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Amendement N° 68 (Adopté)

Rétention de sûreté et déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental

Déposé le 7 janvier 2008 par : le Gouvernement.

Avant l'alinéa 1 de cet article, insérer les deux alinéas suivants :

« I. - Les dispositions du I de l'article premier sont immédiatement applicables aux personnes faisant l'objet d'une condamnation prononcée après la publication de la présente loi, y compris pour des faits commis avant cette publication.
« II. - Elles sont également immédiatement applicables aux personnes condamnées avant la publication de la loi et exécutant une peine privative de liberté à la date du 1er septembre 2008, lorsque ces personnes ont fait l'objet soit de plusieurs condamnations pour les crimes mentionnées à l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, dont la dernière à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à quinze ans, soit d'une condamnation unique à une telle peine pour plusieurs de ces crimes commis sur des victimes différentes. »

Exposé Sommaire :

L'article 5-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui fixe les conditions dans lesquelles une personne peut être privée de liberté, précise en son (a) qu'elle doit être « détenue régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ». Le Conseil d'État, lors de l'examen du projet de loi, a déduit de cette stipulation que le principe d'un réexamen de la situation du condamné à la fin de sa peine en vue d'une éventuelle décision de rétention de sûreté devait avoir été expressément décidé par la juridiction de jugement.

Le projet de loi soumis au Parlement tire les conséquences de cette interprétation de la convention. Il ne règle pas une question particulièrement délicate, qui est celle des conditions d'application de la loi aux personnes déjà condamnées lors de son entrée en vigueur.

Le Gouvernement a poursuivi sa réflexion sur ce point. Il lui est apparu difficilement explicable que deux personnes parvenant en fin de peine au même moment ne puissent se voir appliquer le même régime de rétention de sûreté alors qu'elles présenteraient le même degré d'extrême dangerosité, parce que l'une aurait été condamnée avant l'entrée en vigueur de la loi. Cela conduirait, en pratique, à écarter l'application de la loi plusieurs années après son entrée en vigueur, lorsqu'une personne condamnée peu de temps avant la publication du texte, viendrait à sortir de prison après une longue peine.

Cette situation serait d'autant plus difficile à justifier que, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans ses décisions de 2004 et 2005, une mesure de sûreté, qui n'est justifiée que par la particulière dangerosité de la personne, n'a pas la nature d'une peine et peut donc s'appliquer sans rétroactivité à une personne condamnée à raison de faits antérieurs à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Par ailleurs, il semble au Gouvernement que l'article 5-1 de la convention européenne, en faisant référence à la situation des personnes « régulièrement détenues après condamnation », offre suffisamment de souplesse pour permettre, au moins à titre de mesure transitoire, que la commission composée de magistrats instituée par le projet de loi puisse se saisir du cas de personnes déjà condamnées avant l'entrée en vigueur de la loi.

Cette souplesse est notamment perceptible dans l'arrêt du 27 mai 1997 (Eriksen c/ Norvège), dans lequel la Cour de Strasbourg a admis qu'une mesure de privation de liberté puisse être prolongée alors même qu'une durée importante s'était écoulée depuis le jugement de condamnation et que ce jugement n'avait pas expressément prévu une telle prolongation, car cette privation de liberté ne « perdait pas son lien de causalité avec cette condamnation ».

Quant au Gouvernement allemand, il a modifié sa législation en 2004 pour renforcer son dispositif, comparable, de détention-sûreté des criminels les plus dangereux et permettre de l'appliquer en l'absence de toute précision dans la décision initiale de condamnation, estimant que le a) de l'article 5-1 de la CEDH n'exigeait pas que la détention soit la conséquence expresse d'un jugement de condamnation, mais qu'il suffisait qu'elle «présente un lien de causalité avec cette condamnation ».

Le présent amendement doit donc permettre de concilier les exigences constitutionnelles et conventionnelles avec la nécessité de protection de la société s'agissant des personnes déjà condamnées qui présentent une dangerosité telle qu'il paraît nécessaire de proposer leur placement en centre de rétention dès la fin de l'exécution de leur peine.

Il autorise de retenir en fin de peine des personnes condamnées avant l'entrée en vigueur de la loi et à l'égard desquelles la décision de condamnation n'a donc pu prendre parti sur cette possibilité, dès lors qu'il apparaît que découle bien de cette décision, d'une autre manière, la dangerosité de la personne ou son risque de récidive.

Tel est le cas si la personne a été condamnée, soit dans la même condamnation, soit lors de plusieurs condamnations distinctes, pour plusieurs crimes commis sur des victimes différentes : la répétition des faits est en effet un indice objectif de dangerosité et de risque de récidive, qui découle effectivement des condamnations puisque celles-ci ont bien déclaré la personne coupable à plusieurs reprises. Cette pluralité de crimes, ayant chacun fait l'objet de déclarations de culpabilité distinctes, met en outre clairement en évidence l'existence d'un trouble grave de la personnalité justifiant la rétention de sûreté.

L'objet du présent amendement est donc de compléter le projet par une disposition de droit transitoire, applicable aux condamnations déjà prononcées, et précisant que si la personne a été condamnée pour plusieurs crimes, la rétention de sûreté pourra être ordonnée en fin de peine. Cette disposition figurera au II de l'article 12.

Le I de l'amendement reprend les dispositions proposées par l'amendement n° 57 de la commission des lois, et qui précisent que pour les condamnations prononcées après la publication de la loi, et qui auront pu prévoir expressément le réexamen de la situation du condamné, la rétention de sûreté sera possible même si les faits ont été commis avant cette publication.

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