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Intervention de Henri de Raincourt

Réunion du 23 juillet 2009 à 15h00
Gendarmerie nationale — Discussion du texte de la commission mixte paritaire

Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, mesdames, messieurs les députés, chacun sait que le ministre de l'intérieur s'est rendu, aux côtés du Premier ministre, ce matin, à Marseille, à la suite de l'incendie qui a ravagé plus de 1 000 hectares de forêts. C'est donc moi qui ai l'honneur, cet après-midi, de représenter le Gouvernement, et de vous dire que le texte qui vous est soumis est d'une grande importance. Il constitue, ni plus ni moins, la première réforme d'ampleur de la gendarmerie nationale depuis plus de deux cents ans.

À l'heure où se joue, dans l'hémicycle, l'histoire comme l'avenir de l'une de nos plus vieilles institutions nationales, permettez-moi, tout d'abord, de réagir sur un fait présent : vous le savez, un attentat à la voiture piégée a visé, hier matin, la gendarmerie de Vescovato, en Haute-Corse. Devant vous, qui représentez la nation, je tiens à condamner avec fermeté cet acte terroriste qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques. Si, heureusement, aucun blessé n'est à déplorer, je rappelle que l'explosion s'est produite à proximité d'une caserne dans laquelle vivent plusieurs familles de gendarmes et alors même que des enfants se trouvaient à l'extérieur des bâtiments. Je saisis donc cette occasion pour rendre un hommage solennel aux militaires de la gendarmerie nationale et à l'ensemble des forces de sécurité intérieure de Corse. (Applaudissements.) Je sais, comme vous, le contexte souvent difficile dans lequel ils exercent leurs missions. Tous ensemble, nous devons leur exprimer notre soutien et notre confiance dans l'action qu'ils mènent au seul service de la paix publique et du respect du droit auxquels aspire, nous le savons, l'immense majorité des habitants de Corse. Il a été demandé que tous les moyens soient mis en oeuvre pour identifier, interpeller et remettre à la justice ceux qui ont fait le choix de la violence.

En outre, je réaffirme toute la détermination de l'État à faire respecter la paix et la sécurité publiques, en Corse comme sur l'ensemble du territoire national.

C'est pour répondre à ce même objectif de protection de nos concitoyens que le ministre de l'intérieur vous a présenté, voilà trois semaines, soit quelques jours seulement après sa prise de fonctions, le projet de loi relatif à la gendarmerie nationale. Je me réjouis de constater combien vous vous l'êtes approprié, combien vous l'avez commenté, combien vous l'avez enrichi. Je pense tout particulièrement aux amendements de vos rapporteurs, et à ceux de Christian Ménard et de Philippe Folliot. Je tiens également à saluer la contribution au débat de Mme Olivier-Coupeau, et plus généralement de l'ensemble de l'opposition.

Après presque huit heures de débats intenses, nous arrivons à présent au point d'orgue de la procédure législative. La commission mixte paritaire a adopté, la semaine dernière, un texte de vingt-sept articles, contre dix initialement. Ce texte est équilibré, vous l'avez dit vous-même, monsieur le rapporteur, et rencontre entièrement l'accord du Gouvernement. Je voudrais en remercier, tout particulièrement, les présidents des commissions de la défense et des lois, M. Teissier et M. Warsmann, ainsi que les deux rapporteurs,M. Alain Moyne-Bressand etM. François Vannson.

Je me réjouis que le texte adopté par la commission mixte paritaire confirme et renforce les objectifs du projet de loi. Vos débats ont montré combien nous sommes unis, tous ensemble, par un même attachement à la gendarmerie nationale. Cet attachement, vous l'avez l'exprimé par vos prises de paroles comme par vos amendements ; à droite comme à gauche, comme au centre, la volonté de pérenniser une institution qui assure avec efficacité et proximité un service public de sécurité fait l'unanimité.

Je tiens à le réaffirmer une nouvelle fois : aucune fusion n'est à l'ordre du jour. L'objectif de cette loi est le maintien de deux forces de sécurité intérieure à statuts différents, comme l'a précisé le Président de la République en novembre 2007 lorsqu'il a lancé ce travail d'intégration de la gendarmerie au ministère de l'intérieur. M. Hortefeux veillera, par conséquent, à ce que le rapprochement soit mis en oeuvre dans le respect de l'identité militaire des gendarmes.

Le ministre de l'intérieur sera également attentif à ce que ce rapprochement se déroule dans un souci d'efficacité : le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l'intérieur doit ouvrir de nouvelles perspectives d'amélioration du service public. Il doit favoriser les synergies, les complémentarités opérationnelles et les mutualisations, notamment dans la fonction de soutien. C'est sa raison d'être.

Vous l'avez compris, la réforme qui vous est proposée aujourd'hui n'est pas une réforme de l'institution. C'est une réforme nécessaire, pragmatique et concrète, qui permettra d'améliorer l'efficacité de notre politique de sécurité et de conforter l'identité de la gendarmerie nationale.

Au-delà de cet accord fondamental, vous avez souhaité enrichir le projet de loi par un travail parlementaire d'une grande qualité, complétant le texte tout en respectant sa cohérence.

Ainsi, vous avez tenu à confirmer la gendarmerie dans ses différentes missions, en particulier celles de défense et de police judiciaire – vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur.

Parallèlement, je me félicite que vous soyez parvenus, dès la première lecture, à un accord avec vos collègues sénateurs sur l'article 3 relatif aux prérogatives du préfet. Le Gouvernement en approuve les termes et le sens profond. Dans la formulation que vous avez retenue, cet article équilibre parfaitement le rôle de direction du préfet en matière de sécurité publique et le respect de la chaîne hiérarchique propre à la gendarmerie en application de son statut militaire.

Pour ce qui est de l'exercice d'un mandat électoral par un réserviste de la gendarmerie nationale, vous avez, là encore, trouvé le bon équilibre. Aucun mélange des genres ne sera donc possible.

De plus, de nouvelles dispositions ont été introduites concernant le transfert au ministère de l'intérieur des fonctionnaires et des agents non titulaires des services de la gendarmerie nationale. Ces aménagements étaient nécessaires à l'adaptation de l'organisation et du fonctionnement du service public, à la suite du rattachement de la gendarmerie. Cela se fera dans le respect des droits des agents tels qu'ils sont inscrits dans le texte.

Enfin, le ministre de l'intérieur et moi-même estimons tout à fait pertinent que le Gouvernement remette un rapport d'évaluation des premiers résultats du rapprochement entre la police et la gendarmerie dans deux ans, c'est-à-dire avec le recul nécessaire, plutôt que l'année prochaine, échéance qui nous paraissait un peu trop proche.

La réalisation du rapport par une instance extérieure aux services de la police et de la gendarmerie renforce cette dimension d'évaluation. Cela n'empêchera pas de faire un point sur les données chiffrées disponibles, chaque année, en particulier lors de la préparation du budget du ministère.

Enfin, je voudrais préciser le sens de deux dispositions importantes introduites au cours des débats. Il s'agit, tout d'abord, de la suppression de la procédure de réquisition de la gendarmerie pour l'exercice de missions ordonnées par le ministre de l'intérieur. C'est la conséquence logique du rattachement organique de la gendarmerie à ce ministère. Celui-ci n'a pas à requérir une force dont il dispose déjà. Cette évolution est naturellement respectueuse des libertés publiques.

Ce projet de loi est l'occasion de l'affirmer : un décret en Conseil d'État fixera les conditions dans lesquelles il pourra être fait usage des armes à feu, dans le cadre du maintien de l'ordre, par la gendarmerie nationale comme par la police nationale. Fort heureusement, l'usage des armes à feu est extrêmement rare, doit le rester et le restera.

Comme l'engagement en a été pris devant vous, ce décret garantira une traçabilité complète des ordres donnés. Cela se fera à droit constant, c'est-à-dire notamment dans le cadre de l'application des dispositions du code pénal, sans recréer une procédure aussi lourde que la réquisition écrite, et notamment par le biais de dispositifs techniques d'enregistrement des ordres. De cette façon, à chaque ordre d'usage d'une arme à feu correspondra une chaîne de responsabilité clairement établie.

De même, pour l'utilisation de moyens militaires spécifiques de la gendarmerie dans le cadre du maintien de l'ordre, un décret en Conseil d'État prévoira un dispositif d'autorisation expresse. L'engagement de ce type de moyens est et restera très exceptionnel. Par nature liée à des situations de désordre très grave, cette utilisation doit, par-delà l'émotion légitime qu'elle peut susciter chez nos concitoyens, nécessiter un encadrement très strict.

Je voudrais, en second lieu, vous rassurer concernant l'implantation territoriale de la gendarmerie. Nous partageons tous le souci d'une présence sur l'ensemble du territoire. Le maintien du maillage territorial est nécessaire pour assurer la sécurité partout et pour tous. Je note que la commission mixte paritaire a retenu la phrase suivante : « La gendarmerie nationale est destinée à assurer la sécurité publique et l'ordre public, particulièrement dans les zones rurales et périurbaines. »

En outre, les règles en vigueur concernant la compétence territoriale de la police nationale ne sont pas remises en cause. Les redéploiements entre la police et la gendarmerie sont possibles – cela s'est déjà fait – et permettent d'améliorer la cohérence du dispositif global. Le rapprochement des deux forces permettra ainsi de trouver, au cas par cas, les répartitions les plus adaptées aux situations locales.

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le projet qui est soumis à votre vote est un texte équilibré, comme le disait à l'instant M. le rapporteur. Il s'agit d'une réforme de fond qui s'inscrit dans le long terme et qui nous donne les outils pour poursuivre l'amélioration de la sécurité de nos concitoyens.

Il ne s'agit pas d'une révolution mais d'une évolution. Celle-ci était nécessaire pour adapter les moyens aux besoins de l'époque, sans mettre en cause les spécificités qui font l'efficacité d'ensemble des forces de sécurité intérieure.

Il nous appartient, à présent, de donner tout son sens à cette réforme en concrétisant, sur le terrain, ce rapprochement entre la police nationale et la gendarmerie. Soyez-en certains, le Gouvernement veillera à ce que cette mise en oeuvre se fasse dans un souci d'équilibre, de complémentarité et d'efficacité, et ce afin de répondre au mieux aux attentes légitimes de sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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