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Intervention de Lionel Tardy

Réunion du 30 mars 2009 à 21h30
Protection de la création sur internet — Reprise de la discussion, amendement 115

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionel Tardy :

J'estime que les sanctions prononcées par la commission de protection des droits relèveront de la matière pénale, et devrait donc bénéficier des garanties apportées par l'article 6, alinéa 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme implique en effet que les sanctions prononçables par la HADOPI relèvent de la matière pénale. En conséquence, l'intégralité des protections accordées par cet article doivent être appliquées tant dans la phase initiale que dans celle du prononcé des sanctions. Or le texte ne prévoit aucun de ces nécessaires garde-fous. Au contraire, dans la mouture sénatoriale, il est expressément prévu que le contrevenant ne sera pas informé des faits précis qui lui sont reprochés, nous y reviendrons plus tard.

Il est également prévu que des contestations ne pourront être élevées qu'à l'appui d'un recours dirigé contre une décision de sanction. Ainsi, l'internaute se verra sanctionner sans savoir ce qui lui est reproché, donc sans avoir pu préparer une éventuelle défense. Il ne pourra commencer à se défendre qu'une fois la sanction effectivement prononcée. Le renversement est incroyable : il ne sera possible de se défendre qu'une fois prise la décision sur la peine, donc, en creux, sur la culpabilité.

Cet état de fait pose avec une acuité encore accrue la question des recours contre la décision prononçant la sanction. L'instauration de ces recours est prévue par voie décrétale. Néanmoins, le caractère suspensif ou non du recours, le délai pour l'effectuer, les délais pour rendre une décision ne sont pas connus pour le moment. Ces détails sont pourtant fondamentaux en ce qu'ils sont la garantie de l'effectivité des droits reconnus par la CEDH.

Enfin, le mécanisme mis en place a pour objet principal de graduer la riposte à l'encontre des internautes qui se livreraient à des actes de téléchargement illicites. Ce faisant, le législateur a également gradué les garanties procédurales applicables à toute la matière pénale. Or prévoir l'application de l'intégralité des garanties conventionnelles est une nécessité pour que la loi HADOPI n'entraîne pas de multiples condamnations de la France par la Commission européenne des droits de l'homme.

Cependant, et j'en termine, monsieur le président, prévoir l'application de ces garanties est en pratique impossible pour que la loi conserve son efficacité. En effet, les estimations gouvernementales indiquent qu'environ 10 000 courriels d'avertissement par jour seraient envoyés par l'HADOPI. Cela n'est envisageable, comme l'a souligné Mme la ministre, qu'avec un formalisme réduit à sa plus simple expression. Or les garanties du justiciable ne pourront pas être assurées avec un formalisme réduit à peau de chagrin. Donc, par essence, appliquer ce mécanisme conduit à refuser de facto l'ensemble des garanties procédurales aux justiciables de l'HADOPI.

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