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Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 14 octobre 2008 à 9h30
Simplification du droit — Article 4, amendement 41

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Vidalies :

Cet article a ceci d'original que, dans le cadre d'un texte sur la simplification du droit, il nous conduit à voter une mesure inconstitutionnelle.

Il s'agit en effet de modifier la loi sur l'indivision, pour permettre de faire procéder à la vente d'un bien indivis, non plus à l'unanimité mais à la majorité des deux tiers, nonobstant l'opposition des autres indivisaires. C'est une idée récurrente. Elle a déjà été abordée dans le cadre de la loi sur les successions, mais rejetée par le rapporteur du texte ; elle a motivé en outre plusieurs questions au Gouvernement, qui a toujours répondu par la négative ; elle a enfin fait l'objet d'une proposition de loi qui, lorsque j'avais formulé les observations que je réitère aujourd'hui, a été retirée de l'ordre du jour, la perspective de la saisine du Conseil constitutionnel ayant modéré les ardeurs de ses promoteurs. On y revient aujourd'hui, sous couvert d'une simplification du droit, ce qui n'empêche pas le problème de rester entier.

En février 2006, Sébastien Huyghe indiquait, dans son rapport sur le projet ayant abouti à la loi du 23 juin 2006 sur les successions, qu'une telle proposition était irrecevable : « En effet, la vente contre l'avis d'un indivisaire, potentiellement assimilable à une expropriation, constituerait une atteinte au droit de propriété, droit constitutionnel. »

Saisi de la même demande, M. de Richemont, dans son rapport du Sénat sur le même texte, répond à son tour : « En effet, la vente contre l'avis d'un indivisaire pourrait être assimilée à une expropriation pour cause d'utilité privée, encore jamais admise dans notre droit. »

M. François-Xavier Villain enfin a posé le 23 janvier 2007 une question écrite au Gouvernement, portant sur l'opportunité de mettre en place la mesure qu'on nous propose de voter aujourd'hui. Voici la réponse faite par Mme la garde des sceaux le 8 mai 2007 et publiée au Journal officiel : « En vertu de l'article 815 du code civil, le maintien de la règle de l'unanimité pour tout acte de vente des biens indivis autres que la vente des meubles indivis pour payer les dettes et les charges de l'indivision ne peut empêcher le règlement des successions. Cet assouplissement de la règle de l'unanimité dans le droit de l'indivision constitue un apport essentiel de nature à faciliter et à simplifier la gestion des successions. Toutefois, il n'a pas été jugé possible d'étendre la règle de la majorité des deux tiers des droits indivis, compte tenu de l'atteinte au droit de propriété qui en serait alors résulté. »

On veut donc nous faire voter en catimini ce matin, avec l'accord du Gouvernement, une mesure que celui-ci a lui-même considérée comme une atteinte au droit constitutionnel. Mieux vaudrait dans ces conditions supprimer cet article et s'en tenir aux éléments intéressants de cette proposition de loi.

J'ajoute que si une telle mesure revient de manière récurrente en discussion, ce n'est pas pour empêcher de pauvres gens de rester toute leur vie dans l'indivision – ce qui ne se produit jamais –, mais parce qu'il s'agit d'une procédure qui se règle devant les tribunaux et que d'aucuns pensent – peut-être à raison, mais encore faudrait-il mettre ce genre d'arguments en avant – qu'il serait plus simple d'en charger les notaires.

Cette déjudiciarisation contente les notaires mais aussi le Gouvernement, qui veut diminuer le nombre de magistrats et a déjà, pour cela, réformé la procédure de changement de régime matrimonial. Mais l'Assemblée nationale n'est pas une chambre d'enregistrement dédiée à la seule satisfaction des intérêts de telle ou telle profession, et vous ne m'empêcherez pas de dire qu'on ne peut, comme vous le faites, porter atteinte au droit de propriété, qui est un droit constitutionnel.

Je vous renvoie non pas à mes arguments, qu'en général vous n'écoutez pas, mais aux vôtres, qui devraient vous convaincre de supprimer cet article. Si tel n'était pas le cas, nous prendrions les initiatives nécessaires pour infliger à votre proposition une sanction constitutionnelle.

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