Déposé le 28 janvier 2009 par : M. Suguenot, M. Blum.
À l'article L. 1522-2 du code général des collectivités territoriales, les mots : « inférieure à 15 % » sont remplacés par les mots : « supérieure à 66 %. »
En droit public français, l'économie mixte consiste à privatiser les bénéfices et à socialiser les risques. En effet, les Entreprises publiques locales (EPL) - anciennement appelées SEM, ou sociétés d'économie mixte - sont des entreprises qui agissent au service de l'intérêt général, tel que défini par leurs collectivités actionnaires. Mais les EPL ont également vocation à être performantes et transparentes : elles produisent des résultats, fixent leurs règles en matière de rémunération du capital, et impliquent leurs actionnaires, notamment minoritaires.
En France, le champ d'action des EPL concerne en premier lieu l'aménagement des territoires. Leur métier consiste précisément à développer ces territoires, grâce à ce qui fait leur « valeur ajoutée » : les partenariats public privé.
Cependant, elles jouent également un rôle clé dans la politique du logement (logement social, intermédiaire et accession sociale à la propriété), en métropole comme dans l'outre-mer. A ce titre, et alors même que notre économie est actuellement confrontée à une grave crise financière, les EPL sont parfaitement en mesure de constituer un formidable levier d'amortissement.
En outre, l'environnement des EPL est de plus en plus déterminé par l'intensification de la concurrence. Sous l'effet du droit communautaire, les cloisons qui subsistent encore avec le marché concurrentiel s'amincissent. Sur des marchés émergents comme la culture, la santé ou les NTIC, les EPL sont ainsi confrontées à l'offre croissante de services des grands groupes. Sur leurs marchés traditionnels, la concurrence entre les EPL et les autres opérateurs publics et privés est de plus en plus vive. Les EPL doivent par conséquent s'adapter à de tels changements afin d'en tirer profit, par le biais de l'amélioration de la qualité de leurs services, et par la maîtrise de leurs coûts.
En outre, depuis plusieurs années, il existe un mouvement de transfert de nouvelles compétences à l'échelon des collectivités régionales et locales, considéré comme le plus à même de maîtriser la complexité de l'action publique. Or, ces mêmes collectivités sont amenées à assumer de plus en plus de compétences, avec de moins en moins de moyens humains et financiers.
L'avenir des EPL s'inscrit donc dans ce contexte de concurrence qui favorise la mobilité des investissements et la concentration des capitaux. Dès lors, les collectivités locales qui tireront leur épingle du jeu seront celles qui réussiront à rassembler tous les acteurs locaux, publics et privés, dans le but de stimuler l'emploi. Les EPL peuvent les y aider, en s'alliant à d'autres acteurs publics, mais également privés.
La mixité ne doit pas être considérée comme une contrainte juridique, mais avant tout comme un atout stratégique.
Après une série d'évolutions successives, le législateur a fixé entre 50% plus une action et 85% la participation des collectivités locales dans les EPL, afin d'éviter à des partenaires privés d'y détenir la majorité. La part maximale des collectivités est donc passée de 40% en 1926, à 65% en 1955 puis à 80% en 1983, et enfin à 85% en 2001. A ce jour, sauf exception, les partenaires privés ne peuvent donc ne détenir au maximum que 49% du capital d'une EPL.
A l'heure du développement croissant des partenariats public privé et alors que les collectivités recherchent de plus en plus de ressources pour faciliter la mise enoeuvre de leurs compétences et projets, il est regrettable qu'il soit interdit aux acteurs privés de détenir la majorité du capital des EPL. En effet, les collectivités doivent pouvoir bénéficier de l'expertise du capital privé, partager avec lui les risques, et ainsi développer des projets qu'elles ne sont pas toujours en mesure de financer seules.
Or, dans les faits, la loi a laissé au « bon vouloir » des collectivités la possibilité de verser d'éventuels dividendes aux opérateurs privés, ce qui a eu pour effet de restreindre les financements privés dans les EPL. Ainsi, si le versement de dividendes est autorisé par la loi, il est resté très rare dans la pratique : en 2000, seules 4% des EPL avaient pu y procéder…
Comment obtenir la présence d'établissements financiers ou industriels dans le capital d'un EPL, sans les assurer d'un véritable retour sur investissement ni leur confier une réelle capacité de jouer pleinement leur rôle dans la gouvernance de la société ?
Dès lors, l'implication des actionnaires privés, pourtant de plus en plus nécessaire - comme en témoigne le succès croissant des différentes formes de partenariat public privé (notamment les contrats de partenariat) - s'en est trouvée amoindrie : ces derniers participent rarement aux plans de redressement, et notamment aux recapitalisations. Par conséquent, les collectivités locales se trouvent contraintes d'assumer seules les risques pris par leurs EPL, alors même que la présence de partenaires privés leur garantirait le respect des critères de la gestion privée, et pourrait éviter aux EPL de s'engager dans des opérations mal maîtrisées, avec des répercussions importantes sur les finances locales.
Enfin, la France apparaît, à cet égard, en retrait par rapport à ses voisins européens. Avec la Grèce et le Portugal, elle est l'un des rares pays d'Europe qui restreigne autant la participation des acteurs privés dans le capital des EPL. Alors que notre pays préside pendant quelques mois encore l'Union européenne, il convient de saisir cette occasion de marquer - au-delà des réticences - la volonté de la France de développer les initiatives publiques/privées, comme le font déjà bon nombre de nos partenaires européens.
L'objet du présent amendement est donc de modifier les règles de constitution du capital social des SEM, afin d'y attirer plus largement les capitaux privés, en précisant que ce sont les collectivités qui choisiront seules le pourcentage qu'elles souhaiteront détenir dans ce même capital social. Elles pourront donc toujours y conserver la majorité si elles le décident.
Par conséquent, il vous est proposé de permettre la participation de partenaires privés dans une limite de 66% du capital d'une SEM, ce qui, de fait - et sans remettre en cause le principe fondamental du contrôle des SEM par les collectivités actionnaires -, permettrait à l'actionnaire public de conserver une minorité de blocage, garantissant ainsi le service de l'intérêt général.
Une telle réforme, sous réserve de garanties fortes - minorité de blocage assurée pour la collectivité -, serait de nature à relancer le dynamisme des EPL, en attirant de nouveaux opérateurs privés vers ces entreprises.
Elle permettrait ainsi de favoriser les investissements dans les secteurs concernés, notamment le logement.
Enfin, elle s'inscrirait dans le cadre nécessaire de l'harmonisation des législations européennes.
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