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Intervention de Jacqueline Fraysse

Réunion du 15 avril 2008 à 9h30
Combattre l'incitation à l'anorexie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

Il s'agit en effet de modifier les conceptions dominantes de la beauté, qui conduisent à une maigreur excessive, et, par là, d'en réduire les conséquences sur les comportements des jeunes. Cette démarche paraît donc intéressante, à condition – et c'est là mon souci – qu'elle s'inscrive dans un ensemble beaucoup plus large de dispositions, notamment en matière de santé publique et d'éducation à la santé ; ce n'est hélas pas le cas.

Nous sommes donc pour le moins réservés sur le contenu du texte. D'abord parce qu'il est réducteur face à l'ampleur et à la complexité du problème – voire hors sujet, je l'ai dit –, ensuite parce que nous doutons de son utilité. En effet, l'article 223-14 du code pénal prévoit déjà que « la propagande ou la publicité, quel qu'en soit le mode, en faveur de produits, d'objets ou de méthodes préconisés comme moyens de se donner la mort est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ». Cet article a été adopté après la sortie du livre intitulé Suicide, mode d'emploi. Si la loi ne fait pas référence expressément à l'anorexie, il semble inutile de préciser que « l'incitation à ne plus se nourrir » entre dans son champ d'application.

Il nous paraît tout aussi inutile, voire exagéré, de créer ce qu'il est convenu d'appeler un nouveau délit à chaque exemple que nous rencontrons d'incitation dangereuse pour la santé. Pourquoi, en effet, ne pas créer également un délit « d'incitation à la boulimie », qui pourrait s'appliquer au mouvement « pro-mia », le pendant du mouvement « pro-ana », ou bien aux feeders, ces psychopathes qui exercent une domination psychologique sur leurs femmes, les obligeant à des excès alimentaires à l'origine d'une obésité pouvant altérer gravement leur santé voire entraîner leur mort ? Tout cela ne nous semble pas sérieux, d'autant que l'article 121-3 du même code prévoit déjà la possibilité de sanctionner une personne pour « mise en danger délibérée de la personne d'autrui », que ce soit de manière directe ou non. Par conséquent, nous pensons que les moyens juridiques de lutte contre ces incitations dangereuses existent déjà.

Nous nous interrogeons par ailleurs sur l'applicabilité du présent texte, donc sur son efficacité. Sur le fond, nous sommes préoccupés par le flou, en droit, de la notion de « maigreur excessive », et par la quasi-impossibilité de prouver que l'encouragement à des restrictions alimentaires, de la part de tel site internet ou de tel média, a pu avoir pour effet « de l'exposer à un danger de mort ou de compromettre directement sa santé ». Comment les juges pourront-ils statuer sur de telles situations ?

Que l'on intervienne pour empêcher les sites faisant ouvertement l'apologie de l'anorexie tels que ceux qui diffusent les idées du mouvement « pro-ana », me paraît légitime, mais réduire l'action contre un phénomène aussi complexe à la mise en place de sanctions supplémentaires me paraît tout à fait illusoire. C'est en effet facile, cela donne bonne conscience et, surtout, cela coûte moins cher que de payer des professeurs ou des intervenants extérieurs pour enseigner la nutrition aux enfants et aux jeunes, que de former et de rémunérer des médecins pour suivre les adolescents qui en ont besoin, que de traiter enfin les maladies psychiatriques.

Vous présentez ce texte au moment où vous réduisez partout l'accès aux soins, en fermant des lieux de santé de proximité, en mettant en place des franchises inaccessibles aux moins fortunés, donc aux jeunes. Vous nous présentez ce texte alors que vous vous apprêtez à supprimer 11 000 postes de fonctionnaires, personnels enseignants et encadrants, dans l'éducation nationale. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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