Déposé le 25 septembre 2010 par : Mme Pinel, M. Charasse, Mme Berthelot, M. Giacobbi, Mme Girardin, M. Giraud, M. Likuvalu, Mme Jeanny Marc, Mme Orliac, Mme Robin-Rodrigo.
Supprimer cet article.
Il s'agit d'une des mesures les plus répressives du projet de loi. Elle vise à accorder à l'administration un pouvoir démesuré et très peu normé alors qu'elle instituerait un véritable bannissement des étrangers.
La CNCDH est à cet égard particulièrement préoccupée par le développement de la répression administrative en droit des étrangers.
La directive retour n'impose nullement qu'une telle interdiction relève de la seule compétence des autorités administratives.
Tout étranger qui a fait l'objet d'une mesure d'éloignement peut être frappé, sur décision discrétionnaire de l'administration, d'une interdiction de retour sur le territoire français allant de 2 à 5 ans. Cette décision n'est pas fondée sur une condamnation pénale prononcée par un juge judiciaire.
Cette interdiction est doublée d'une inscription au fichier européen SIS, qui rendra de fait quasi impossible l'entrée dans n'importe quel autre pays européen.
Malgré la gravité de cette mesure, le projet de loi ne prévoit aucune catégorie de personnes explicitement protégées de ce bannissement. Il se borne à mentionner de manière floue que l'administration devra notamment tenir compte de la durée de présence sur le territoire, de la nature et de l'ancienneté des liens avec la France.
De nombreux étrangers (conjoints de français ou de résidents en France, pères d'enfants français, membres de famille de français, jeunes scolarisés entrés après l'âge de 13 ans, demandeurs d'asile déboutés, travailleurs qui avaient construit une vie en France…) qui ont pourtant vocation à séjourner sur le territoire français en seraient « bannis », de manière discrétionnaire, pour une durée allant de 2 à 5 ans.
Bien que certaines catégories de personnes (victimes de la traite des êtres humaines ou qui ont fait l'objet d'une aide à l'immigration clandestines et qui coopèrent avec les autorités compétentes) soient protégées, sous certaines conditions, par la directive retour (article 11§3, al.2), le projet de loi ne transpose pas cette disposition.
Même si l'étranger quitte le territoire, il doit justifier de ce départ auprès de la préfecture dans un délai de deux mois pour que l'interdiction de retour soit abrogée. Par décision motivée, l'administration peut refuser cette abrogation au regard de « circonstances particulières tenant à la situation et au comportement de l'intéressé », sans autres précisions. En cas d'abrogation de l'interdiction de retour, le projet de loi ne prévoit pas l'annulation simultanée de l'inscription au fichier SIS.
Bien que l'interdiction de retour ne tient quasiment pas compte des réalités humaines et des droits fondamentaux, on peut craindre qu'elle ne soit très fréquemment employée par les préfectures.
Constitutive selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel d'une sanction administrative et soumise comme telle au respect de diverses garanties issues du droit pénal et de la procédure pénale (procédure contradictoire, droits de la défense, etc.), une application systématique de l'interdiction de retour contredirait, par sa durée, les principes de nécessité et de proportionnalité des peines en dépit des garanties qui l'entourent. De plus, l'impossibilité d'en demander l'abrogation si l'étranger n'apporte pas lui-même la justification de sa résidence hors de France constituerait une méconnaissance du droit à un recours effectif. Par ailleurs, cette sanction est de nature à porter gravement atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, notamment pour l'étranger conjoint d'un ressortissant français, et au droit d'asile si les étrangers renvoyés dans leur pays ont ensuite besoin de le quitter en raison de menaces de persécution.
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