Cet article est important puisqu'il prétend justifier l'allongement de la durée de cotisation. En effet, vous constatez, messieurs les membres du Gouvernement, comme nous, que les salariés partent effectivement en retraite à 58,8 ans en moyenne et non pas à soixante ans ou plus. Ils n'atteignent donc pas leurs 41 années de cotisation. Il est évidemment impératif que le marché de l'emploi évolue, dans les années à venir, de façon à permettre aux Français de rester employés au-delà de cinquante-cinq, voire de cinquante ans.
Pour cela, vous proposez de faire signer aux entreprises des plans d'action ou des accords pour le travail des seniors. Celles qui ne s'engageraient pas dans cette direction se verraient pénalisées par une taxe de 1 % sur leur masse salariale.
Ce dispositif appelle deux remarques.
D'abord, le plan seniors que vous préconisez nous paraît extraordinairement flou et insuffisamment volontariste. Plusieurs pays ont d'ores et déjà engagé des politiques de ce type comme le Japon ou, plus près de nous, la Finlande, ou encore, à un moindre degré, la Suède. On y constate que les politiques qui ont permis de favoriser l'emploi des seniors ne ciblaient pas seulement les plus de cinquante-cinq ans, et elles ont donné d'indéniables résultats. Ainsi, moins bien classée que la France il y a seulement une dizaine d'années, la Finlande a aujourd'hui un taux d'emploi des seniors quasiment deux fois plus élevé que le nôtre.
Il faut donc mettre en place des politiques de formation et d'accompagnement des salariés au sein de l'entreprise. En effet, si l'on se focalise sur les plus de cinquante-cinq ans, on oublie de voir que les entreprises marginalisent progressivement leurs salariés à partir de trente-cinq ou quarante ans. Il faut garantir la formation tout au long de la carrière des salariés, s'assurer que les entreprises leur proposeront des postes adaptés à leur propre évolution. Or nous avons le sentiment qu'à trop concentrer votre attention sur les seniors, vous ne prenez pas en considération le parcours du salarié au sein de l'entreprise.
Seconde remarque : les conditions dans lesquelles on va mettre en place la pénalité de 1 % nous laissent dubitatifs. Nous avons le sentiment qu'il s'agit d'une menace qui n'a aucun risque d'être mise à exécution dans la mesure où aucune évaluation des plans d'action n'est exigée, où aucune contrainte n'est imposée pour la mise en oeuvre de ces politiques au sein des entreprises.
Vous invitez en effet celles-ci à signer un plan d'action, à prendre deux ou trois mesures afin de montrer qu'elles se préoccupent des seniors. Qu'elles ne s'inquiètent toutefois pas, on ne vérifiera ni leur mise en oeuvre ni même la nature des actions proposées. Cette « menace » ne peut donc effaroucher personne.
Nous sommes préoccupés car convaincus que ce dispositif n'aura aucun effet sur l'emploi des seniors ni sur l'emploi des plus jeunes dans l'entreprise. Nous regrettons donc la timidité de la portée de cet article, même si nous approuvons le principe d'une pénalité dont nous déplorons qu'elle ne soit pas beaucoup plus contraignante.