Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Pierre Balligand

Réunion du 17 mars 2009 à 22h00
Accès au crédit des petites et moyennes entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Balligand :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la situation des PME nous concerne tous, sur tous les bancs. Je l'ai dit au nom du groupe socialiste en commission. La raison en est double : d'une part, ces entreprises jouent un rôle majeur dans l'économie puisqu'elles représentent les deux tiers des emplois salariés et plus de la moitié de la valeur ajoutée ; d'autre part, elles sont des acteurs fragiles de l'économie, du fait, entre autres, de leur sous-capitalisation. Or, en période de crise économique, de raréfaction du crédit, il est évident que ces entreprises risquent de chuter plus facilement.

Selon une étude Altares et Deloitte Finance, dont on peut supposer les chiffres sérieux, les défaillances d'entreprises en janvier et février 2009 ont augmenté de 15 % par rapport à la même période en 2008. Les conséquences en termes d'emplois sont énormes. Le médiateur du crédit déclare avoir sauvé près de 60 000 emplois. Ce chiffre doit être rapproché d'un récent sondage pour KPMG et la CGPME, qui indique que la moitié des chefs d'entreprises n'envisageraient pas de faire appel au médiateur du crédit ou d'un tiers de confiance pour régler un problème de financement avec leur banque.

Autrement dit, pour les 60 000 emplois sauvés dont parle M. Ricol, combien d'emplois disparus à cause de difficultés de financement, puisque, précisément, un grand nombre de ces entreprises, selon la CGPME et KPMG, ne font pas appel au médiateur ?

Selon ce même sondage, 67 % des chefs d'entreprises indiquent que la situation économique actuelle a des impacts négatifs sur leurs propres conditions d'accès au crédit auprès de leurs banques, et 48 % déclarent restreindre leurs investissements et leurs demandes auprès de leurs banques en raison de difficultés d'accès au crédit.

Il y a donc un vrai problème de financement des PME par les banques. Il n'est pas possible de prétendre, comme on a pu l'entendre ici ou là, que la baisse ou la croissance modérée des encours de crédit viendrait d'une baisse de la demande des entreprises du fait de leurs anticipations.

En conséquence, le groupe socialiste est attentif à tout texte de loi se proposant de faciliter l'accès des PME au crédit. De fait, cette proposition de loi comporte des mesures qui vont dans le bon sens.

Tout d'abord, elle oblige les banques et les assureurs crédits à expliquer pourquoi ils réduisent ou interrompent leurs concours à durée indéterminée non occasionnels ou leurs garanties.

Deuxièmement, la loi vise à fournir aux entreprises les éléments sur lesquels s'appuient leurs banques pour les noter.

Troisièmement, elle facilite le transfert d'Euronext vers Alternext, pour les raisons qui ont été énoncées tout à l'heure par Chantal Brunel.

Enfin, elle vise à améliorer la connaissance, au niveau macroéconomique, des encours de crédit et de crédit client garantis.

Ces propositions, à l'exception de celles relatives à Alternext, ont pour point commun d'améliorer l'information disponible pour les différents acteurs et vont donc dans le bon sens. Le groupe socialiste se propose de les enrichir, en ne changeant en rien la philosophie du texte.

En premier lieu, il propose d'affiner les données relatives aux encours de crédit. En second lieu, il propose de renforcer – c'est une idée inspirée par Didier Migaud – la connaissance sur les tarifs des produits bancaires destinés aux PME, afin de permettre à celles-ci de faire jouer plus facilement la concurrence.

Cependant, il faut bien constater que la proposition de loi qui nous est présentée, quoique bienvenue, n'aura pas véritablement d'impact direct sur la gestion quotidienne de la grande majorité des PME, en particulier des TPE.

Trois dispositions du texte initial pouvaient pourtant donner l'impression de le faire.

Premièrement, Mme Brunel avait prévu l'inscription dans la loi d'un préavis de soixante jours avant qu'une banque ne réduise ou n'interrompe un concours à durée indéterminée autre qu'occasionnel. Mais, comme elle le reconnaît elle-même dans son rapport, cette disposition existe déjà dans notre droit, à l'article D. 313-14-1 du code monétaire et financier.

Deuxièmement, le texte initial prévoyait l'obligation, pour les sociétés d'assurance vie, d'investir dans des PME 2 % des encours des contrats d'assurance vie investis en actions. Mais, comme l'a constaté, là encore, Mme la rapporteure, cette disposition est contraire aux directives européennes sur les assurances vie et non-vie. Donc, exit !

Troisièmement, la proposition de loi initiale prévoyait la création d'un prêt d'Oséo destiné aux entreprises entre deux et cinq ans. Cependant, comme nous l'a dit tout à l'heure M. le secrétaire d'État, une telle mesure relève du pouvoir réglementaire, et non du domaine de la loi, comme le rappelle l'amendement de suppression de l'article 6 déposé par le Gouvernement.

Cette dernière mesure posait également un autre problème : pour être autre chose qu'un voeu pieux, elle devait être financée à hauteur de plusieurs centaines de millions d'euros, Mme la rapporteure évoquant le chiffre de 330 millions d'euros. Même s'il va probablement disparaître, cet article fournit donc l'occasion d'interroger le Gouvernement – je ne veux pas dire par là qu'il est sourd, mais il me semble qu'il est important de nous faire entendre à ce propos – sur le niveau exact des fonds qu'il entend accorder à Oséo, d'autant que cette entité ne saurait bénéficier de prêts supplémentaires des fonds d'épargne générés par la Caisse des dépôts et consignations, qui ont déjà été très fortement sollicités depuis le déclenchement de la phase aiguë de la crise. Je n'ai pas besoin de dire ici, moi qui siège depuis dix ans à la Commission de surveillance, présidée par notre collègue Michel Bouvard, que la Caisse des dépôts a été tellement sollicitée qu'elle est obligée, pour la première fois de son histoire, de faire apparaître dans ses comptes des résultats plus que difficiles. Je ne pense donc pas que l'on puisse aller plus loin dans ce domaine.

Notre rapporteure déplore, dans son rapport, que « les financements d'aide à l'innovation aient été réduits par rapport à l'année 2008, passant de 800 à 500 millions d'euros pour 2009 ». Comme elle le dit elle-même, « l'innovation doit plus que jamais être soutenue en cette période de crise afin de maintenir les actions de recherche et développement des entreprises subissant une baisse d'activité conjoncturelle et permettre de préparer ainsi la période de “ sortie de crise ”, avec la perspective de nouveaux investissements ou de nouveaux projets. Il conviendrait de rétablir un montant de 800 millions d'euros de crédits d'intervention pour l'activité soutien à l'innovation d'Oséo. »

Nous partageons, nous députés socialistes, cette orientation. Et nous souhaiterions savoir si c'est aussi celle du Gouvernement, c'est-à-dire, premièrement, s'il a l'intention de rétablir les 300 millions d'euros de crédits d'intervention d'Oséo pour le soutien à l'innovation qu'il a supprimés, et deuxièmement, puisqu'il s'agit d'une question différente, s'il a l'intention de créer un prêt comparable à celui figurant à l'article 6, et d'augmenter en conséquence – a priori, d'au moins 300 millions d'euros – les ressources d'Oséo.

Le droit communautaire ou la protection du pouvoir du Gouvernement pourraient laisser croire que le législateur n'a pas la capacité d'influer directement et favorablement sur la gestion quotidienne des entreprises, notamment des PME, pour les aider à affronter la crise économique.

Ce n'est pas notre conception. C'est pourquoi, outre les amendements déjà évoqués plus hauts, notamment ceux visant à mieux connaître les tarifs pratiqués par les banques en matière de produits destinés aux PME, les députés socialistes ont présenté plusieurs amendements, dont certains ont été adoptés en commission des finances.

Nous proposons, tout d'abord, l'encadrement de la pratique des dates de valeur, pour limiter à une journée l'écart entre la date de valeur et la date d'opération. Cet amendement fait l'objet d'un sous-amendement de Mme la rapporteure, qui suggère une rédaction un peu différente. Mais nous sommes d'accord sur le fond.

Deuxièmement, nous proposons d'inscrire dans la loi la possibilité, pour certaines entreprises en difficulté, de reporter le remboursement de leurs dettes fiscales et sociales, moyennant un intérêt de 5 %. Cet amendement n'a pas été adopté par la commission, mais je pense que nous serons bien obligés d'adopter en la matière un dispositif en faveur des PME.

Troisièmement, nous proposons le rétablissement d'un taux d'usure pour les entreprises, sur lequel le débat doit à notre sens être rouvert, compte tenu du coût parfois exorbitant de certains crédits. Nous en parlerons tout à l'heure. Cet amendement vise plus, monsieur le secrétaire d'État, à nous donner l'occasion de parler du taux d'usure. J'ai relu le compte rendu des débats que nous avons eus il y a quelques années. Vous étiez à l'époque président de la commission spéciale. Ce n'est pas un sujet facile. Quand je vois ce qui s'est dit à l'époque et la réalité d'aujourd'hui, avec parfois des découverts bancaires à 17 % pour les PME, cela me semble appeler un débat. Il ne s'agit pas nécessairement de remettre le droit d'usure en place, mais au moins d'assurer des taux corrects. Il faut un peu contraindre les banques pour cela.

Enfin, nous proposons l'instauration d'une sanction pour les banques qui ne respectent pas l'obligation, prévue par la loi, de prêter aux PME les sommes du livret A et du livret de développement durable dont elles ont la gestion. C'est tout le problème du financement des PME. Je vais redire ici brutalement ce que j'avais dit – avec un certain nombre de mes collègues – au moment de la banalisation du livret A. S'il s'agit, monsieur le secrétaire d'État, d'aboutir pour le livret A au même traitement par les banques que pour le livret de développement durable, c'est se moquer du monde.

L'exemple des 16,5 milliards d'épargne réglementée confiée aux banques pour financer les PME en octobre dernier le montre bien : entre septembre et décembre 2008, l'encours des crédits aux PME a, selon les chiffres de l'observatoire du crédit, augmenté de 300 millions seulement, soit 2 % des sommes collectées !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion