Madame la présidente, mon rappel au règlement sera peut-être un peu plus long que de coutume mais, compte tenu de la situation, il est important que les choses soient dites.
Monsieur le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, tout le monde s'accordait à reconnaître que, jusqu'ici, nous avions travaillé dans un esprit très constructif empreint de respect mutuel, visant à enrichir le texte du Grenelle sur le fond ; or nous avons vécu, hier soir, ou plutôt ce matin, une sorte de psychodrame tenant à des raisons non sur le fond, mais à la forme, à des questions de calendrier.
Vous nous proposez, en effet, monsieur le président de la commission des affaires économiques, une sorte de « 49-3 de commission », si je puis dire, avec la réécriture par le rapporteur du projet de loi, ce qui fait tomber tous les amendements.
Soyons clairs : nous n'avons aucune responsabilité dans cette situation de blocage du débat démocratique que vous auriez pu anticiper pour l'éviter. N'y voyez aucun procès d'intention à votre encontre, mais qui a fixé un ordre du jour aussi approximatif et mal évalué dans le temps ? Comment pouvait-on imaginer que, sur des sujets de cette importance, alors qu'on avait laissé quatre mois aux partenaires du Grenelle pour en discuter, les députés ne disposeraient que de quatre jours pour se les approprier ? Je ne parle pas des deux journées parlementaires qui ont été occultées et qui auraient pu être utilisées pour le débat. Je trouve normal que des députés de la majorité soient inscrits sur les articles et déposent des amendements : c'est la loi. Mais vous saviez que tout cela allongerait les débats.
Nous nous retrouvons donc dans une impasse. Vous avez décidé de réécrire plus de la moitié des articles pour accélérer l'examen du projet de loi et limiter les débats. Nous prenons acte de votre volonté d'écourter la discussion.
Monsieur le ministre d'État, juste avant de nous séparer ce matin, vous avez insisté sur la nécessité d'achever l'examen de ce texte avant de démarrer, lundi prochain, à l'Union européenne, les débats sur le paquet « climat-énergie » que, présidence française oblige, vous êtes chargé d'animer Nous sommes conscients de la difficulté de l'exercice : vos amis politiques au PPE sont divisés sur la question. Nous regrettons que, dans les objectifs dits « 3x20 », l'efficacité énergétique ne soit pas proposée comme un objectif contraignant alors qu'elle faciliterait l'atteinte des deux autres objectifs concernant les énergies renouvelables et les gaz à effet de serre – deux objectifs eux-mêmes parfois remis en cause et qu'il vous faut défendre. Enfin, nous savons que, lorsqu'on parle d'une seule voix, on est plus fort et mieux entendu. Cela vaut pour les régions lorsqu'elles défendent leurs lignes TGV, cela vaut pour l'Europe dans le monde, cela vaut aussi pour la France en Europe. C'est pourquoi nous ne souhaitons pas, monsieur le ministre d'État, affaiblir la position de la France à Bruxelles dans la défense du paquet « climat-énergie ».
En dépit des insuffisances que nous avons constatées et que vous n'avez pas toujours corrigées dans la discussion de la première partie de la loi, en dépit de l'interrogation sur les moyens affectés pour sa mise en oeuvre, en dépit du manque d'actes significatifs du Gouvernement pour lui donner de la crédibilité, nous saurons prendre nos responsabilités devant une situation de crise que vous avez provoquée.
Face à l'utilisation de ce « 49-3 de commission » qui fait tomber tous les amendements, deux attitudes s'offraient à nous.
Première solution : déposer un maximum de sous-amendements de façon à nous rapprocher des conditions d'un débat normal. Cela n'aurait évidemment pas permis d'achever l'examen du projet de loi cette semaine, signifiant donc l'enlisement du Grenelle – imputable à votre manque de clairvoyance.
Deuxième solution envisageable : vous laisser finir entre vous la réécriture de la seconde partie, à votre guise, en vous laissant assumer vos responsabilités devant cet échec du débat démocratique.
Monsieur le ministre d'État, nous ne souhaitons ni l'enlisement du Grenelle ni l'absence totale de débat démocratique sur la seconde partie du texte, qui affaiblirait terriblement votre position à Bruxelles. Nous continuerons donc à siéger. Nous allons, ici, sauver le Grenelle d'un enlisement qui pourrait lui être fatal pour vous aide à sauver le paquet « climat-énergie ».
Je vous demanderai ensuite, madame la présidente, une suspension de séance afin de nous organiser. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)