dans mon rapport ; l'analyse est assez fastidieuse et, pour tout dire, plutôt déroutante puisqu'elle met en évidence une suite d'annulations contentieuses assez impressionnante. Je me bornerai à rappeler que c'est une fondation qui a traditionnellement été chargée de gérer le parc de Camargue. Pour prendre en compte des évolutions législatives, un GIP a ensuite été créé en 2000, projet qui a été abandonné au profit d'un syndicat mixte dont l'existence est aujourd'hui remise en question. Après l'annulation par le Conseil d'État du décret transférant la gestion du parc de la fondation au syndicat mixte, en février de cette année, il y a tout lieu de craindre que l'arrêté de création du syndicat mixte lui-même soit annulé, courant janvier, par le tribunal administratif de Marseille.

Mais passons sur ces difficultés car je préfère me concentrer sur l'avenir. Cette loi représente une véritable opportunité pour le parc de Camargue. Non seulement elle permettra de débloquer la situation, mais elle assurera enfin la stabilité juridique nécessaire au parc tout en prenant en compte ses spécificités, notamment en organisant la représentation, dans le nouveau syndicat mixte, des différentes associations syndicales de propriétaires. Ainsi, l'organisme gestionnaire du parc redeviendra ce que certains ont appelé à juste titre « le Parlement de Camargue ». Depuis près d'un siècle, les habitants de la Camargue, principalement les grands propriétaires terriens, s'investissent en effet dans la gestion de cette région, de même que certaines entreprises historiques comme la Compagnie des Salins du Midi. Cette loi permettra enfin, à la différence des lois de 1995 et de 2006, de reconnaître le rôle primordial joué par ces différents acteurs dans la gestion du parc, et je ne peux que m'en féliciter.

En outre, et c'est également très important, le présent texte permettra au PNR d'avancer, et à la Camargue de redevenir un territoire de projets. Je voudrais mentionner rapidement certains d'entre eux, qui sont déjà à l'étude et qui pourraient être mis en oeuvre à très court terme.

Il y a d'abord la révision de la charte, qui a été commencée et est maintenant arrêtée faute d'avenir juridique clair et stable pour le parc. Rappelons que la charte est un document essentiel puisqu'il fixe les objectifs à atteindre en termes de protection dans les années à venir. Autant dire que c'est toute la politique du parc qui est suspendue à cette révision.

Il y a en outre le projet d'extension du parc sur sa bordure Est, entre Arles, Saint-Martin-de-Crau, Fos-sur-Mer et Port-Saint-Louis-du-Rhône. Cette extension à proximité d'une zone où les activités chimiques, et les pollutions qui y sont liées, sont importantes, est fondamentale à l'heure où le Grenelle de l'environnement propose l'extension des zones protégées et la mise en place d'une trame verte.

Enfin, 20 millions d'euros sont d'ores et déjà sur la table pour faire avancer différents projets, qui ne peuvent être encore engagés du fait de cette incertitude juridique. Ces 20 millions d'euros doivent permettre de faire avancer le contrat de delta, à hauteur de 14 millions d'euros ; le programme de gestion intégrée des zones côtières, à hauteur de 2 millions d'euros ; le programme de protection contre les crues du Rhône, pour 2 millions d'euros ; la mise en oeuvre des mesures agro-environnementales provenant des crédits européens, pour 1,5 million d'euros.

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