Sur le temps de travail, vous tournez le dos à l'avenir.
J'en viens au déficit. Ce collectif budgétaire ne le réduit pas – cela a été dit tant par le président de la commission que par le rapporteur général. Il est de 38,3 milliards, contre 39 milliards en exécution en 2006, et la diminution n'est due qu'au versement anticipé d'un dividende de 923 millions d'euros par EDF et à la diminution de 1,9 milliard d'euros de la contribution au budget communautaire. Avec le ralentissement de la croissance que nous observons, monsieur le ministre, le risque est grand que, contrairement à la prévision que vous avez transmise à la Commission européenne – vous continuez à dire que le déficit va se réduire dans les années à venir, mais en vous fondant sur des hypothèses de croissance qui ne nous semblent pas réalistes –, le déficit de la France se remette à augmenter dès l'année prochaine et atteigne 3 %. Je dis cela parce que j'ai de bonnes lectures. Dans le rapport de M. Carrez sur le projet de loi de finances, plusieurs scénarios étaient évoqués. Selon le scénario pessimiste, si la croissance ne se situait pas entre 2 % et 2,5 %, mais était seulement de 1,8 % en 2007 et de 2 % en 2008, c'est-à-dire très exactement la prévision que font tous les conjoncturistes aujourd'hui, alors le déficit des finances publiques pourrait repasser la barre des 3 % du PIB. Je crois que ce risque existe. En effet, non seulement on peut avoir des doutes sur les rentrées fiscales, mais le problème peut se poser de façon plus rapide et plus difficile encore pour les rentrées sociales.
C'est l'État qui est le principal responsable du creusement du déficit des administrations publiques. Or vous reportez la contrainte sur les collectivités locales en leur imposant une sous-indexation des dotations. C'est profondément choquant car, contrairement à l'État, ces collectivités s'endettent pour financer non pas des dépenses courantes, mais seulement leurs investissements, et ce sont elles qui réalisent l'essentiel de l'investissement public. Depuis 2002, l'augmentation de la dette, soit huit points de PIB, a servi, pour près des deux tiers, à financer des dépenses courantes. Il y a aujourd'hui un vrai problème de déficit et d'endettement de la France, dont vous ne prenez pas la mesure dans votre politique économique.
Vous avez évoqué les niches fiscales, monsieur Carrez, en rappelant à juste titre qu'une étude viserait à permettre la création, en France, d'une imposition minimale pour éviter que certaines personnes aux revenus élevés ou détenant d'importants patrimoines puissent échapper complètement à l'impôt en optimisant les niches fiscales. Or j'observe que ce collectif budgétaire en propose encore deux nouvelles avec les articles 18 et 20 ! Ces niches sont un vrai problème.
Le problème de la fiscalité française est double. D'abord, contrairement à la plupart des autres pays, nous avons des impôts proportionnels beaucoup plus importants que l'impôt progressif. L'impôt sur le revenu, le seul qui soit progressif, est très faible. En revanche, nous avons une TVA importante.
Nous avons un autre impôt proportionnel, la CSG, qui, aujourd'hui, représente pratiquement la même charge que l'impôt sur le revenu. Au cours de ces dernières années, cette contribution a été continuellement augmentée pour réduire le déficit des comptes sociaux et empêcher qu'il ne se creuse, alors que, parallèlement, l'impôt sur le revenu était continuellement abaissé. C'est pourquoi toutes les études comparatives montrent qu'en France, aujourd'hui, le système fiscal est trop peu redistributif.
La deuxième particularité de notre système fiscal tient au fait que les taux de prélèvements les plus élevés portent non pas sur les revenus les plus hauts mais sur les plus bas. De ce fait, quelqu'un qui renonce au RMI pour prendre un emploi ne gagne proportionnellement pas grand-chose en retravaillant. C'est pourquoi nous avions créé jadis la prime pour l'emploi et nous sommes, comme vous, favorables au revenu de solidarité active.
Mais si vous aviez réellement voulu augmenter les revenus de manière juste, vous pouviez prendre une mesure très simple. Il suffisait d'augmenter fortement, comme nous vous le proposerons de le faire dans un amendement, la prime pour l'emploi. Vous auriez ainsi accru les revenus de ceux qui travaillent et qui gagnent peu, et vous auriez aussi permis que le travail paie. Par ailleurs, vous auriez également pu, comme nous vous proposerons de le faire par un autre amendement, baisser le taux de TVA.
Comment croire à la cohérence de votre discours ? Vous affichez des priorités dans le projet de loi de finances, mais qu'observe-t-on dans le projet de loi de finances rectificative ? Vous dégagez 197 millions de crédits pour les dispositifs de retraite anticipés, auxquels j'avais pourtant cru comprendre que vous souhaitiez mettre fin. Vous retirez 315 millions d'euros à la politique de la ville et au logement, 216 millions à la recherche et à l'enseignement supérieur – dont vous prétendez pourtant faire, comme nous, une priorité –, 66 millions à la justice et 390 millions aux transports !
Un mot, enfin, sur le développement durable. Vous avez annoncé une petite mesure à son sujet, mais, là encore, nous sommes loin du compte. Certes, me direz-vous, il y a eu le Grenelle de l'environnement, qui se traduira peut-être un jour par des mesures fiscales.