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Intervention de Pascale Gruny

Réunion du 15 avril 2008 à 9h30
Combattre l'incitation à l'anorexie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Gruny :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, c'est avec une réelle motivation que je participe à l'élaboration de cette loi, car je souhaite profondément que nous inaugurions une nouvelle démarche, plus active, plus percutante et plus préventive face aux dangers que représente l'anorexie pour notre société.

Cette maladie – car il s'agit d'une maladie, d'une pathologie grave et invalidante – touche aujourd'hui 30 000 à 40 000 personnes en France. L'anorexie mentale se manifeste par une volonté irrépressible de maigrir et une incapacité à voir son corps tel qu'il est. Le taux de mortalité serait l'un des plus importants parmi les troubles psychiatriques : 5 % de décès par dénutrition après dix ans d'évolution, et un risque de décéder par suicide multiplié par 22. Le traitement de ces troubles est long et difficile, et comme c'est une maladie qui touche surtout des personnes jeunes, de 17-18 ans, elle entraîne de lourdes difficultés scolaires et sociales.

Depuis longtemps conscients de ces dangers, les pouvoirs publics ont mis en place des politiques de prévention, de soutien et de prise en charge médico-sociale. Je me réjouis que nous soyons de plus en plus capables de soigner cette maladie, mais j'apprécie que, désormais, nous travaillions aussi à ce qu'il y ait de moins en moins de malades.

Avec la signature de la Charte d'engagement volontaire sur l'image du corps et contre l'anorexie, qui avait été commandée en janvier 2007 par votre prédécesseur, Xavier Bertrand, et qui vient de vous être remise, madame la ministre, une première étape proactive vient d'être franchie. En réunissant les principaux acteurs pouvant influencer l'image du corps dans notre société, vous avez privilégié une approche globale de la prévention de l'anorexie. La proposition de loi de Valérie Boyer complète les engagements de cette charte par un volet répressif qui, jusqu'alors, n'existait pas. En nous attaquant, de manière volontaire, à un déclencheur identifié de la maladie, nous espérons faire disparaître un des « hameçons » qui attirent les jeunes filles dans la spirale infernale de l'anorexie.

Évoquant les sites Internet les plus directement visés par sa proposition de loi, les sites « pro-ana », Valérie Boyer parle de « pratiques à la limite de la manipulation mentale » et de « dérives sectaires ». C'est bien ce que j'ai ressenti en les visitant moi-même – car il est on ne peut plus simple d'y avoir accès. En deux clics, vous êtes devant des recettes miracles à base de quarts de pomme et de litres d'eau, ou devant les « Dix commandements » de l'anorexique : « Tu ne peux jamais être trop mince », « Tu ne mangeras point de nourriture calorique sans te punir après coup »… Il apparaît vite que les jeunes filles qui se rendent sur ces sites envisagent leur trouble alimentaire comme un choix de vie et se confortent mutuellement dans cette idée. Quoi de plus dangereux qu'être malade et nier sa maladie, en y étant incité par des personnes extérieures, inconnues et manipulatrices ?

C'est pourquoi je trouve le format juridique choisi particulièrement adéquat. Quand on entend : « Être mince est plus important qu'être en bonne santé », on est face à une pratique en tout point analogue à la mise en danger d'autrui et à la provocation au suicide. L'échelle des peines, qui va de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende, en cas d'infraction simple, à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende si la recherche de la maigreur excessive a entraîné la mort, apparaît donc cohérente eu égard à la gravité des actes commis, la mise en danger de la vie d'autrui et la provocation au suicide étant punissables respectivement d'un an et de trois à cinq ans d'emprisonnement. La rédaction de l'article unique permet en outre de s'attaquer, au-delà d'Internet, aux délits commis via la presse écrite ou audiovisuelle, la détermination des personnes responsables suivant les mêmes règles qu'en cas de provocation au suicide – leur responsabilité est à mon sens bien plus grave, car les auteurs jouent de la détresse des victimes. Le champ ainsi couvert est assez large pour permettre de lutter efficacement contre toutes les forces d'incitation à l'anorexie et de mieux protéger la santé des plus faibles.

Mais les débats que nous consacrons depuis longtemps à cette maladie et qui se poursuivent avec le présent texte nous ont aussi permis d'ouvrir d'autres portes, d'envisager d'autres solutions. Mme Roselyne Bachelot a, je le sais, entendu nos préoccupations, et je lui fais toute confiance pour prendre des engagements forts et donner suite à nos propositions en empruntant les voies qui sont celles de son ministère. La voie pénale, nouveauté dans le domaine de la lutte contre l'anorexie, doit en effet faire partie d'une politique de santé publique plus globale et ambitieuse.

Le professeur Marcel Rufo parle de chercher d'autres solutions pour aider les adolescents à apprivoiser leur appétit de vivre et retrouver un autre rapport au monde. Pour ma part, je souhaite vivement que soient mises en application toutes les bonnes idées issues de la réflexion collective, comme des campagnes d'information et de prévention à grande échelle ou des mesures spécifiques à l'intention des mannequins, public particulièrement menacé par cette maladie. Je soutiens aussi la création de structures adaptées aux troubles du comportement alimentaire, en mettant tout particulièrement l'accent sur le soutien aux familles. Sa capacité à détruire l'équilibre familial est en effet une autre caractéristique de la maladie : les anorexiques prétendent ne pas avoir besoin d'aide, alors que tout leur comportement est source de préoccupations ; plus elles rejettent la sollicitude des autres, plus elles les inquiètent et les laissent désemparés. Si elles ne sont pas nécessairement dans le refus de vivre, l'idée de mort plane autour d'elles – et il n'est pas de situation plus angoissante pour des parents que de se sentir impuissant à éviter le pire. Il est important, à mes yeux, de cesser de rendre l'entourage responsable des événements, afin qu'il puisse jouer un rôle actif dans le processus de guérison et que la vie de famille ne tourne pas autour de la seule maladie.

Je réitère ma confiance et mon soutien à Mme Bachelot pour améliorer l'offre de prise en charge médicale et psychologique. Il me semble ainsi tout à fait opportun de mettre l'accent sur les aspects médicaux du dépistage, en intégrant dans les études de médecine l'enseignement de la prise en charge des troubles du comportement alimentaire et en systématisant le dépistage lors des visites médicales scolaires et universitaires.

Avec cette proposition de loi, qui pénalise les incitations à la recherche d'une maigreur extrême et les comportements allant à l'encontre d'une saine image du corps, mais aussi avec la Charte d'engagement volontaire sur l'image du corps et contre l'anorexie ainsi que toutes les autres pistes issues de nos débats, nous inaugurons une démarche nouvelle, qui vise à ce que notre société évolue vers une meilleure acceptation de la diversité corporelle. Je me félicite de cette avancée et resterai attentive au suivi des engagements pris, ainsi qu'à la mise en place des nouvelles mesures. Bien entendu, je voterai, avec l'ensemble du groupe de l'UMP, cette excellente proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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