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Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 5 novembre 2008 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2009 — Anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Jean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la défense et aux anciens combattants :

Les anciens du STO, le service du travail obligatoire, recevront une carte indiquant « Personne contrainte au travail en pays ennemi, victime du travail forcé en Allemagne nazie ». Je l'ai vérifié avec un certain nombre d'associations, notamment de résistants déportés : cette formulation fait consensus. Elle rend hommage de façon très claire aux anciens du STO ; elle ne contient ni le terme de déporté ni celui de camp, qui ont fait débat pendant soixante ans. Cet arrêté a été publié ce matin même au Journal officiel. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) C'est, je le sais, un sujet cher à M. Rochebloine et à de nombreux autres parlementaires.

Parmi les dossiers lourds et anciens qui sont désormais réglés, grâce aussi, disons-le, à la mobilisation de nombreux parlementaires, il faut citer celui de l'indemnisation des incorporés de force, essentiellement des femmes, des « malgré-elles », dans les formations paramilitaires allemandes RAD-KHD. Elles recevront une indemnité unique d'un montant de 800 euros. Je connais bien cette question, mais je ne la développe pas, car je pourrai y revenir pendant les questions. Alain Marleix avait, à la demande de M. le Président de la République, demandé au préfet Mahdi Hacène d'y travailler. M. André Bord a aussi beaucoup oeuvré en la matière.

Nous avons déjà reçu plus de 4 000 dossiers, alors que 5 800 personnes sont concernées. Dès le 1er décembre, la moitié d'entre elles seront indemnisées ; l'autre moitié le sera très rapidement : depuis le 17 juillet, nous n'avons pas perdu de temps.

Plusieurs d'entre vous ont aussi évoqué la question de la décristallisation. Une enveloppe de 100 millions d'euros a été dégagée pour 2009. Ce montant comprend une dotation de 24 millions d'euros pour permettre l'entrée dans le dispositif des veuves mariées après les dates d'indépendance, dont les droits à pension ont été ouverts dès 2007, mais pour lesquelles il a été estimé que les demandes arriveraient progressivement. C'est un sujet sur lequel, même dans le contexte budgétaire difficile où nous nous trouvons, nous continuons et continuerons à progresser. J'ai pu me rendre compte, à l'occasion de déplacements, notamment lors du 150e anniversaire de la création des tirailleurs sénégalais, que c'était un sujet sur lequel nous étions attendus.

M. Bernier, ainsi que d'autres intervenants, ont eu raison de souligner qu'il est temps désormais de prendre en compte la quatrième génération du feu. Il est nécessaire d'actualiser les critères d'attribution de la carte du combattant au titre des opérations extérieures. Les critères actuels remontent à la guerre d'Algérie ; ils ne sont plus adaptés aux conditions d'emploi des forces dans les opérations extérieures. Vous avez rappelé la tragique actualité récente ; pensons aussi aux événements plus anciens, comme l'attentat du Drakkar, dont j'ai commémoré il y a quelques jours à Pamiers le vingt-cinquième anniversaire.

Je compte aboutir rapidement sur ce dossier. Jusqu'à présent, je ne me suis pas trompé sur les quelques dossiers que j'ai cru pouvoir régler rapidement : ces paroles ne sont donc pas prononcées en l'air, d'autant que, au-delà des enjeux matériels, il y a évidemment des enjeux moraux. Ceux-ci nous obligent à conserver le souvenir des conflits contemporains et à entretenir, notamment chez des jeunes générations, les valeurs républicaines et citoyennes que nous partageons.

Le quatre-vingt-dixième anniversaire de l'armistice que nous célébrerons dans quelques jours se situe dans un contexte exceptionnel : la France assure la présidence d'une Europe pacifiée et unie, et la disparition de Lazare Ponticelli, le dernier poilu, a marqué le moment du passage de la mémoire à l'histoire. Les collectivités territoriales sont, plus que jamais, les protagonistes de cet anniversaire ; nous avons engagé de nombreux partenariats avec des villes, des départements, des régions.

Conformément aux recommandations de la commission Becker, il ne s'agit pas de commémorer la victoire d'un camp sur l'autre, mais de montrer que la Grande Guerre est une page commune de l'histoire des nations d'Europe, ainsi d'ailleurs que des autres continents : il ne s'agit pas d'occulter la dimension de victoire, mais de ne pas la mettre en avant.

Dans l'Europe de la paix, nous devons construire une mémoire partagée. Je dis souvent que la réconciliation, ce n'est pas l'oubli ; l'oubli est au contraire le terreau des conflits de demain. Cette commémoration se fait dans un esprit très ouvert, très international ; sans m'appesantir, je vous indique que cette dimension internationale mobilisera, autour de M. le Président de la République à Douaumont et de M. le Premier ministre à Rethondes, un nombre extraordinaire de pays, d'anciens alliés de tous les continents, de la Nouvelle-Zélande à l'Australie et au Canada, mais aussi d'anciens adversaires.

J'étais hier avec Mme Rama Yade en Champagne, à Reims – en compagnie, d'ailleurs, de certains d'entre vous – pour rendre hommage aux anciens combattants d'Afrique subsaharienne, la fameuse force noire. C'est aussi une manière de rappeler tout ce que nous devons à ces soldats qui, venus d'un peu partout, de ces terres que l'on appelait alors l'Empire, se sont battus ensemble et ont souffert ensemble dans la fraternité des armes pour un idéal partagé. C'est aussi, aujourd'hui, un élément de cohésion nationale.

L'un des orateurs a évoqué La Marseillaise ; je suis toujours très ému lorsque je participe à une cérémonie de ravivage de la flamme de l'Arc de Triomphe ; et j'y participe très souvent. Chaque fois, il y a des jeunes, venus de nos quartiers, de nos banlieues, des jeunes de toutes origines, qui ont été préparés à ce moment émouvant par leurs professeurs, qui savent pourquoi ils sont là. Sous l'Arc de Triomphe, on chante chaque jour La Marseillaise ; eh bien, je vois chaque fois ces jeunes la chanter à tue-tête. Cela m'émeut aux larmes. L'enthousiasme autour de l'hymne national n'est pas hors de portée.

Je réunirai, à la veille du 11 novembre, les principaux responsables européens en charge de la mémoire combattante dans les vingt-sept pays de l'Union, afin de mener une réflexion commune sur les grands enjeux mémoriels européens dont nous devons entretenir l'héritage. Il nous faut aussi assurer l'avenir et la modernisation des commémorations, des célébrations publiques, car force est de constater que le passage de témoins aux jeunes générations, au-delà du monde combattant qui est très mobilisé sur ces questions, n'est pas des plus faciles. C'est l'esprit dans lequel la commission Kaspi, mise en place par mon prédécesseur pour réfléchir à ces enjeux, a travaillé.

Le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, participe également à ce travail, à travers la mission d'information qu'il préside sur les questions mémorielles dans laquelle siègent plusieurs parlementaires ici présents.

La commission Kaspi, dont nous allons rendre public le rapport dans quelques jours, après le 11 novembre, a procédé à un travail extrêmement important.

Même si j'ai eu l'occasion de le dire en maintes circonstances je tiens à répéter très solennellement à l'Assemblée nationale qu'il n'y aura pas de Mémorial day à la française. Ce n'est pas notre histoire. Ce n'est pas notre culture.

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