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Intervention de Jean-Claude Sandrier

Réunion du 17 mars 2009 à 22h00
Accès au crédit des petites et moyennes entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Sandrier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, chers collègues, constatant les difficultés récurrentes des petites et moyennes entreprises dans leurs relations avec les établissements bancaires, nous pourrions accueillir favorablement une proposition de loi visant à favoriser l'accès des PME au crédit.

Nous serions même tentés de dire que le dépôt par nos collègues de la majorité de ce texte retentit comme un aveu, celui sinon de l'échec de la politique gouvernementale, du moins de l'insuffisance des moyens proposés dans le cadre de la mise en place du plan de soutien opérationnel, doté de 22 milliards d'euros de financement auxquels vient s'ajouter la part, qui reviendra aux entreprises de notre pays, des quelque 30 milliards d'euros accordés par la Banque européenne d'investissement à l'ensemble des pays de l'Union.

Cela fait, pour notre part, plusieurs années que nous dénonçons l'insuffisance du soutien apporté par le Gouvernement aux petites et moyennes entreprises. En effet, les difficultés qu'elles rencontrent dans leurs relations avec les établissements bancaires ne datent pas d'aujourd'hui : elles ne sont pas nées subitement avec la crise financière !

Lorsque nous affirmons que rien de sérieux n'a été fait, c'est que votre majorité n'a jamais souhaité oeuvrer dans le sens d'une plus grande responsabilisation des banques, bien au contraire. La majorité n'a rien fait non plus contre les pressions exercées par les donneurs d'ordres sur les PME, pressions qui vont souvent jusqu'à les étrangler.

Le fait que la priorité accordée par le Gouvernement au sauvetage des banques ait primé sur toute autre considération en porte du reste un terrible témoignage. Le Président de la République et le Gouvernement nous ont expliqué que ce plan de 360 milliards d'euros allait permettre de sauver notre système bancaire et par voie de conséquence de relancer l'économie. Force est pourtant de constater que les quelque 28,6 milliards d'euros que l'État a déjà mis à la disposition des banques sous forme de prêts, sans compter les 10,5 milliards d'euros accordés sous forme de fonds propres remboursables, n'ont en rien permis de soutenir notre économie. La raison en est simple : les établissements bancaires ont utilisé cet argent pour reconstituer leurs fonds propres.

Comment pourrait-il en être autrement puisque le Gouvernement n'a réclamé des banques aucune contrepartie en termes de soutien au tissu économique ? C'est d'ailleurs la raison pour laquelle des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent pour demander de passer par-dessus les banques afin que l'argent public serve directement à financer l'économie, en particulier les PME.

Mme Lagarde répète que l'argent prêté aux banques ne coûtera pas un centime aux Français et permettra même à l'État de toucher quelque 1,4 milliard d'intérêt. D'une part, ce chiffre est faux, puisque le Gouvernement oublie de rappeler que, pour prêter aux banques, l'État s'endette lui-même et devra donc payer des intérêts qu'il faudrait, en toute honnêteté, déduire du fameux 1,4 milliard. D'autre part, et surtout, l'enjeu du sauvetage du système bancaire était tout autre. Il aurait dû, en effet, s'accompagner de la signature de conventions en bonne et due forme entre l'État et les établissements bancaires, signature assortie, de la part de ces derniers, d'engagements fermes en termes notamment d'accès au crédit des petites et moyennes entreprises – sujet qui nous réunit ce soir.

Vous avez préféré laisser les banques disposer librement de cet argent, si bien que nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation particulièrement scandaleuse, puisque nous apprenons que la BNP, par exemple, à laquelle l'État est venu en aide, reversera cette année près du tiers de ses bénéfices à ses actionnaires ! Quel bénéfice en tireront nos entreprises ou nos concitoyens menacés de perdre leur emploi ? Aucun.

Nous avions proposé, dès novembre, lors de notre rencontre avec le Président de la République, deux mesures alternatives au plan de sauvetage.

La première consistait à consacrer l'essentiel des 360 milliards d'euros que l'État mettait sur la table à la garantie, non pas du système bancaire, mais des prêts accordés aux entreprises, comme des prêts immobiliers des particuliers, sous condition de ressources. Du reste, nous nous félicitons que des économistes aujourd'hui, notamment aux États-Unis, en viennent à cette idée de bon sens. Cette mesure aurait eu pour avantage d'exercer un effet de levier direct sur l'économie nationale, tout en sécurisant les parties au contrat.

La seconde mesure visait à pallier la fermeture de l'accès au crédit par la constitution d'un pôle financier public autour de l'État et d'acteurs tels que la Caisse des dépôts, la Caisse d'Épargne ou la Banque postale – la liste n'est pas exhaustive –, pôle susceptible d'accorder des prêts bonifiés aux entreprises qui en feraient la demande, en contrepartie d'engagements fermes de leur part, notamment en termes de maintien de l'emploi et d'accès à la formation.

Vous n'avez pas souhaité donner suite à ces propositions, ni même les envisager sérieusement. Vous vous enfermez ainsi dans une stratégie de l'échec : c'est dommage.

L'examen de ces propositions serait d'autant plus utile que le texte que vous nous proposez aujourd'hui, chers collègues, s'il est plein de bonnes intentions, ne prévoit toutefois presque aucune mesure contraignante permettant de favoriser l'accès des PME au crédit. Quant aux amendements votés en commission, ils ne modifient pas fondamentalement une proposition de loi caractérisée par sa faiblesse.

Que proposent en effet les six articles de votre texte ?

L'article 1er vise à modifier le code monétaire et financier, afin que les interruptions de concours qu'un établissement de crédit consent à une PME soient soumises à un préavis de soixante jours et à une notification écrite. Fort bien ! Mais il ne s'agit là que d'une simple mesure d'information dont l'utilité restera réduite.

L'article 2 dispose que les établissements de crédit devront communiquer annuellement la notation des PME qui sollicitent un crédit et fournir une explication écrite. En cas de refus ou d'explication insuffisante, l'entreprise pourra saisir la Banque de France ou un médiateur. Et alors ? Qu'est-ce que cela changera puisque l'une comme l'autre, loin de disposer d'un pouvoir de sanction, ne disposeront même pas de pouvoirs d'injonction à l'égard des établissements bancaires. On voit mal, dans ces conditions, ce que les entreprises pourront attendre de ce pouvoir de saisine qui ne vise du reste que la contestation de la seule notation dont l'entreprise fait l'objet. Il ne s'agit donc, malheureusement, que d'un gadget législatif.

L'article 3 vise à obliger les compagnies d'assurance à investir au moins 2 % des encours des cotisations d'assurance-vie dans le capital des PME. Il s'agit peut-être là de la seule disposition un peu contraignante de la proposition de loi, mais, apparemment du moins – nous le verrons au moment de son examen –, elle n'a pas été retenue en commission alors qu'elle correspond à des engagements déjà largement actés par les compagnies en question. Cela démontre que, chaque fois que le Gouvernement se vante, ici, d'avoir obtenu tel ou tel engagement ou telle ou telle garantie de la part des banques – il en est de même avec les constructeurs automobiles –, cela ne correspond malheureusement le plus souvent à rien de réel, de sérieux ou de fiable.

Les articles 4 et 5 ont pour objet, d'une part de rendre obligatoire la publication par les établissements bancaires d'un rapport mensuel sur les montants des financements accordés aux PME – mesure que nous approuvons –, et d'autre part de publier chaque année la part et le volume des encours de crédit accordés. Toutefois, disons-le franchement, cette mesure n'engage à rien sur la question des crédits à accorder.

L'article 6, enfin, crée un prêt jeunes entreprises de deux à cinq ans sous l'égide d'Oséo pour des crédits de faible montant – 50 000 euros maximum –, prêt qui peut être assorti d'une garantie SOFARIS à 70 %. C'est une mesure utile, sans doute, mais étendez-la au moins à dix ans, faute d'accepter une mesure plus ambitieuse, que nous vous proposons de nouveau, visant à conduire une politique nationale du crédit.

En l'absence de toute politique tendant à responsabiliser davantage les établissements bancaires, ils continueront demain de vampiriser, avec votre bénédiction, l'économie au seul bénéfice des acteurs financiers. C'est à cette situation qu'il devient aujourd'hui urgent de remédier. Tant que votre majorité se refusera à admettre que les établissements bancaires doivent impérativement cesser d'être une pompe à finances visant à générer une richesse artificielle qui parasite l'économie réelle, pour devenir les véritables acteurs d'un développement économique pérenne, au service de l'intérêt général, les mesures telles que celles que vous nous proposez aujourd'hui et qui, probablement, ne sont pas malintentionnées, demeureront inefficaces, car elles ne permettent pas de répondre à l'enjeu majeur que constitue l'accès des PME au crédit, non seulement en termes de consolidation de leurs fonds propres mais également en termes de développement de la recherche et de la formation. En effet, la vraie richesse – le moment de le rappeler est vraiment opportun – n'est pas dans le taux de rentabilité de l'argent, la hauteur des dividendes ou la satisfaction de la finance, mais dans le travail, c'est-à-dire les capacités des hommes et des femmes et la rémunération de ces capacités.

Nous ne pourrons donc pas approuver votre texte en l'état,…

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