…et permis d'arriver, compte tenu de la bonne atmosphère des débats au sein de la commission, à un quasi-consensus, nous regrettons cependant ce délai trop long entre les conclusions des tables rondes du Grenelle et l'adoption définitive du texte : la concertation a duré quatre mois, et il a fallu ensuite vingt et un mois pour le débat législatif et la transcription dans la loi.
Les reports successifs de l'examen de cette loi – et nous recommençons un peu avec le Grenelle 2 – ne peuvent que nous faire douter du degré réel d'importance que le Gouvernement accorde à ces questions, au-delà des discours. Cela dit, je sais qu'il peut y avoir des avis différents en son sein.
Si le groupe socialiste vous a proposé de préciser dans ce texte l'urgence à agir, c'est parce que le Président du GIEC nous a rappelé l'an dernier que c'était dans les dix ans qu'il fallait inverser la courbe d'émissions de gaz à effet de serre si nous voulions éviter le pire. Or perdre deux ans sur dix ans, c'est beaucoup. Et je ne parle pas des décrets d'application.
C'est d'autant plus préoccupant que, durant cette période, le Gouvernement a continué à faire voter des lois incompatibles avec l'esprit et la lettre de la loi Grenelle 1, qui aggravent la dégradation de notre environnement.
Même si nous connaissons vos efforts pour maintenir en Europe le moratoire sur la culture des OGM, pourquoi avoir fait inscrire dans la loi une disposition contraire aux conclusions du groupe de travail du Grenelle sur ce sujet ? La proposition du « droit à produire et à consommer sans OGM » est devenue « droit à produire ou à consommer avec ou sans OGM », ce qui est exactement l'inverse puisqu'on sait qu'on ne contrôle pas la dissémination des OGM.
De même, alors que, sur tous les bancs et dans nos discours, nous insistons tous sur la nécessité d'un nouveau modèle de développement privilégiant le qualitatif par rapport au quantitatif, pourquoi soutenir le modèle dépassé de la consommation dans les grandes surfaces périphériques avec la loi LME ou la loi sur le travail du dimanche, qui amène justement nos concitoyens à persévérer dans une consommation quantitative, destructrice de nos ressources, au lieu de les inciter à cultiver leurs relations familiales, sociales et culturelles liées au repos dominical ?
On peut comprendre que la question du nucléaire ait été écartée dans un premier temps de la concertation du Grenelle, pour ne pas cristalliser les débats. Aujourd'hui, puisque ce mode de concertation est reconnu comme essentiel dans cette loi que nous votons, peut-on admettre que les décisions de construction de nouvelles centrales nucléaires soient prises sans aucune concertation ? Est-ce se soucier de l'environnement des générations futures que de leur laisser des déchets radioactifs pendant des milliers d'années entreposés dans ce qui, à l'origine, ne devait être qu'un des trois laboratoires d'expérimentations d'enfouissement ?
Cette loi Grenelle 1 est très éloignée du premier texte qui a circulé et qui, lui, était une véritable loi de programmation, avec des échéances et, financièrement, des autorisations de programme. Le texte est devenu une simple loi d'orientation mais il a le mérite d'exister et il comporte des avancées réelles que Christian Jacob a rappelées.
Le suivi permanent de la réalisation de ses objectifs est essentiel et je renouvelle ma demande que l'on communique régulièrement à nos commissions des tableaux de bord assurant ce suivi. De même, cette loi prévoit un grand nombre d'études ou de rapports. Il faudra bien sûr s'assurer de leur réalisation dans les délais indiqués si nous ne voulons pas que la dynamique du Grenelle s'essouffle. Il faudra aussi les faire dans l'esprit dans lequel ils ont été proposés.
À ce propos, je voudrais insister un peu sur un sujet d'actualité, la contribution climat-énergie, à laquelle a fait allusion Serge Poignant. Elle est prévue dans le Grenelle, et certains la réduisent à une taxe carbone. Une telle ambiguïté est inquiétante. Je ne parle pas de la taxe carbone aux frontières, c'est un autre débat, mais de la contribution climat-énergie sur laquelle travaille la commission d'experts de M. Rocard.
La contribution climat-énergie, dans son principe, concerne toutes les énergies, y compris les énergies renouvelables et le nucléaire, et s'inscrit dans une démarche d'incitation générale à la sobriété et à l'efficacité énergétique et contre le gaspillage, tandis que la taxe carbone, vu son appellation, ne concerne que les énergies fossiles.
La taxe carbone est une partie de la contribution climat-énergie. Elle est nécessaire mais pas suffisante pour réorienter notre modèle de développement, comme nous le souhaitons dans nos discours. Alors, au moins dans la discussion, levons les ambiguïtés !
L'acceptation sociale de cette contribution climat-énergie est essentielle. Or elle est liée au sentiment de justice sociale dans son application. Un simple transfert d'impôts des entreprises vers les ménages est inacceptable dans son principe, et insupportable concrètement pour les ménages les plus démunis. La question d'une aide pour les ménages les moins aisés est l'une des données fondamentales si l'on veut que cette contribution soit acceptée et pérenne.
Bref, la commission doit faire une analyse en termes de développement durable et ne pas se contenter d'une taxe à efficacité économique et écologique, en négligeant l'aspect social. Sinon, la contribution climat-énergie risque d'être mort-née.
De plus, indépendamment du champ de l'application de cette mesure, les termes utilisés ne sont pas neutres : une taxe est perçue plutôt comme une punition, une contribution comme un acte positif. Même si cette contribution est imposée, on a oublié que le service qui s'occupe des impôts en général est celui des contributions directes, contribution des citoyens au développement de leur pays.
Pour assurer le changement de notre modèle de développement, il ne suffira pas de punir par une taxe l'utilisation des énergies fossiles. Il faut mobiliser l'ensemble de la société par une contribution climat-énergie universelle, socialement juste, qui permette une véritable réorientation de nos modes de production et de consommation.
En conclusion, nous réaffirmons notre soutien à ce texte (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) qui, en dépit de ses imperfections, doit être une référence pour l'ensemble des politiques à venir, pas seulement environnementales, mais avec un objectif de développement durable, c'est-à-dire articulant l'économique, le social et l'environnemental,
C'est là que le bât blesse, et c'est ce qui explique en grande partie les dysfonctionnements actuels auxquels j'ai fait référence : cette articulation des trois pôles ne peut se faire au sein d'un ministère parmi d'autres, fût-il prestigieux. Les arbitrages ne peuvent s'exercer qu'au niveau du Premier ministre. Cette réorganisation institutionnelle pourrait être une piste de recherche au moment où chacun s'interroge sur le rôle du Premier ministre par rapport à la nouvelle pratique de la fonction présidentielle.
D'ici là, sachez que nous serons toujours très vigilants sur la mise en oeuvre des principes et actions de cette loi Grenelle 1, que nous allons voter. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)