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Intervention de Annick Girardin

Réunion du 31 octobre 2008 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 — Article 63

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Girardin :

Les parlementaires de l'outre-mer – et mes collègues à l'instant – l'ont dit et répété, tous les interlocuteurs l'ont confirmé : cette suppression de l'ITR a été programmée sans véritable concertation ni avec les élus ni avec les partenaires sociaux.

Dans un premier temps et avant que qui que ce soit ne voie le texte, cette réforme a été vendue comme une simple lutte contre les profiteurs du système. Quoi de plus louable ? Je le dis franchement : je soutiens cette lutte sans réserve, car nous ne pouvons tolérer les abus. Aussi, j'aurais volontiers approuvé une réforme qui s'en serait tenue à ces promesses, en fixant un nombre minimum d'années d'exercice outre-mer, ainsi qu'un plafond calculé de façon à ne toucher que les quelques profiteurs très aisés.

Cependant, ce que le Gouvernement nous propose – pour ne pas dire nous impose – n'a plus rien à voir avec la lutte contre les profiteurs, à moins que l'on ne cherche à stigmatiser l'ensemble des gens de l'outre-mer comme tel. Dans le projet, tous les fonctionnaires d'État sont concernés et, à travers eux, toutes les économies d'outre-mer où s'applique l'ITR, sur toutes leurs facettes.

Sans doute me direz-vous que les économies ne reposent pas sur la fonction publique. Nous sommes bien d'accord, n'enfonçons pas des portes ouvertes : le développement économique ne peut pas reposer uniquement sur la fonction publique. Cependant, celle-ci représente un secteur fondamental de nos économies, comme en métropole d'ailleurs. Pour prendre l'exemple de Saint-Pierre et Miquelon, que je connais le mieux, vous n'allez tout de même pas me dire que le fait de supprimer une part conséquente des ressources de 500 bénéficiaires de l'ITR dans un archipel qui compte un peu plus de 6 000 habitants n'aura pas de conséquences sur l'ensemble de l'économie de ce territoire.

Si encore cette réforme correspondait à une réalité économique, s'il s'agissait de dire à l'outre-mer : maintenant que votre développement est assuré, que vos handicaps sont compensés et que votre coût de la vie a été ramené à un niveau vaguement comparable à celui du reste du pays, cette indemnité n'a plus lieu d'être. Dans ce cas, on aurait pu comprendre. Mais comment comprendre qu'on nous impose une telle mesure au pifomètre ? Elle n'est basée sur aucune analyse concrète du coût de la vie et des réalités économiques de l'outre-mer.

Cette mort annoncée de l'ITR aura deux conséquences graves. Tout d'abord, tous les secteurs des économies des territoires concernés seront affectés par la baisse de revenu, voire le départ, des retraités de la fonction publique – commerce, services, BTP, tourisme, etc. Ensuite, comment accepter qu'un fonctionnaire qui a fait le choix difficile de quitter la métropole pour s'implanter aussi loin de ses racines et qui, pendant dix ans, vingt ans ou plus, a mis ses compétences au service du développement de nos territoires, puisse soudainement s'entendre dire par le Gouvernement : au fait, l'indemnité qui a fondé votre choix professionnel il y a vingt ans n'existera quasiment plus quand vous arriverez à la retraite ?

Cela pose un vrai problème de manque de prévisibilité pour les gens et donc, pour reprendre le terme en droit, d'insécurité juridique. L'État pourrait rencontrer de graves difficultés dans la mise en oeuvre de cette réforme, qu'elles soient soulevées par le Conseil Constitutionnel, le Conseil d'État ou la juridiction européenne.

La Cour européenne de justice qualifie cet aspect particulier du principe de sécurité juridique de « principe de confiance légitime », auquel le Conseil d'État, dans son étude de 2006, attache les effets juridiques suivants : « le principe de confiance légitime impose donc de ne pas tromper la confiance que les administrés ont pu, de manière légitime et fondée, placer dans la stabilité d'une situation juridique, en modifiant trop brutalement les règles de droit. »

En l'état, cette réforme pourrait être considérée comme une modification brutale de la règle de droit. J'aimerais autant vous éviter à tous de tels déboires, et je vous suggère d'accepter certaines des propositions formulées par mes collègues et moi-même visant à assouplir ce système.

De même, nous aurions pu volontiers soutenir une réforme qui, tout en supprimant l'ITR, l'aurait remplacée par un dispositif applicable à tous les territoires et à toutes les fonctions publiques. Il est injuste que le fonctionnaire d'État antillais ou guyanais, tout comme le fonctionnaire territorial à Saint-Pierre et Miquelon ou ailleurs, ne touche pas cette indemnité temporaire de retraite. J'aurais grand plaisir à approuver une telle réforme si le Gouvernement nous la proposait aujourd'hui. Or nous ne disposons que de vagues suggestions en ce sens, des « on pourra faire ça plus tard », que l'on trouve d'ailleurs en fin de communiqués de presse.

Il faudrait qu'on la voie venir cette mesure plus juste et plus équitable qui doit remplacer l'ITR, avant d'accepter que l'on supprime l'existant – loin de la perfection, je vous l'accorde, mais qui fonctionne !

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