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Intervention de Yves Cochet

Réunion du 17 octobre 2008 à 15h00
Grenelle de l'environnement — Article 19

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Cochet :

La nouvelle rédaction proposée pour l'article 19 n'en reprend pas moins une partie de l'article originel et aborde les sujets fondamentaux que sont la recherche, les rapports entre la santé et l'environnement, et la mobilisation financière en vue d'atteindre les objectifs fixés dans ces domaines.

Je ne vais pas regretter à chaque fois la manière dont les choses se passent dans la mesure où nous en avons accepté le principe pour cet article. Cependant, on est en train de nous proposer une nouvelle loi, puisque, comme l'a dit le président Ollier, le projet est réécrit de l'article 19 jusqu'à la fin. En ce qui nous concerne, nous n'accepterons pas de travailler ainsi. Si nous faisons un effort sur l'article 19, nous n'entendons pas discuter d'une loi dont nous découvririons le contenu seulement au moment où les liasses sont distribuées en séance : cela n'est ni démocratique ni respectueux du droit d'expression et d'amendement de l'opposition.

J'en viens au fond. Il ne faut pas croire que la technologie, la technique et la science suffiront à elles seules à résoudre tous les problèmes. Je pense même qu'en réalité, c'est essentiellement la modification des comportements qui peut contribuer à la préservation de l'environnement et à de meilleures relations entre les domaines sociaux, économiques et environnementaux – autrement dit, il faut des mesures normatives alors que votre loi est trop incitative : vous prévoyez quelques incitations en direction des acteurs économiques, vous sollicitez, vous demandez, mais vous n'imposez rien. Une loi, fût-elle d'orientation, pourrait dessiner un cadre plus rigoureux que celui qui nous est proposé.

Qui plus est, le Grenelle de l'environnement, aurait dû être l'occasion d'adopter un nouveau type de vocabulaire. Dans les lois, tout au moins depuis le début de la Ve République, on reste le plus souvent dans le juridique, puisque c'est là que le droit s'écrit d'une main tremblante, mais les discussions, elles, sont plutôt humanistes ou économiques, chacun défendant ou illustrant sa conception du vivre ensemble. Pour ma part, j'ai essayé d'exposer une nouvelle manière de voir le monde : nous ne vivons pas uniquement entre humains, mais avec un environnement biophysique, matériel, vivant, régi par d'autres lois que celles qui résultent des négociations entre humains. Cette conception fait peut-être sourire certains d'entre vous, mais j'ai déjà essayé de la développer pendant mon intervention sur la crise financière et la déclaration du Gouvernement préalable au Conseil européen : j'ai prononcé des mots dont j'avais l'impression que chacun les découvrait. Dans cette autre vision du monde, on emploie effectivement des termes qui viennent de la science écologique, de la thermodynamique ou de la physique. À ignorer de telles réalités, on en vient, de plus en plus souvent, à se tromper totalement.

Votre réécriture de l'article 19 a évidemment tenu compte des amendements des divers groupes, y compris de ceux de la majorité : on y retrouve tous les mots magiques qui devaient y figurer... Ainsi, il est indiqué que « l'effort national de recherche privilégiera les énergies renouvelables », sous toutes les formes. Par exemple, il est question de la pile à combustible. Or, un peu comme les agrocarburants, c'est une sorte d'éléphant blanc, un rêve qui n'aura jamais de traduction industrielle massive. Je ne dis pas que la pile à combustible ne peut pas exister : le principe scientifique lui-même remonte à plus d'un siècle. Scientifiquement, le mécanisme de la pile à combustible est donc parfaitement connu. Mais il se pose un problème d'ordre technologique. Certes, celui-ci peut être surmonté par des modifications dans la fabrication de l'hydrogène, mais si l'on ne tient pas compte du deuxième principe de la thermodynamique, on se trompe en croyant à un développement industriel de cette source d'énergie. On pourrait à la rigueur imaginer l'installation d'une pile à combustible dans un téléphone mobile : au lieu de le recharger tous les jours, on le rechargerait tous les deux mois. C'est technologiquement facile à réaliser. Mais croire que, grâce à la pile à combustible, on verra 700 millions de voitures électriques à hydrogène, c'est un rêve total. Cela ne marchera parce que cette technologie est coûteuse et que l'hydrogène, c'est dangereux. En plus, pour des raisons thermodynamiques, le bilan de la filière pile à combustible est négatif : plus vous produisez de l'hydrogène, plus vous perdez de l'énergie. Il est possible d'en perdre localement, pour gagner un peu de néganthropie – notez bien ce mot, mes chers collègues –, pour des raisons ponctuelles, locales, mais pas d'en perdre massivement en cherchant à remplacer les 700 millions de véhicules qui existent dans le monde.

Voilà pourquoi, monsieur le président de la commission, monsieur le ministre d'État, je proposerai un sous-amendement à l'amendement n° 2079 , ainsi rédigé : « à la sixième ligne du I de l'amendement n° 2079 , supprimer les mots : «, les piles à combustible » ». Ce serait une erreur de croire que cette technologie pourrait éviter massivement des émissions de gaz à effet de serre, ou encore contrebalancer la déplétion des hydrocarbures.

Je ne veux pas faire durer excessivement le débat, mais, je le répète, je regrette la forme utilisée. Nous l'acceptons pour l'article 19, mais il en ira différemment pour les autres articles.

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