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Intervention de Françoise Olivier-Coupeau

Réunion du 23 juillet 2009 à 15h00
Gendarmerie nationale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Olivier-Coupeau :

Il est donc erroné d'expliquer que le passage de la gendarmerie nationale sous la tutelle du ministère de l'intérieur rendrait ce besoin caduc. Soit la gendarmerie nationale est une force armée, et la réquisition doit demeurer. Soit on supprime la réquisition, et l'on remet de facto en cause le caractère militaire de la gendarmerie nationale. Ce point fondamental explique sans doute la gêne de nos collègues sénateurs, qui ont plaidé pour le maintien de la réquisition dans certains cas.

J'ajoute que personne ne peut être dupe, là non plus, des arguments qui avancent la nécessité de simplifier une procédure trop lourde. Jamais la communication n'a été aussi simple que de nos jours. Lorsqu'on connaît les infrastructures de l'État en la matière et lorsqu'on sait que chaque escadron de gendarmerie est doté de ses propres moyens de communication, l'argument de la suppression de la réquisition au profit de l'efficacité opérationnelle ne tient pas. Les causes justes n'ont pas besoin de mauvais prétextes. Or ce prétexte-là est particulièrement désagréable.

J'ai pris bonne note d'un engagement, malheureusement encore un peu vague, sur la conservation d'un formalisme en matière de fixation des missions de maintien de l'ordre, sous forme d'instructions écrites. J'en accepte l'augure, monsieur le ministre. Le formalisme de la réquisition ou l'ordre écrit représentent un avantage dont nous devons avoir conscience. Les militaires le savent bien : la rédaction d'un ordre formalisé oblige le chef à se placer face à lui-même. Il doit exprimer clairement l'« effet final recherché » et s'interroger sur l'adéquation des moyens dont il dispose à l'objectif de la mission. La suppression de tout ordre écrit ouvrirait la porte à bien des choix malheureux.

Par ailleurs, l'ordre écrit rend le subordonné libre, car il fixe le cadre dans lequel celui-ci peut user de sa liberté d'action. L'ordre écrit est un contrat de confiance entre le préfet et le commandant de l'escadron de gendarmerie mobile. Lui seul garantit la légitimité de l'usage de la coercition. C'est en tant qu'acte démocratique qu'il doit être préservé. Il m'a semblé que, in fine, un consensus s'était dégagé parmi les parlementaires en faveur de la conservation des ordres écrits systématiques en matière de maintien de l'ordre. Nous espérons que le ministre des gendarmes ne nous décevra pas.

J'évoquerai maintenant en quelques mots la question du libre choix du service enquêteur par l'autorité judiciaire. La commission mixte paritaire a réintégré dans la loi la faculté offerte au juge d'instruction et au parquet de choisir librement, au sein des formations compétentes de la gendarmerie ou de la police nationale, les officiers de police judiciaire auxquels ils confient des missions. Certains ont pu considérer que cela allait sans dire. Les députés socialistes, quant à eux, considèrent que le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur a au contraire ouvert tout le champ des interrogations possibles. Cette précision est donc utile et même indispensable. Et nous nous en félicitons.

Sur le point de clore un tour d'horizon qui ne se prétend pas exhaustif, je veux dire un mot au sujet de la modification de l'article L. 46 du code électoral. Je rappelle que les députés socialistes, radicaux et citoyens sont par principe favorables à l'éligibilité de tous les militaires. Je ne développerai pas ici les raisons pour lesquelles il nous semble inutile, de nos jours, de maintenir les militaires dans un statut citoyen bâtard, vestige d'une époque – 1872 – où la haute hiérarchie militaire avait des inquiétudes concernant la discipline. Toutefois, j'avoue mal comprendre le soupçon qui pèse sur les réservistes de la gendarmerie nationale détenteurs d'un mandat électif, à qui l'on interdit de servir comme gendarme au sein de leur circonscription d'élection. Certains collègues ont vaguement évoqué d'éventuels conflits d'intérêts. S'il en est ainsi, monsieur le rapporteur, je ne doute pas que vous pourrez indiquer à l'Assemblée combien de réservistes de la gendarmerie, élus et servant au sein de leur circonscription d'élection, ont dû être rappelés à l'ordre ou punis pour s'être livrés à de coupables mélanges des genres. Pour ma part, je ne connais aucun cas et je fais remarquer que la hiérarchie a toute latitude pour affecter un réserviste là où cela lui semble souhaitable. Je ne souscris donc pas à cette forme de stigmatisation a priori de nos collègues élus qui servent au sein de l'Arme.

Enfin, je regrette vivement que la commission mixte paritaire ait souhaité remplacer, à l'article 11, l'expression « dualisme équitable » par « parité globale ». Le fait que l'administration utilise cette dernière expression ne me semble pas une bonne raison pour contraindre le législateur. La notion de « parité globale » me paraît parfaitement imprécise. En revanche, la notion de « dualisme équitable » avait l'immense mérite de consacrer cette notion de dualisme des forces à laquelle nous nous disons tous particulièrement attachés. En commission, et à propos de l'un de nos amendements, Mme Alliot-Marie s'était prononcée en faveur de cette expression. Il est dommage qu'elle n'ait pas été retenue.

En conclusion, monsieur le ministre, tout en me félicitant du travail considérable qu'ont accompli les assemblées, je ne peux que regretter que ce texte soit entaché d'un péché originel : péché de gourmandise qui consiste à faire grossir le ministère de l'intérieur plus que de raison ; péché d'avarice qui toise la gendarmerie de la République à l'aune d'économies virtuelles.

Le Président de la République a repoussé l'idée de fusion entre la gendarmerie nationale et la police, du moins, a-t-il finement ajouté, tant qu'il serait président. Après le Président Sarkozy, me direz-vous, c'est la gauche qui sera aux affaires. Je vous le concède. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

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