Le Parlement a été convoqué en session extraordinaire pour discuter un projet de loi dont nous contestons en grande partie le contenu et même le sérieux. Nous avons déjà eu l'occasion de nous exprimer sur l'article 2, lequel prévoit une mesure qui nous paraît dangereuse. Nous comptons vraiment sur la compréhension de nos collègues de la majorité et sur l'indulgence du président pour nous aider à faire que cette discussion serve à quelque chose.
Mes chers collègues, nous vous proposons de supprimer les articles de loi qui ont instauré le « bouclier fiscal ». Vous connaissez déjà nos arguments, puisque nous avons tenté de les faire valoir à l'été 2007, lors de l'examen de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, instaurant le « paquet fiscal ». Mais il nous semblerait judicieux de reprendre la discussion. Depuis cette date, en effet, les faits ont parlé.
Souvenez-vous que l'instauration du « bouclier fiscal », plafonnant l'impôt sur la fortune à 50 % de l'impôt sur le revenu et de la CSG, venait à la suite d'une disposition du gouvernement Villepin, qui le plafonnait à 60 % du seul impôt sur le revenu. Le nom était le même – dans les deux cas, on parlait d'un « bouclier » –, mais la seconde mesure concernait beaucoup plus de contribuables que la première, et renforçait l'iniquité fondamentale d'un système qui rompt avec le principe selon lequel chacun contribue à l'impôt à raison de ses moyens. Je rappelle que la création de l'impôt sur le revenu, sous la IIIe République, fut votée par le Parlement quand il parut nécessaire à la cohésion nationale que chaque citoyen verse une contribution proportionnelle à ses moyens.
On connaît les deux théories économiques qui s'opposent sur le sujet. Selon la première, on paie, en s'acquittant de l'impôt, un service rendu par l'État. Il n'y a donc aucune raison de lier cet impôt à la proportionnalité. Selon la seconde, généralement défendue sur nos bancs, l'impôt permet aussi de mettre en oeuvre une justice sociale, par le biais de la redistribution. De fait, plus personne n'ose prétendre aujourd'hui qu'un individu qui perçoit un revenu élevé ne le doit qu'à son mérite. Le plus souvent, les hasards de l'histoire, de la naissance, des rencontres ou de la génétique y ont largement contribué. N'imputer la réussite qu'au seul mérite procède d'une vision par trop optimiste, sans rapport avec la réalité.
Mais nous souhaitons ouvrir plus largement le débat avec la majorité. Au-delà, en effet, de la différence de fond qui sépare ces deux théories, il faut également prendre en compte les objectifs du « bouclier fiscal », qui n'ont manifestement pas été atteints. Souvenez-vous que, dans cet hémicycle, Mme Lagarde avait indiqué que son but était de faire revenir ceux qu'un membre du Gouvernement avait appelés les « exilés fiscaux ». Elle se disait prête à nous communiquer les horaires de l'Eurostar, afin que nous allions accueillir ensemble tous les exilés fiscaux londoniens. Aucun d'eux n'est revenu. Dès lors, pourquoi maintenir une mesure qui manque, à l'évidence, un de ses principaux objectifs ?
Par un désir d'avoir raison à tout prix même contre les faits et contre l'expérience, nos collègues de la majorité et plus encore le Gouvernement et le Président de la République en arrivent à des décisions de plus en plus choquantes.
En effet, ceux qui ont bénéficié du bouclier fiscal, et en bénéficieront y compris pour le nouveau prélèvement que vous vous apprêtez à créer – dieu sait qu'en la matière votre créativité a été grande ces derniers mois – devraient, selon vous, être protégés totalement, y compris pour ce qui concerne les franchises médicales, la taxation sur les « 4 x 4 », et pourquoi pas la TVA !
Si l'on veut donc, sinon rétablir les finances de l'État – on en est loin –, tout au moins éviter leur dégradation excessive, il faut récupérer des sommes qui aujourd'hui lui échappent. Cela permettrait, notamment pour le RSA, de trouver un financement à la hauteur des besoins. Adopter nos amendements aujourd'hui faciliterait beaucoup le débat à ce sujet, la semaine prochaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)