Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, il est loin le temps où ceux qui se préoccupaient d'environnement passaient, aux yeux des décideurs publics et de l'opinion publique, pour des idéalistes, voire de dangereux rêveurs
Aujourd'hui, tous les secteurs de l'opinion, tous les décideurs et les forces politiques de notre pays ont été progressivement convaincus et ont intégré le souci de la protection de l'environnement face aux progrès de la science, longuement évoqués par M. Dionis du Séjour, qui démontrent l'irréversibilité de ce que nous imposons à notre planète ainsi que les dangers pour notre avenir et celui de nos enfants.
Nos compatriotes comprennent la nécessité du changement des comportements pour sauvegarder l'environnement. Ils attendent le changement, mais souhaitent tout aussi fortement, comme toujours en France, que cela ne perturbe pas leurs habitudes, que cela ne leur coûte pas cher, que l'on adopte une manière douce – light, si j'ose dire. Dès le début de la mise en oeuvre d'une politique globale, je voulais appeler votre attention, monsieur le ministre, et celle de la représentation nationale, sur cette difficulté. Oui, ils veulent le changement, mais ils ne veulent pas qu'on touche à leurs habitudes.
Le Grenelle de l'environnement a déjà eu le mérite d'avoir suscité des débats dans les médias sur des points qui intéressent nos concitoyens. Il faudra que le Gouvernement réfléchisse à la façon de prolonger ces échanges. Vous savez en effet que, en matière d'information, un clou chasse l'autre. Lorsque nos débats seront achevés, les Français se préoccuperont d'autres sujets. Or les politiques publiques visant à la protection de l'environnement nécessitent un effort constant et durable, tant les résultats constatés sont lents. Cela nécessitera de pratiquer également une politique d'information dans les lycées.
Cela entraînera, contrairement à ce que l'on peut entendre ici ou là, des contraintes pour nous tous, pour notre vie collective. Je ne crois pas un instant que des politiques environnementales satisfaisantes et efficaces pourront être conduites et nous permettre de remplir les objectifs que nous nous sommes fixés, notamment par le biais de la Communauté européenne, de façon légère, plaisante et agréable.
Cela ne signifie pas que la politique de protection de l'environnement doit devenir pour tout le monde une sorte de grande punition collective. Loin s'en faut ! Si l'on traite ainsi le problème, cela échouera, car les mesures seront rejetées. En revanche, il ne faut pas laisser croire à nos concitoyens que cela ne coûtera rien, que cela ne changera rien et que cela ne sera pas un peu désagréable et impopulaire.
Le Grenelle de l'environnement, c'est la conférence des parties prenantes Elle permet de se réunir, de discuter, d'aboutir à des consensus, de constater des divergences. Il appartiendra ensuite à l'Assemblée nationale, comme vous l'avez dit, de trancher – c'est aussi notre rôle –, ce qui exigera parfois du courage.
Je souhaite traiter de ce qui semble être le manque de stratégie du Grenelle de l'environnement. J'ai lu, jeudi dernier, les conclusions, qui ressemblent un peu à un catalogue de mesures nécessaires, utiles, pour la plupart consensuelles.
Si l'on a bien vu ce qui peut être fait ponctuellement, individuellement, collectivement, je ne trouve pas, monsieur le président de la commission des affaires économiques, une ébauche de stratégie pour que cela ne soit pas une punition.
Il faut que nous relevions le défi et que, loin d'envisager les mesures nécessaires comme une punition, nous les considérions comme une chance. Nous en sommes capables sur tous les bancs de notre assemblée. M. Jean Dionis du Séjour faisait remarquer tout à l'heure que nos industries, nos entreprises étaient malheureusement très rares dans le domaine de l'environnement par rapport à nos voisins étrangers. Le défi sera de se doter de stratégies industrielles dont la France ne dispose pas aujourd'hui.
Nos efforts de recherche ne sont pas suffisamment coordonnés avec les universités. Nos capacités de développer des filières nouvelles, des emplois nouveaux, valorisants, des richesses nouvelles pour notre pays devraient être à la première place dans la volonté nationale de progresser dans la défense et la protection de l'environnement, mais aussi dans la performance économique et dans le développement d'emplois.
Il ne s'agit pas d'être un Père fouettard, mais nous pouvons faire naître, grâce à ce véritable moteur de croissance, une nouvelle économie, au même titre que les diverses révolutions industrielles ou la révolution du multimédia que nous avons connues.
La France est en retard et elle aura besoin de l'État. Notre pays, heureusement, ou malheureusement, que l'on s'en satisfasse ou qu'on le déplore, a toujours besoin que l'État fixe un certain nombre de stratégies, afin que les acteurs se rassemblent.
Je citerai l'exemple de l'industrie automobile française, qui est caractéristique de cette absence de stratégie. Vous en avez appelé tout à l'heure aux comportements vertueux des citoyens, « éco-responsables », comme on peut lire dans les gazettes. Pourquoi un citoyen français qui veut acquérir un véhicule un peu moins polluant doit se tourner vers des marques étrangères ? Y a- t-il des véhicules produits par nos deux ou trois grandes entreprises françaises d'automobiles qui soient à propulsion hybride, moitié électricité, moitié carburant fossile ? Y a-t-il des prototypes français de voitures à hydrogène ? Pourtant, il en existe au Japon et aux États-Unis. J'entendais un des grands responsables d'une de ces sociétés expliquer, il y a quelque temps, que son entreprise avait l'ambition d'être la plus écologique d'Europe, sous prétexte qu'elle avait développé le système start and go – pardonnez-moi pour cet anglicisme. Quel effort ! Quelle recherche ! Cela mériterait réflexion, non par volonté de stigmatisation, mais pour que l'État ait un effet d'entraînement.
Où en est la réflexion sur la production d'hydrogène ? On sait qu'il s'agit à la fois d'une énergie propre, renouvelable, dont nous aurons grand besoin et qui se développera au cours des futures décennies.
Voilà quelques exemples de cette absence de stratégie. Bien évidemment, les parties prenantes n'étaient pas là pour cela. Je souhaite que le Gouvernement garde ces éléments très présents à l'esprit.
Je ne voudrais pas multiplier les exemples de l'absence de stratégie. Mais la consommation excessive de nos ressources naturelles nous incite à repenser l'aménagement du territoire, nos modes de production, de déplacement, de consommation. Or on ne trouve rien ou presque dans le Grenelle de l'environnement sur la façon d'aménager différemment nos villes et nos campagnes.
Je suis un élu urbain et je me demande pourquoi nous avons concentré dans de grands ensembles toute la population – et le cas de l'Île-de-France n'est malheureusement pas unique –, le travail étant à la périphérie. Pourquoi nos centres-villes ont-ils progressivement perdu bon nombre d'activités économiques là où, justement, le logement est le plus dense, même s'il est aussi le plus cher ? On multiplie de la sorte les transports et les dépenses d'énergie. Il faudrait revoir notre stratégie en la matière si nous voulons réussir.
Je voudrais insister sur deux points : les moyens financiers nécessaires et les moyens juridiques, politiques – parlementaires oserai-je dire – qui sont nécessaires. Nous avions évoqué, il y a quelque temps, la création d'une commission parlementaire pour suivre ces sujets transversaux, mais nous n'en entendons plus parler. J'y reviendrai.
On peut avoir, sur les moyens, un débat idéologique dans lequel les uns seraient partisans de la surtaxation et les autres de la non-dépense. Nous devons être plus pragmatiques. Les moyens nécessaires pour mener les politiques proposées dans les documents de travail manquent et manqueront. Nous devrons donc procéder à des choix.
Il me semble possible de parvenir à un consensus sur la surtaxation de ce qui est polluant et sur la défiscalisation de ce qui est écologiquement propre. Le candidat Nicolas Sarkosy ne disait pas autre chose avant d'être élu Président de la République. Pour lui, il n'était pas logique d'acheter au même prix quelque chose qui pollue et quelque chose qui ne pollue pas.
Nous devons, par le biais de la concurrence, parvenir à un équilibre. Pour nous, qui croyons aux vertus de l'économie de marché, il nous apparaît possible de trouver des ressources. Si, par la taxation, nous pénalisons tout ce qui polluant et si, par l'incitation fiscale, nous favorisons tout ce qui est « propre », nous parviendrons bien plus rapidement à un résultat qu'avec les politiques publiques que nous serions susceptibles de développer.